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Iran : L’incroyable révolution des Pasdaran !
13.05.2011

Il y a une semaine, les médias iraniens évoquaient la mauvaise attitude d’Ahmadinejad et ses amis les Pasdaran vis-à-vis du Guide en dénonçant les « ambitions cachées des Pasdaran » de prendre le pouvoir par la force. La polémique revient avec la dénonciation du manque de respect vis-à-vis de la constitution et du Parlement. On parle de plus en plus des ambitions dévorantes des Pasdaran d’accaparer le pouvoir par la force. En fait, les Pasdaran ont quitté le régime pour s’approcher du peuple, le régime cherche à les montrer comme des ambitieux au service de leurs propres intérêts afin d’empêcher une union sacrée capable d’une nouvelle révolution. Les détails de l’affaire sont extrêmement intéressants. Les voici.



Il y a trois mois, en février 2011, les Pasdaran (corps armé chargé de la sécurité des dirigeants et du maintien des institutions) avait boycotté l’anniversaire du retour de Khomeiny en Iran, puis l’anniversaire de l’adhésion des officiers à Khomeiny et enfin l’anniversaire de la révolution le 11 février. Ils montraient qu’ils ne tenaient pas à la survie du régime. Le peuple pouvait espérer leur passivité en cas de soulèvement. Dès le second boycott, la fausse opposition interne du régime, le Mouvement Vert, qui est dirigé par deux hauts responsables du régime, avait alors appelé à des manifestations à des dates symboliquement porteuses des valeurs islamiques et révolutionnaires afin de prendre la direction d’un soulèvement désormais potentiellement possible ou du moins placer des gens du régime dans un gouvernement de transition pour qu’ils puissent sauver toute la fratrie au pouvoir.

Le peuple avait boycotté ces manifestations, mais ils avaient manifesté à l’occasion de la Fête du Feu, un événement interdit par le régime et le clergé pour montrer ses priorités. La fête coïncidait avec l’anniversaire de Reza Shah, le fondateur de l’Iran laïque. Les Pasdaran avaient alors agi conformément à ce qu’ils avaient laissé supposer en refusant de participer à la répression de cette fête. Cela a sapé la confiance des derniers collaborateurs du régime (services secrets, brigade de Qods, hommes d’affaires) en son avenir.

Ce fut le début d’une crise . Dès le lendemain, des centaines de collaborateurs du régime se sont mis à vendre leurs actions et leurs biens immobiliers pour acheter de l’or afin de préparer leur fuite ou éviter qu’on leur enlève des biens acquis grâce au régime. La bourse s’est effondrée, l’or a en revanche connu une flambée phénoménale, la hausse quasi quotidienne de son taux qui est devenue l’indice de la non-viabilité du régime. La situation était un appel à tous les serviteurs du régime, même les plus insolvables, de retourner leur veste tant qu’il était encore le temps.

Ce dernier était affaibli et dépassé. Il a tenté de mettre en scène de grands rassemblements pour prétendre qu’il avait des réserves pour remplacer les Pasdaran, mais la foule n’a pas été au rendez-vous. Il a alors tenté de calmer les achats en augmentant l’offre d’or. Cela n’a pas eu l’effet escompté car il ne s’attaquait à la cause du problème qui était son manque de force pour résister à un soulèvement. Incapable de trouver un remplaçant pour les Pasdaran, le régime avait alors assimilé les achats à une spéculation maffieuse avant de menacer les acheteurs de pendaison pour qu’ils arrêtent cette conduite qui fragilisait tout le système. Mais cela n’a pas calmé la ruée vers l’or car le régime ne pouvait pas attenter à la vie de ses derniers partisans, il aurait précipité sa fin. Cela a seulement convaincu les gens paniqués que le régime l’était aussi : l’épidémie a même gagné le marché de devises. Le régime a alors reculé en remplaçant les menaces par une offre massive d’or. Il admettait alors qu’il était vaincu. On a alors assisté à une augmentation de la dissidence : le régime n’a même pas pu organiser correctement la Journée des forces armées.

Le régime a alors limité la diffusion des nouvelles relatives à la hausse de l’or et il s’est concentré sur les Pasdaran, c’est-à-dire la cause de la crise. Il les a d’abord menacés de poursuite avant de leur offrir deux champs gaziers. Les menaces et les cadeaux ont eu peu d’effets car les Pasdaran ont boycotté l’anniversaire de la création de leur milice pour défendre la révolution islamique. La rupture était confirmée. Le régime a fait assassiner trois commandants responsables à Khorâssân qui avaient laissé les habitants de leur région très libres pendant la Fête du Feu, mais ce coup n’a pas également eu d’effets car les Pasdaran ont boycotté des manifestations tests organisées par le régime. Face au boycott permanent des Pasdaran faisant état d’une rupture définitive et alarmante, la semaine dernière, le régime a inventé le scénario de l’ambition dévorante des Pasdaran qui encourageraient un soulèvement pour assoire leur propre pouvoir afin de faire peur au peuple pour qu’il ne puisse pas les considérer comme ses alliés et qu’en conséquence, il ne puisse non plus envisager un soulèvement en tablant sur leur passivité voire leur soutien.

La peur du loup | En assimilant les Pasdaran à une meute de loups hostiles, le régime s’est en fait inventé un joker anti-soulèvement avec l’idée de l’agiter dès qu’il apercevrait des signes avant-coureurs d’un soulèvement.

Aussitôt après la mise en œuvre de ce plan, le régime a été confronté au boycott absolu d’un événement officiel, il s’est dit que ce boycott montrait son isolement, il a alors parlé d’un possible coup de force des Pasdaran. Il devait organiser un soi-disant affrontement pour accréditer la thèse de l’ambition des Pasdaran qu’il a baptisé la « Guerre des Loups », mais le show prévu pour vendredi dernier n’a pu avoir lieu faute de participants !

Moins d’une semaine après son lancement, le joker qui devait diviser ses adversaires pour rassurer ses collaborateurs paniqués était inopérant : le dollar a fait un bond de 20% à partir du samedi (1er jour de la semaine en Iran), signe que les gens du régime étaient à nouveau très paniqués. On peut aussi tabler sur la hausse de l’or malgré l’absence de communication sur le sujet car le taux officiel, qui était maintenu fixe et à moins 30% du taux réel, a dépassé le taux réel de la semaine dernière. Le régime était encore une fois dépassé, mais aussi coincé.

Par un grand hasard, en début de cette semaine, le lundi 9 mai, le prince Reza Pahlavi a publié le compte-rendu de ses entretiens avec les Iraniens où il évoquait la pertinence de lancer une grève générale et illimitée dans les raffineries, les centrales électriques et les ports et les aérogares, le régime a paniqué. Quelques heures plus tard, le régime a alors chargé son opposition officielle d’appeler à une grève générale mais limitée aux universités dès le dimanche 15 mai pour s’incruster dans la contestation sans que cela ne se voit, ni ne nuise à sa survie.

Craignant cependant l’inefficacité de cette mesure, le lendemain de cette décision (le mardi 10 mai), le régime a mis en place les bases d’une seconde polémique sur la méchanceté des Pasdaran (avec l’annonce de fusion des ministères) au cas où la grève ne se limiterait pas aux universités, mais en attendant cela, l’annonce n’a déclenché aucune indignation.

Conscient de l’inefficacité de ces mesures, ce même mardi, le régime est allé bien plus en amont de l’origine de tous ses problèmes (c’est-à-dire vers son refus de compromis avec l’Amérique qui a convaincu les Pasdaran que ce régime était condamné à la long terme) en proposant la reprise du dialogue aux Européens pour regagner la confiance des miliciens dissidents ou du moins les plus indécis d’entre eux.

Téhéran pensait à un coup de maître car l’Europe qui est un de ses plus importants partenaires économiques a toujours plaidé en faveur du dialogue pour éviter plus de sanctions car celles-ci visent ses propres intérêts et par ailleurs elles pousseraient les mollahs à pactiser avec les Américains aux détriments des intérêts européens.

Mais le lendemain, le mercredi 11 mai, l’Europe a refusé de jouer le jeu, non pas parce qu’elle aurait changé d’opinion, mais parce que le régime n’est pas sincère et elle rompra à nouveau le dialogue la mettant dans une position difficile où elle ne pourrait plus refuser de nouvelles sanctions qui sont doublement contraires à ses intérêts. En refusant le dialogue proposé par les mollahs, l’Europe a figé la situation pour préserver au mieux ses intérêts sans tenir compte des intérêts des mollahs. L’Europe a joué la carte de chacun pour soi.

Conclusions | Au final, le régime n’a rien gagné, il a seulement réussi à convaincre ses derniers partisans qu’il était bien seul au monde, une raison suffisante pour pousser d’autres notamment ses hommes d’affaires à retourner leur veste. Le régime a en fait contribué à la création d’une union entre ses businessmen, les Pasdaran et le peuple. Il a aussitôt déclenché des indignations à propos de la fusion des ministères pour reparler des « ambitions cachées des Pasdaran » afin de convaincre le peuple qu’ils ne sont pas des alliés fiables. Tous les médias se sont focalisés sur cette polémique et divers acteurs de la vie politique prennent régulièrement la parole pour dénoncer les « ambitions effrayantes des Pasdaran ». C’est un véritable matraquage car l’enjeu est énorme : une union impensable (il y a un an) pour une nouvelle révolution susceptible de balayer la race des mollahs.

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En savoir plus sur la récente ruée vers l’or :
- Iran : Une crise de confiance interne déstabilise le régime
- (12 AVRIL 2011)

| Mots Clefs | Résistance : Menace contre le régime |

| Mots Clefs | Décideurs : Reza Pahlavi |

| Mots Clefs | Institutions : Pasdaran, Gardiens de la Révolution |