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L’Iran au menu du Sommet Asie Pacifique
19.11.2006

George Bush a donc des atouts pour « convaincre » Vladimir Poutine de se rallier à des sanctions contre l’Iran et les deux hommes doivent se rencontrer aujourd’hui à Hanoï.



Les Etats-Unis ont déploré vendredi la lenteur des discussions sur le dossier nucléaire iranien à l’ONU et appelé la Chine et la Russie à accélérer le rythme pour parvenir à un accord sur un projet de résolution.

Le secrétaire d’Etat adjoint, Nicholas Burns, a regretté qu’un accord n’ait pas encore été trouvé, après trois semaines de discussions sur les sanctions à imposer à l’Iran.

« Nous espérons vraiment que les gouvernements russe et chinois vont accélérer leur rythme de travail à New York », a déclaré Burns. Il a cependant minimisé les différents avec Moscou. « Il y a des négociations très complexes (entre le Russie et les Etats-Unis), mais nous travaillons dur et je crois personnellement que nous aurons une résolution avec des sanctions », a-t-il souligné.

Une partie de ces négociations aura lieu entre George Bush et Vladimir Poutine qui doivent se rencontrer ce dimanche à Hanoï. Les discussions porteront sur les sanctions américaines qui privent les industries russes de participation à de très importants contrats aéronautiques avec Boeing.

En effet, les Etats-Unis ont annoncé le 4 août l’introduction de sanctions pour une période de deux ans contre sept sociétés de quatre pays. Deux très importantes sociétés russes faisaient partie du lot : l’exportateur officiel d’armes russes, Rosoboronexport, et le constructeur d’avions, Sukhoï. Le motif de cette sanction était la fourniture à l’Iran « d’équipements et de matériel » susceptibles d’être utilisés dans « le développement d’armes de destruction massive, de missiles balistiques et de croisière ». Autres sources de mésentente avec les Américains : les livraisons d’armes offensives (en cours), de missiles (niée par Moscou), et de systèmes anti-missiles TOR-M1 ( [1]) que la Russie doit prochainement livrer à l’Iran.

Boeing et Sukhoï devaient coopérer ensemble pour concevoir et construire une famille d’avions régionaux RRJ dont le premier vol était initialement programmé pour novembre 2006 et la mise en service d’un premier appareil pour fin 2007-début 2008. Le volume du marché potentiel de la famille RRJ est estimé à 5.400-5.600 unités d’ici 2023, soit près de 100 milliards de dollars ! Les sanctions américaines portent également ateinte à VSMPO-Avisma, le plus important producteur de titane au monde qui livre plus de 40% de sa production aux Etats-Unis (la VSMPO-Avisma est également le fournisseur de EADS-Airbus). Les sanctions imposées à Rosoboronexport et à Sukhoï privent la Russie de revenus colossaux.

George Bush a donc des atouts pour « convaincre » Vladimir Poutine de se rallier à des sanctions contre l’Iran. Mais actuellement, la Russie essaie de revenir au premier plan sur la scène internationale et dans cette perspective, elle a besoin de disposer de fiefs notamment au Moyen-Orient. Actuellement cette région vit des heures tragiques par la volonté du régime des mollahs. S’il est certain que leur activisme a contribué à l’affaiblissement des Etats-Unis, il n’est pas certain qu’il ait contribué d’aider le retour des Russes dans la région dans un pays comme la Syrie. De ce fait, le régime des mollahs se pose en concurrent de la Russie dans cette région et si la Russie veut y jouer un rôle, elle devra se défaire de cette influence incontrôlable.

Pour l’heure, Poutine a résisté à Bush dans tous les domaines ; continuant de livrer l’Iran en équipements illicites, assurant que la Russie livrerait à l’Iran les systèmes anti-missiles TOR-M1, rejetant les sanctions du Conseil de Sécurité mais il préfère régler ses affaires avec Bush avant l’arrivée des démocrates aux affaires ( [2]).

S’il reste vrai que l’Iran intéresse la Russie et que le régime des mollahs sert les intérêts Russes, il n’en reste pas moins que l’Iran est devenu une monnaie d’échange contre laquelle la Russie peut obtenir la levée de sanctions qui la handicapent et d’autres avantages très importants (l’accord de Bush pour l’adhésion de la Russie à l’OMC le prouve). Accepterait-elle aussi un changement de régime en Iran : Oui, si ce changement pouvait bouleverser l’ordre établi des pays musulmans afin de replacer au commandement spirituel ou politique du Moyen-Orient et Maghreb, un pays « arabe » allié de la Russie.

Pour cela, la Russie devra renoncer à ses projets concernant l’Iran et Bush devra renoncer à d’autres pays… En attendant un accord, la Russie surenchérira dans tous les domaines qui l’opposent aux Etats-Unis : Corée du Nord, les ex-républiques soviétiques...

Bush et Poutine doivent se rencontrer lors du Forum de coopération économique d’Asie-Pacifique (APEC). Le 1er ministre japonais Shinzo Abe et le n°1 chinois, Hu Jintao, seront également présents au sommet de l’APEC qui semble être l’occasion pour parler des nouveaux défis mondiaux sans la présence des dirigeants de l’EU.

L’Iran sera au menu de ce mini Yalta (sans l’UE [3], le 1er partenaire commercial du régime des mollahs).

Le Forum intergouvernemental de coopération économique Asie-Pacifique a été créé au mois de novembre 1989 pour rehausser le niveau de développement économique dans les pays de la région. En sont membres les pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (excepté Myanmar et le Laos), les Etats-Unis, le Japon, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la République de Corée, la Chine, le Mexique, le Chili, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et plusieurs états insulaires du Pacifique. La Russie a adhéré a cette organisation en 1997.

[1TOR-M1 est un Missile Surface-Air à moyenne portée qui a été conçu pour engager des avions et autres hélicoptères mais aussi des missiles de croisières. Ce système d’arme est apte à mettre en oeuvres des charges coventionnelles et NBC. Le bataillon de défense antiaérien sur Tor-M1 compte quatre batteries à quatre lanceurs chacune.

Le véhicule de lancement dispose de huit missiles 9M331 pouvant être lancé verticalement, d’un radar de surveillance 3D, d’un radar d’acquisition et d’un système TV. Une fois qu’un aéronef est repéré par le radar d’acquisition à une protée de 27 kilomètres, il est identifié est surveillé. S’il se révèle hostile, il est pris en charge par le radar de guidage à partir de 12 kilomètres pour une altitude allant jusqu’à 6000 mètres.

Si nécessaire, l'ordre de tir est donné. Contrairement aux autres systèmes AA, le Tor-M1 tire immédiatement deux missiles. Si l'avion est capable d'éviter le premier, il a très peu de chances d'éviter l'impact du second. Le missile fonce sur sa cible à une vitesse de 850 mètres par seconde et l'ensemble de la batterie peut déclencher un tir de 16 missiles en même temps. Pour éliminer une batterie, il faudrait que l'ennemie lance un "stryke" de 20 avions avec le risque d'en perdre un quart, sans compter sur les systèmes AA ZSU 23-4 ou Oerlikon de 35 mm qui traîneraient dans le coin pour protéger les lanceurs Tor-M1.

Chaque lanceur dispose de son propre radar d’acquisition capable de surveiller 10 cibles. Le lanceur peut tirer deux missiles sur le même aéronef ou tirer sur deux cibles et toutes les opérations se font avec une commande digitale. La probabilité de toucher la cible est de 60 à 90% pour un missile de croisière, 80 à 90 pour un hélicoptère et de 60 à 95% pour un avion de combat.

Une fois le tir commandé, le missile et son tube de rangement s'éjectent verticalement grâce à un système hydraulique, la mise à feu se fait immédiatement et le missile se désolidarise du tube. Ce système permet d'orienter le missile dans n'importe quelle direction.

La Chine possède 35 systèmes dont les premiers furent livrés en 1998. L'Iran a commandés 29 systèmes, le 04 décembre 2005. | Images de TOR-M1 |

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Fondation de Recherches Stratégique : L’Iran face à une attaque préventive

[2Bush préfère régler les affaires avant l’investiture des nouveaux élus Démocrates même si la capacité de ces derniers à contrôler la politique étrangère et de défense est constitutionnellement limitée : le président commande les forces armées et dirige la diplomatie. En outre, bien que majoritaires au Sénat, leur marge y est étroite : ils ne disposent pas de la majorité des deux-tiers nécessaire à passer outre un veto présidentiel et adopter des lois auxquelles la Maison Blanche serait opposée. Ni des 60 voix nécessaires pour empêcher les sénateurs républicains de pratiquer l’obstruction.

[3Dans l’ensemble 51,8 % des importations iraniennes proviennent de l’UE. C’est pourquoi l’UE fera tout pour que la République Islamique échappe aux sanctions du Conseil de Sécurité de l’ONU. Ces sanctions restreindraient les relations économiques avec les mollahs. L’Europe n’en veut pas. (source : Proche-orient.info | 4 Avril 2005 )
- Intérêts Européens en Iran |