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Iran : Un attentat pour tuer un dissident afin d’intimider les autres
30.11.2010

Deux attentats à la bombe ont visé deux savants atomiques iraniens tuant l’un d’entre eux. Ils n’ont pas été revendiqués, mais le régime les a décrits comme des pressions visant à le forcer à reculer sur ses positions avant sa rencontre du 5 décembre avec les Six. Le régime a également évoqué la participation d’Israël. Les circonstances et les caractéristiques des attentats, ainsi que l’identité des deux victimes, font état d’un coup perpétré par le régime lui-même contre des personnes sensibles susceptibles de quitter le pays afin de demander l’asile politique.



Hier matin, les médias iraniens ont annoncé que Majid Shahrari (ci-dessous), spécialiste de la fission nucléaire, venait d’être tué à 7h40 dans l’explosion de sa voiture alors qu’il se rendait à son bureau à l’université Shahid Beheshti de Téhéran en compagnie de sa femme et de son chauffeur. L’épouse et le chauffeur de Shahrari ont été blessés, mais ont eu la vie sauve. Selon la police, deux motocyclistes s’étaient vraisemblablement approchés du véhicule pour appliquer une bombe magnétique contre sa carrosserie.
© WWW.IRAN-RESIST.ORG

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Par la suite, la police iranienne (qui fait partie des Pasdaran) a annoncé qu’à la même heure, un second attentat du même type avait été perpétré contre la voiture d’un autre savant atomiste de la même université : Fereidoun Abbassi-Davani (ci-dessous) qui se rendait également à son bureau en compagnie de son épouse. Mais les médias ont précisé que ce professeur était légèrement blessé et son épouse était saine et sauve. Interviewée par les médias du régime, cette femme a affirmé que son époux avait « senti que leur automobile avait été piégée, c’est pourquoi, à un feu rouge, il était descendu pour faire le tour de la voiture et lui ouvrir la porte pour qu’ils s’éloignent du véhicule. La bombe a explosé alors qu’elle et son époux étaient à deux mètres de la voiture ». Ce récit a été confirmé par un automobiliste témoin qui affirme avoir été dans la voiture qui se trouvait devant la voiture piégée.
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Dans d’autres papiers publiés, on a évoqué un troisième attentat qui a été démenti. Mais par la suite, on a surtout parlé des victimes. Fereidoun Abbassi-Davani a été présenté comme « un éminent savant spécialiste de la fission, membre important des Pasdaran, travaillant pour le ministère de la Défense et se trouvant à ces titres sur la liste des personnes sanctionnées par le Conseil de Sécurité de l’ONU ». L’autre victime a été présentée comme un « simple très bon enseignant et théoricien en matière de nucléaire formée par l’actuel responsable du programme nucléaire Ali-Akbar Salehi ».

Nous avons vérifié ces informations officielles émises par le régime aux médias iraniens et avons fait des découvertes intéressantes. Les informations étaient fausses à propos de Majid Shahrari. Tout d’abord, la photo floue publiée par les médias iraniens est fausse : le jeune homme fluet qui louche n’est pas Majid Shahrari. Voici le vrai visage du savant tué hier à Téhéran.
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Cet homme n’était pas un petit enseignant et élève d’un atomiste inconnu (étant donné qu’il était plus vieux que son soi-disant professeur). En fait, Majid Shahrari était l’un des deux savants représentant la république islamique d’Iran dans le projet des recherches nucléaires SESAME qui réunit depuis 2008 sur le territoire Jordanien et sous l’égide de l’Unesco, les Etats-Unis et l’Europe, les plus grands spécialistes nucléaires du Moyen-Orient pour mettre au point un accélérateur de particules destiné à répondre aux besoins scientifiques et industriels de cette région. A ce poste, loin de l’Iran et de la surveillance des Pasdaran, Majid Shahrari était en contact permanent avec des collègues de pays alliés aux Etats-Unis en particulier des Israéliens comme Eliezer Rabinovici, directeur de l’Institut des études avancées de l’Université hébraïque de Jérusalem, mais aussi en contact avec des diplomates américains et européens chargés de gérer le projet.
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Il serait bon de préciser que l’autre représentant de la république islamique dans le projet SESAME était un certain professeur Ali-Mohammadi qui a été tué il y a un an par un attentat à la bombe qui a d’ailleurs été attribué à Israël. A l’époque, le régime avait aussi tenté de minimiser l’importance d’Ali-Mohammadi et plusieurs sites pro-Israéliens dirigés par des personnes peu qualifiées pour le journalisme avaient péroré sur les capacités terroristes du Mossad en négligeant le fait que ce savant était sur le point de s’enfuir d’Iran pour se réfugier en Occident. De notre côté, nous avions avancé cette hypothèse tout en décortiquant les photos de l’attentat pour exposer l’incohérence entre les traces de l’attentat et le récit donné par la police du régime.

Cette fois-ci, il nous est impossible de faire ce travail du jeu des 7 erreurs car le régime n’a diffusé aucun récit de témoin ni aucune photo de la scène de cet attentat qui a tué Majid Shahriari, le dernier de ses savants en contact avec des étrangers.

Par ailleurs, aucun média n’a contacté l’épouse ou le chauffeur du professeur Majid Shahriari alors qu’ils ont été blessés. Il existe en revanche beaucoup de récits et de témoignages, des photos et même une vidéo dans le cas du second attentat qui n’a tué personne, un attentat par ailleurs contre un élément sûr du régime, un homme sans importance scientifique, sinon il se serait retrouvé dans le projet SESAME pour surveiller les vrais scientifiques comme Shariari et Ali-Mohammadi. Cette focalisation sur un second attentat non mortel et sur sa victime faussement importante est en conséquence une diversion médiatique.
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la vérité officielle | C’est un vrai matraquage car depuis l’annonce des deux attentats, tous les sites du régime diffusent la mauvaise photo de la seule victime et la vidéo focalisée sur le second attentat : en conséquence, tous les débats se portent sur Fereidoun Abbassi-Davani, l’homme qui n’a pas été tué.

Cette vidéo est néanmoins digne d’intérêt car le peu qu’elle montre va à l’encontre du récit invraisemblable de l’épouse et du témoin automobiliste.

Voici ce document où l’on voit non seulement le témoin oculaire (très détendu), mais aussi un ministre tout aussi détendu qui accuse Israël…
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La portière du côté conducteur a été arrachée. Selon le récit de l’épouse, confirmé ici par le témoin de la voiture qui se trouvait devant celle-ci, « Fereidoun Abbassi-Davani est descendu, il a fait le tour pour ouvrir la portière du côté du passager pour l’inviter à s’éloigner. Ils se sont alors mis à courir vers la voiture du témoin échappant ainsi miraculeusement à la mort ».

incohérences | La première incohérence est que l’homme n’aurait pas fait le tour de son auto dans un geste de galanterie digne d’un Cary Grant, il aurait crié qu’il y avait une bombe à bord pour que sa femme se sauve ainsi que ce fameux témoin. Toutefois en supposant qu’il ait agi en gentleman, il aurait dû se retrouver de l’autre côté de l’automobile donc comme sa femme à l’abri de l’explosion. Par ailleurs, le témoin se trompe dans la récitation de son histoire en affirmant qu’il était dans la voiture derrière eux et non devant eux ! On ne voit par ailleurs aucun feu de circulation et à titre anecdotique, on a lu sur divers sites que Fereidoun Abbassi-Davani n’avait aucun poste d’enseignant et bien que membre du conseil d’administration de l’université Beheshti (privilège de Pasdaran), il ne se rendait jamais dans ce lieu. On ne peut donc même pas retenir l’hypothèse d’un attentat sur un trajet quotidien.

Nous sommes dans un cas de mensonge éhonté du régime pour faire oublier le meurtre d’un dissident qui aurait pu informer le monde sur l’état réel du programme nucléaire iranien.

conclusions | Cela remet également en cause l’authenticité des détails du récit de l’attentat contre Majid Shahriari : la blessure de son épouse et de son chauffeur. Comme dans le cas d’Ali-Mohammadi, Shahriari a peut-être été tué ailleurs indépendamment de cet attentat annoncé dont il n’existe aucune image.

Cependant, le régime utilise la version officielle des deux attentats pour accuser le camp américain. Il convient donc de tirer les conclusions sur cette base et ses sous-entendus.

1 | Cet acte intervient peu avant une rencontre prévue avec les Six que le régime veut éviter. On peut en conclure que le régime a éliminé un homme encombrant pour accuser le camp américain afin d’avoir une excuse pour refuser l’apaisement souhaité par Washington.

2 | Par ailleurs, cette élimination intervient après une semaine éprouvante pendant laquelle chacun a vu que le régime n’avait plus le soutien des Bassidjis et des Pasdaran de base. Au cours de cette semaine, le peuple, mais aussi ces miliciens ont massivement boycotté la plus importante fête religieuse chiite. De fait, l’élimination d’un dissident potentiel est une mise en garde à tous ceux qui seraient aujourd’hui tentés de lâcher ce régime à l’agonie. Le régime qui utilise les pendaisons publiques pour intimider le peuple vient d’étendre le procédé aux siens d’une manière très spectaculaire.

3 | Pour nous, cette mise en garde est l’aspect le plus important de cet attentat notamment en raison de deux détails que comprendront les connaisseurs. Tout d’abord, le régime a tué le renégat Majid Shahriari, mais il a épargné l’élément fidèle Fereidoun Abbassi-Davani. Le message est assez clair. Par ailleurs, le récit officiel affirme que Shahriari a été tué en présence de son garde du corps. Là aussi le message est clair. Le dernier point concerne l’épouse de la victime. Il faut savoir qu’au cours des trente dernières années, le régime a toujours tué ses ennemis en épargnant les membres de leur famille. Dans le cas présent, en visant un ennemi en présence de sa femme qui selon le récit officiel a été blessée (même si ce récit est vraisemblablement faux), le régime laisse supposer qu’il peut aussi frapper les proches et ce afin de montrer le sérieux de sa mise en garde.

4 | Ce régime a peur d’un effondrement interne : il montre les dents. Ce n’est qu’un début.

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| Mots Clefs | Terrorismes : Attentats en Iran |
| Mots Clefs | Institutions : Désinformation et fausses rumeurs |

| Mots Clefs | Résistance : Menace contre le régime |