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Iran : Les petites histoires d’une libération attendue
05.04.2007

Deux jours, deux prévisions : deux réalisations. Depuis le début de cette affaire de prise d’otages, nous avions comme l’accoutumé adopté une attitude réaliste car nous connaissons l’Iran et nous n’avons aucun tabou à respecter, contrairement aux nombreux experts français mandatés par le Quai d’Orsay ou désireux d’être consultés sur le sujet. Les mollahs de la république islamique lançaient comme à l’accoutumé des slogans, parlant de procès et d’intransigeance et même d’exécution des espions, nous avons écrit qu’ils ne voulaient pas dépasser les limites et surtout qu’ils cherchaient le contraire de ce que diagnostiquaient les médias français et leurs confrères d’ailleurs.



Selon IRAN-RESIST, l’affaire était un prétexte pour rencontrer des diplomates britanniques dans un cadre bilatéral et nous avions prédit une forte réaction Russe. Cette prévision se réalisa le 3 avec la décision russe de mettre en garde les mollahs et de menacer une nouvelle pause dans les travaux de la Centrale de Bouchehr. Nous avions alors pronostiqué que les Russes allaient sans doute mettre plus de pression aux mollahs afin que ces derniers se gardent de rencontrer l’émissaire britannique et nous prédisions un dégonflage express des mollahs. C’est Ahmadinejad qui a relâché les otages en toute hâte car entre temps ses alliés exclusifs de la Russie avaient même laissé entendre que ce pays refuserait de livrer du combustible nucléaire à l’Iran jusqu’à ce que les litiges soient réglés et les difficultés écartées, sans préciser la nature exacte de ces difficultés (source Itar-Tass et Interfax). La Russie restera sur cette position car les mollahs ont sous le coude deux autres affaires d’otages susceptibles de nécessiter des rencontres bilatérales avec la France ou avec les Etats-Unis.

Cette affaire des otages britanniques a été une occasion renouvelée pour les experts français d’aller dans le sens des attentes du régime des mollahs : l’une de ces attentes est la reconnaissance de l’existence en Iran de modérés ouverts au dialogue, modérés qui seraient en lutte contre les ultras et les Pasdaran. L’autre attente est la reconnaissance de la menace d’un programme nucléaire militaire du régime. En fait, chacun a envie d’arriver à une entente avec les mollahs de la république islamique et la justification de ce compromis est la menace nucléaire des missiles iraniens pointés vers Israël ou l’Europe.

Le site IRAN-RESIST avait dans les premiers mois de son existence fait état de cette menace sur la base de déclarations d’experts français. Or, ces experts sont invariablement favorables à une entente avec les modérés du régime. Selon IRAN-RESIST, l’existence d’un programme nucléaire militaire performant en Iran est douteux : le régime entretient le doute afin de pousser les occidentaux au consensus (le sien : le pack Iran+Hezbollah)…

Les occidentaux ne sont pas non plus mécontents de cette situation qui justifie la poursuite de négociations qui seraient susceptibles de désamorcer une menace nucléaire à base de missiles balistiques. Or, ces missiles n’existent pas : l’Iran n’en a pas. Par ailleurs ce régime est un régime qui finance le terrorisme et pour être une menace nucléaire, il n’a nul besoin de missile, mais personne n’évoque d’aussi sombres perspectives car dans ce cas, tout consensus deviendrait injustifiable.

Les négociations (avec les modérés du régime) en vue d’un consensus supposent donc : une amplification de la menace nucléaire du régime et une omerta sur les capacités du terrorisme nucléaire du même régime. Il est évident qu’il faut aussi laisser entendre qu’il existe en Iran des « modérés » : la reconnaissance d’un front de modération est d’autant plus aisée qu’il existe un énergumène du nom d’Ahmadinejad qui multiplie les provocations.

Ainsi nous pouvons écrire des centaines de fois que dans la Constitution de la république islamique le président est sans pouvoir, ceci ne changera rien car on vous répétera de Tel Aviv à Paris et de Londres à Washington : « ce type est un Hitler, cherchons à aider les modérés et les pragmatiques ». Tel est la situation : Ahmadinejad est aussi utile aux mollahs qu’à ceux qui cherchent un compromis avec eux.

2 exploitations politiques de cette affaire en France
Maurin Picard du Figaro

L’affaire des otages, et là encore nous l’avons écrit, a permis au régime et à ces lobbyistes de mettre en avant l’un ou l’autre des deux thèmes (l’existence des modérés et le programme nucléaire militaire) ou les deux.

Ainsi dans le Figaro, le journaliste Maurin Picard a évoqué une hypothèse :

  • « et si l’Iran profitait de la crise pour accélérer son programme nucléaire ? »

Malheureusement, il s’agit d’un article aux informations qui datent ; des rumeurs lancées il y a quelques mois par le régime lui-même sur l’installation de 3000 centrifugeuses à Natanz : rumeurs élaborées pour amplifier l’aspect menaçant du régime. La question que nous posons à Maurin Picard est de nous expliquer pourquoi ce régime n’arrive-t-il pas à finir les travaux de Bouchehr s’il est si performant dans le domaine nucléaire ? Le problème avec Maurin Picard est qu’il ne développe jamais aucun raisonnement malgré un vrai génie pour des titres accrocheurs.

Thérèse Delpech pour 20 minutes : un cas de lobbying déguisé

Une autre expertise est venue de Thérèse Delpech dont nous avons diffusé certains articles avant de comprendre qu’elle diffusait en réalité des informations anxiogènes sur le modèle cher à Téhéran d’amplification de la menace nucléaire de l’Iran. Ses propos rapportés par le journal 20 minutes sur l’affaire des otages britanniques nous ont procuré une bonne tranche de rigolade !

20 minutes |Quel était l’objectif recherché le 23 mars lors de la capture des quinze marins britanniques ?

  • Le but est de radicaliser la situation pour contrer ceux qui, à Téhéran, pourraient être tentés par un compromis sur la question nucléaire.

20 minutes | Qui, selon vous, gère ce dossier au sein du régime ?

  • L’enlèvement a été le fait des Gardiens de la Révolution, les Pasdarans, qui sont proches du président Mahmoud Ahmadinejad et qui ont intérêt a la confrontation.

20 minutes | Quelle issue pourrait être trouvée à la crise ?

  • Les Britanniques cherchent une issue diplomatique. Elle ne sera probablement pas simple, ni rapide. Pensez que le skipper français Stephane Lherbier, dans des conditions beaucoup plus anodines, est resté 14 mois otage de Téhéran.

20 minutes | Que serait susceptible d’exiger l’Iran en échange de la libération des quinze marins britanniques ?

  • Si l’enjeu est, pour les Gardiens de la Révolution, de durcir la situation, le problème n’est pas vraiment celui d’un échange. Surtout que les Pasdarans ont essuyé récemment un coup très dur avec la défection a l’ouest du général Asghari.

Mais c’est une foutaise à la minute ! Thérèse Delpech a également livré quelques une des ses idées sur Ahmadinejad, sur la révolution islamique, le plébiscite national d’une bombe nucléaire ou encore une attaque militaire contre les mollahs. Elle pense par exemple que les occidentaux ont été surpris par la révolution islamique en Iran ! Nous lui suggérons donc vivement la lecture des ouvrages cités dans les articles suivants…

Iran - 11 février : La révolution de Khomeiny, l’héritage de Mossadegh

Mirza Malkam : L’inspirateur de la république islamo-maçonnique en Iran

En réalité, ce qu’elle a dit hier dans 20 minutes et très différent de ces précédents points de vue, mais Delpech n’a toujours fait qu’une seule et même chose : s’aligner sur les positions néo-conservatrices (neocons) proches de Richard Perle.

Cette ancienne conseillère de l’ex Premier ministre Alain Juppé (1995-1997), est surtout membre de la cellule européenne de la Rand Corporation, un Think tank américain très influencé par le réseau de Richard Perle. Perle et ses collaborateurs sont de très hostiles adversaires à l’Arabie Saoudite et à ses alliés comme le Pakistan (Delpech attaque invariablement le Pakistan dans tous ses articles).

Perle est un des parrains des faux opposants iraniens et la normalisation du régime des mollahs est son projet. Perle n’est plus au Rand Corporation et il se trouve à présent à l’AEI où avec la complicité de Micheal Ledeen, il essaie d’influer sur l’Iran comme il a influé sur l’Irak. La bande à Perle a d’abord amplifié la crise en diffusant un grand nombre de documents sur les capacités nucléaires des mollahs. Ces derniers ravis ont eux-mêmes participé à l’opération.

Dans le cadre de cette amplification américaine, Perle demandait alors la fermeté vis-à-vis du régime tout en appuyant divers mouvements factices comme celui des étudiants ou encore les ethnies dissidentes et séparatistes. Comme nous l’avons écrit dans une précédente analyse, nous pensions naïvement que les américains voulaient encercler l’Iran pour renverser les mollahs, mais ils ne voulaient que les affaiblir pour les soumettre en leur proposant un scénario identique à celui qui fut proposé aux Talibans durant l’été 2001 : La convocation d’un conseil national (loya Jirga). L’idée était de placer le roi en exil Zaher Chah au-dessus des Talibans afin de rendre politiquement correct ce régime et relancer le projet du gazoduc vers l’Asie Centrale (source GD).

Dans le cas iranien, il était prévu que les mollahs affaiblis acceptent la version américaine de la normalisation : version comprenant l’accession au pouvoir des personnages préfabriqués comme Fakhr-Avar, le cas échéant, et à contre-cœur, les Américains accepteraient le retour d’une monarchie en Iran dans la mesure où elle serait formatée sur le modèle afghan, c’est-à-dire très loin du pouvoir laïque, moderne et patriote des deux premiers rois de la dynastie Pahlavi (du Shah et de son père).

Aujourd’hui, les mollahs sont très affaiblis et eux-mêmes savent que leurs jours sont comptés, ils souhaiteraient même un arrangement : à présent le réseau infernal de Richard Perle commence à chantonner des airs familiers comme le « dialogue avec les modérés ». Mme Delpech ajuste sa mélodie sur cet air.

Pourtant, ce que l’ensemble des néo-cons américains oublient est qu’ils ne sont pas les seuls à s ‘interresser à l’Iran. La Russie défendra son bien bec et ongle et pour une fois, tout patriote souhaitera qu’elle ne flanche pas.

Quant à Delpech, ses déclarations sur les otages ont été dictés par sa volonté de rester conforme aux idées de la confrérie de Richard Perle (les modérés contre les ultras…). Dans d’autres métiers, quand un expert se trompe, il se retire ou il se tait. Nous suggérons donc à cette dame qui nous a si souvent trompés de se taire ou bien de se documenter pour faire des prévisions politiques qui se réalisent et non pas des prévisions qui tiennent une demi-journée.

Quant à ses prédictions nucléaires, elle avait parlé en août 2005 d’une très grande capacité de reconversion de minerai d’uranium en gaz UF6, nous avons récemment découvert que l’Iran n’a tout bonnement pas de capacité minière conforme à cette affirmation. Il y a aussi son intervention du 18 mai 2004 devant la commission des affaires étrangères où elle affirmait que c’est le Shah qui avait voulu une bombe atomique : déclaration influencée par le clan Perle qui mène un lobbying très hostile à l’avènement d’un Iran fort dans la région.

Conclusion

L’affaire des britanniques captifs se conclut par une capitulation de Téhéran qui pourrait paraître surprenante si on pensait qu’il était un épisode de la guerre interne du régime. Cette prise d’otages était une tentative pour des négociations sans la présence des Russes (négociations avec les anglo-américains).

Le problème nucléaire iranien est un problème géo-politique aux enjeux géo-stratégiques. Si pour des raisons de contraintes politiques on sort cette crise de son contexte (alliance (forcée) Iran-Russie), les surprises s’enchaînent sans cohérence.

Le régime des mollahs entreprendra d’autres tentatives pour doubler les Russes et l’un des problèmes essentiels de l’Europe est qu’elle ne peut dénoncer les intérêts stratégiques Russes pour le plateau iranien car la Russie est le principal fournisseur de gaz de l’Europe.

A ceci s’ajoute le lobbying déloyal des personnages comme Delpech qui défendent une autre position très peu Européenne. La crise iranienne est une combinaison d’intérêts occultes et convergents. Ces intérêts s’expriment sous la forme d’expertises. Ces expertises ne peuvent évidemment pas exposer ces intérêts occultes, ainsi en partant de fausses hypothèses, elles aboutissent à des conclusions et des prévisions d’une validité d’une demi-journée. Ceci a peu d’importance car pendant ce temps le régime des mollahs et ceux qui veulent composer avec lui avancent leurs pions sur l’échiquier mondial, à l’abri des curieux (il y a d’ailleurs eu un échange de prisonniers).

WWW.IRAN-RESIST.ORG

| Mots Clefs | Nucléaire 2 : Expertises Militaires ou Nucléaires |

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : RUSSIE |

| Mots Clefs | Terrorismes : Prise d’otages |

Pour en savoir + sur Richard Perle :
- Richard Norman Perle, le prince des ténèbres...
- (wikipedia.org)

| Mots Clefs | Auteurs & Textes : Thérèse Delpech |