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Iran : La double mystification de Shirin Ebadi
30.04.2009

Bientôt auront lieu en Iran les élections présidentielles. Les Iraniens vont boycotter massivement ces élections comme les précédentes. C’est un désaveu que le régime veut dissimuler. Pour cela, il compte sur le concours de ses lobbyistes qui ont accès aux médias occidentaux. L’un d’eux est Shirin Ebadi. Elle a signé dans le journal Le Monde un article sur la démocratie en Iran [1].



L’article commence par une question : « On me demande souvent si la démocratie vue de mon pays, la République islamique d’Iran, n’est qu’une sorte de luxe à l’occidentale ou une réalité solidement établie ? Comment répondre à pareille question, sinon en définissant précisément ce qu’est à mes yeux la démocratie ? »

Suit alors une longue énumération décousue où Ebadi compare différents pays et différents types d’élections pour signaler des exemples de dérives non démocratiques, un mal universel et non un défaut intrinsèque des démocraties islamiques. Il faut atteindre le 9ième paragraphe sur les 17 qui composent cet article confus pour comprendre ceci.

Pour commencer son raisonnement sur les dérives non démocratiques, Ebadi cite Hitler : poncif du genre. Or, Hitler, chancelier du Reich, a demandé les pleins pouvoirs au Reichstag, et les a obtenus légalement par une majorité des 2/3. On ne peut pas faire le procès du système démocratique allemand sur la base des futurs méfaits de Hitler, d’autant plus que la notion des pleins pouvoirs n’a rien d’anti-démocratique, c’est une notion qui remonte à la démocratie grecque et qui a été par la suite utilisée à de nombreuses reprises dans différents pays, depuis la Rome antique jusqu’à la France contemporaine.

Ce début biaisé donne le ton. La suite n’est guère mieux. Shirin Ebadi a inclus la république islamique d’Iran dans son inventaire des Etats qui ont connu une dérive non démocratique. Il y a en fait une double mystification : un procès en règle de la démocratie occidentale, et la réduction de 30 ans d’un totalitarisme sanglant à une dérive non démocratique d’un système sain.

Cette double mystification prend des allures de farce quand Ebadi regroupe la lapidation, la pédophilie dépénalisée, le contrat de l’esclavage marital, et l’ensemble des lois barbares issues de l’islam sous le vocable de « lois discriminatoires » qui empêchent la république islamique d’être une démocratie au même titre que l’Amérique a cessé de l’être sous Bush en raison d’un nombre important de violations des droits de l’homme ! Mais on croit rêver ! En substance, elle dit en plus : L’Iran n’est pas démocratique, mais le reste du monde n’est pas mieux !

Dans cet article au raisonnement bancal, pour les besoins de sa démonstration, Ebadi a classé la Chine et Cuba parmi les démocraties légèrement déviantes. Ces pays sont, selon elle, dirigés par des « majorités idéologiques » qui privent les gens de leur liberté d’expression comme le font les majorités islamistes turques ou afghanes au pouvoir dans leur pays. Tout est un peu similaire : le mal n’est pas confiné aux pays musulmans ! Cette femme primée pour dénoncer les violations des droits de l’homme dans le monde musulman ne fait que dénoncer les médisances sur l’Islam et sur les islamistes.

C’est extrêmement habile dans l’art de la plaidoirie : en écrivant un article qui devait répondre à la possibilité d’une démocratie en Iran, Ebadi embrouille tous les critères de compréhension pour minimiser les méfaits du régime des mollahs, qui ne serait qu’un mauvais élève parmi tant d’autres.

Mais la mystification ne s’arrête pas là : plus loin, elle affirme que le seul défaut du système électoral chez ce mauvais élève de la démocratie est la notion de la validation des candidatures. C’est encore une habileté : elle ne met pas l’accent sur l’architecture du régime et ses centres légaux de pouvoir qui décident par-dessus les élus, mais sur une notion qui existe dans tous les pays du monde, la validation des candidatures. Par cette autre approche biaisée, elle dissimule la vraie nature du régime qui se caractérise par une absence totale d’institutions démocratiques et une comédie électorale pour légitimer ce pouvoir non démocratique.

Cet article est une puissante œuvre de mystification, une propagande indirecte qui évoque habilement une démocratie restreinte en Iran : son but est de rassurer le monde occidental, afin qu’il ne s’impatiente pas sur le cas iranien.

Shirin Ebadi ne cesse de nous décevoir. Quand le régime est sali par une affaire de lapidation, elle prend sa plume pour parler des progrès des droits de l’homme en Iran. Quand il a besoin que les Etats-Unis acceptent un arrangement, elle prend sa plume pour demander à Obama de supprimer toutes les sanctions contre Téhéran et d’accepter de négocier avec Ahmadinejad [2] sans même évoquer les violations des droits de l’homme et à présent que Téhéran a besoin d’une légitimité par les urnes, au lieu de parler des vraies raisons de boycotter des élections, elle prend sa plume pour évoquer le faux problème des validations.

Cette femme qui devrait dénoncer les violations islamiques des droits de l’homme en Iran ne fait rien en ce sens et voyage à travers le monde avec un passeport délivré par ce régime pour répéter ce même discours diffusé hier dans les colonnes du Monde. Au moment de cette parution, elle était à Los Angeles où enfin les Iraniens même de gauche l’ont boycottée. Qu’importe, ce discours n’est pas destiné aux Iraniens, mais à ceux qui s’intéressent à l’Iran car ils aiment la démocratie, ce discours est une puissante œuvre de propagande car il veut les éloigner de leur but afin que les Iraniens ne puissent avoir des alliés. Honte à toi Ebadi et honte à la direction du Monde d’être les complices de la répression en Iran.


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| Mots Clefs | Réformateurs & dissidents : Shirin Ebadi |
| Mots Clefs | Resistance : Lobby pro-mollahs en France et ailleurs |

| Mots Clefs | Institutions : Démocratie (médiatico)-Islamique |

| Mots Clefs | Auteurs & Textes : Le Monde (Marie-Claude Decamps, Corine Lesne...) |

[1LE MONDE | 28.04.09 | 11h33 |
La démocratie n’est pas un luxe à l’occidentale
par Chirin Ebadi |

[2Fin décembre 2008, dans un entretien accordé à Corriere della Sera, notre courageuse « avocate de choc » a interpellé Obama et l’a invité à « rencontrer immédiatement Ahmadinejad pour un dialoguer sans aucune condition préalable » (même sur les droits de l’homme) ! Lien : Iran : Ebadi invite Obama à rencontrer Ahmadinejad ! |