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Nucléaire : L’Iran et la Russie jouent très serré
12.11.2006

Suite à la victoire du parti démocrate aux élections des deux chambres du Congrès, les mollahs ont affiché leur satisfaction et ce d’autant plus que peu de temps auparavant, une mission informelle (Mission James Rubin) avait été dépêchée à Téhéran pour mettre en place les modalités d’un arrangement avec l’Iran.



À chaque fois que les mollahs tentent une manœuvre d’approche avec les Américains, les Russes réagissent en se rangeant dans le camp hostile au régime des mollahs. La dernière fois, ce fut à l’occasion du voyage de Khatami à Washington : les Russes avaient alors émis l’idée qu’ils pourraient rejoindre le camp des partisans des sanctions à l’encontre de l’Iran.

L’un des éléments les plus importants de la crise iranienne est son dynamisme. Le temps passe et modifie les données. Le « facteur temps » n’agit pas de la même façon pour les acteurs de cette crise ; ainsi George Bush dispose désormais de très peu de temps pour coincer les mollahs et en même temps, s’il échoue dans cette période, le camp démocrate disposera de près de deux ans pour trouver un arrangement avec les mollahs.

Cette perspective n’est pas plaisante pour les Russes car il existe réellement des chances pour que les négociations USA-Iran, si elles ont lieu, aboutissent à un accord régional global d’où sera exclue la Russie. Ce pays qui comptait utiliser l’Iran comme un instrument et un allié pour se repositionner sur tous les théâtres des conflits à l’Est de la Méditerranée est dans une situation délicate. Les Russes ne peuvent pas s’allier avec Bush et encore moins avec les démocrates. Les négociations à rebondissements n’étaient plaisantes que dans la mesure où elles servaient aussi les intérêts Russes.

À présent, la Russie joue serré et ne prend plus le risque de gronder les mollahs, du moins officiellement, son intérêt immédiat étant que la république islamique ne puisse aboutir à un arrangement avec l’équipe menée par Brzezinski, le stratège anti-russe qui revient après 22 ans de mise à l’écart.

Instantanément, la Russie s’est fait rappeler à son bon souvenir en Iran et Ali Larijani s’est rendu à Moscou. Arrivé vendredi, Ali Larijani a d’abord rencontré le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, avant un tête-à-tête avec le secrétaire du Conseil russe de sécurité Igor Ivanov.

Rien n’a filtré de ces négociations de près de six heures qui ont repris samedi. Le même jour, Larijani a été convoqué à une rencontre -non prévue initialement- avec Vladimir Poutine dans une résidence présidentielle en dehors de Moscou. Sujet des conversations : questions de coopération (entre l’Iran et la Russie) et problèmes régionaux et internationaux.

Le vendredi, avant cette rencontre, Larijani avait déjà mis en garde Américains et Européens contre l’adoption des sanctions par le Conseil de Sécurité : « Nous réexaminerons nos relations avec l’AIEA si l’ONU adopte la résolution de la troïka européenne sans prendre en compte les amendements présentés par la Russie ».

La « coopération » des mollahs avec les Russes paraît presque incompréhensible quand on connaît l’énergie qu’ils ont déployée pour aboutir à des négociations en direct avec les démocrates US. Bien qu’ils désirent encore obtenir des Garanties de Sécurité (régionale), à présent ils se rétractent : cette réticence est liée à la menace qui pèse sur Rafsandjani après l’annonce d’un second mandat d’arrêt international à son encontre.

L’Amérique démocrate ne pourra trouver un arrangement avec un homme sous mandat d’arrêt international parce qu’il a commandité plusieurs attentats mortels ! Soudain, Rafsandjani, l’architecte du rapprochement, père spirituel des réformes, catalyseur des dissidents, est devenu le principal obstacle pour le succès de ce rapprochement historique et tant attendu. Son sacrifice est presque la dot qui facilitera le mariage IRAN-USA. Rafsandjani est extrêmement corrompu et mal noté, et le régime pourrait se refaire une virginité en le sacrifiant.

Si Rafsandjani courait après une réconciliation avec les Américains, c’était pour consolider son clan et non pour être sacrifié sur l’autel de ce revirement spectaculaire. De leur côté, les Américains de la mouvance de Brzezinski n’ont rien à faire de Rafsandjani et seraient heureux de se débarrasser de l’ancienne garde de la révolution islamique qui a participé à des prises d’otages, des attentats et qui a très mauvaise presse. Place à la seconde ou troisième génération, réformatrice, dissidente et web-bloggée.

Si Rafsandjani tombe, son clan tombera et l’ensemble de ceux qui gravitent autour de lui et dont le nom est associé à Khomeiny, aux exécutions, aux purges et aux islamisations forcées de l’armée, de l’université... L’épuration emportera dans son sillage Khamenei, Rezaï, Larijani, même Khatami et bien d’autres pour faire place nette à une nouvelle génération d’islamistes que l’on prépare actuellement à Washington dans certains locaux de l’American Enterprise Institute (AEI) et au Council of Foreign Relations. Mais il reste à l’AEI de convaincre le gouvernement américain que l’avenir de l’Iran appartient à « ses candidats ». Cette éventualité a fait bouger les opposants iraniens patriotes, car les candidats de l’AEI ne font pas l’unanimité.

Le principal défaut technique de ces Chalabi est l’antipathie qu’ils inspirent à leurs concitoyens qui ne se retrouvent pas dans leurs discours formatés. On les soupçonne de caler leur programme politique, si on peut l’appeler ainsi, sur les intérêts de quelques groupes pétroliers.

Tous parlent de démocratie et de libéralisme : le second concept étant de loin le plus important car il viserait à réformer la loi de la nationalisation du pétrole afin de privatiser le pétrole iranien et ouvrir le marché à des investissements étrangers. Le libéralisme fera aussi des dégâts dans le domaine industriel et entend transformer l’Iran en zone de main d’œuvre bon marché pour toutes sortes de délocalisations.

En attendant ces sombres perspectives démocratiques, le projet de mise en accusation de Rafsandjani a fait réagir les mollahs de la vieille garde qui s’alignent sur les Russes, à contrecœur. Quant aux Russes, ils n’ont pas intérêt à bloquer la situation car ils devront composer avec Brzezinski dans les deux ans à venir et dans une certaine mesure, ils ont intérêt à pousser les mollahs à accepter un consensus.

Ils ont justement un joker dans leur jeu qui est le projet d’une co-entreprise d’enrichissement nucléaire, projet qui a aussi évolué au cours des mois pour gagner en opacité et en ambiguïté. Les Russes ont intérêt à aboutir à un accord sur ce projet pour éviter un bouleversement politique en Iran. Pour l’heure les mollahs semblent intéressés et Larijani l’a confirmé, confirmation qui tombe exactement au premier anniversaire de cette proposition ! Pour l’heure le clan fait bloc autour de Rafsandjani, mais bientôt sonnera l’heure du chacun pour soi. Rien n’est joué.

Tout au long des derniers mois, la gestion du facteur temps a échappé aux Européens et c’est à eux que l’on doit l’imbroglio actuel. Le projet de la co-entreprise Irano-russe avait été proposé par les Russes à l’Iran, le 10 novembre 2005, à la veille d’un transfert du dossier iranien au Conseil de Sécurité et à l’époque, on parlait de la der des der, la dernière chance à saisir par l’Iran. Ce projet aurait pu mettre fin à la crise si les mollahs n’avaient pas sans cesse amplifié la crise, en Irak et au Liban, pour se retrouver face à face avec les Américains.

Entre temps, les Européens ont aussi privilégié « le dialogue », c’est-à-dire leurs intérêts, n’ont pas soutenu la stratégie américaine. Et l’équipe Bush n’a pas réussi à imposer des sanctions contre l’Iran. Le temps n’a pas été exploité comme il le devait et dans le délai accordé à Téhéran ; la situation a évolué pour aboutir à l’état actuel où la nouvelle donne politique américaine va essayer de s’arranger avec une faction de régime contre l’autre aux dépens des Russes, des Européens et surtout aux dépens du peuple iranien.

WWW.IRAN-RESIST.ORG

Victime collatérale des bouleversements à venir :
- Le lobby français de Rafsandjani !