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Scénario pour un retour des américains en Iran
18.07.2008

Le soleil brille dans le ciel des amours de Téhéran et Washington. Il y a une semaine, Ahmadinejad invitait Bush à des négociations sans intermédiaire et aussitôt on apprenait la présence d’un émissaire américain à cette rencontre où l’on parlera d’un compromis. Bush ouvrirait même une représentation diplomatique chez les mollahs [1]. On pourrait croire qu’une seule tâche assombrit ce beau tableau de retrouvailles : une critique américaine concernant l’arrestation de 18 étudiants dissidents (dont Mohammad Hashemi et mlle Bahareh Hedayat, deux dirigeants du BCU).



En réalité, il ne s’agit pas d’un point de future discorde, mais du principal point de retrouvailles. C’est une technique mise au point par les mollahs : ils annoncent à grand coup de publicités médiatiques l’arrestation de quelqu’un. Ce dernier accède alors automatiquement au rang d’opposant ou dissident. Aussitôt, les ONG américaines, le Département d’Etat ou encore Bush volent à son secours et après quelques péripéties, le prisonnier est libéré moyennant une très forte caution, et enfin il part à Washington où au lieu de critiquer le régime qui l’a malmené, il parlera des possibilités de dissidence et d’opposition interne au sein du régime.

C’est une opération gagnant-gagnant : l’opinion reconsidère son jugement sur le régime des mollahs et le pays d’accueil de ce soi-disant dissident justifie le maintien de ses relations avec l’Iran comme un moyen d’aider les dissidents.

C’est ainsi que la France a attribué la légion d’honneur à Shirin Ebadi qui n’a jamais rien écrit ou entrepris pour dénoncer la lapidation ou encore la légalité du mariage entre adultes et fillettes en bas âge sous le régime des mollahs. C’est une ignominie.

Les faux opposants fabriqués à Téhéran sont de plus en plus nombreux : le régime a ainsi constitué plusieurs régiments de dissidents par secteurs d’intérêts. Il y a des étudiants, des féministes (islamiques), des syndicalistes et évidemment des juristes. Ensemble, ils font croire que le régime est réformable et doté d’un système judiciaire comparable à ceux des pays démocratiques.

Ces efforts sont faits pour dissimuler la réalité : celle des pendaisons publiques des prisonniers politiques exécutés sous de faux prétextes, celle des lapidations, des amputations, de l’âge pénal fixé à 9 ans pour les filles et 15 pour les garçons, celle de la corruption des gros bonnets du régime. Cette mascarade est là pour dissimuler le véritable Iran qui souffre et espère un changement.

Les faux opposants ne parlent jamais de ces réalités, de la corruption, des mollahs corrompus, du soutien au terrorisme, mais uniquement de la compatibilité du régime avec le concept de la démocratie. Les faux opposants seront les futurs dirigeants démagogues du régime : ils sont dans la quasi-totalité des cas issus des Pasdaran ou de leurs sous-ensembles les milices du Bassidj ou du BCU (organisme chargé de veiller à la conformité islamique de l’enseignement dans les universités).

En se précipitant au secours de deux étudiants du BCU arrêtés dernièrement, Washington a uniquement déclaré son intérêt pour la poursuite de ce projet de fabrication de faux opposants. L’intérêt pour le régime est d’avoir une identité plaisante, une vitrine politiquement correcte de futurs dirigeants soi-disant issus des milieux de l’opposition. Mais l’intérêt de l’opération est encore plus grand pour Washington qui a inévitablement besoin d’avoir un allié islamiste révolutionnaire pour agiter les riches régions musulmanes de la Chine, mais ne peut justifier de relations diplomatiques avec un Etat intégriste. Le problème se résout grâce à ces dissidents officiels.

Plusieurs d’entre eux sont d’ailleurs actuellement en stage de formation à la langue de bois à la Voice of America, la chaîne de télévision gérée par le Département d’Etat qui est l’unique chaîne politique diffusée en Iran sans aucune restriction par le régime.

Il y a une autre raison pour laquelle le Département d’Etat a publié cette semaine un communiqué pour évoquer le cas de ces 18 étudiants : leur date d’arrestation ! Le communiqué du Département d’Etat parle du 9 juillet ! Le problème est que cette journée de commémoration très importante pour les faux opposants a totalement été éclipsée par les évènements exceptionnels de la semaine du 4 au 11 juillet, semaine charnière qui a été selon notre analyse le tournant décisif dans la crise qui oppose l’Iran aux Etats-Unis : la date d’une approche conciliante américaine.

Au cours de la semaine du 4 au 11 juillet, Téhéran a procédé à des essais balistiques. Washington a fabriqué des fausses preuves journalistiques pour innocenter les mollahs afin d’éviter l’adoption de nouvelles sanctions susceptibles de balayer ce futur allié, sans lequel il estime qu’il ne pourrait pas vaincre l’économie conquérante de la Chine. Téhéran a apprécié ce geste de Washington et a invité l’administration Bush à des négociations directes et sans intermédiaire. C’est ce qui a débouché sur la décision américaine d’envoyer un émissaire du Département d’Etat à la prochaine rencontre des six avec les iraniens à Genève.

Cependant, si cette semaine exceptionnelle a ouvert la voie, elle a été une anomalie imprévue : une entente américaine avec Téhéran passe nécessairement par la promotion des faux opposants, vitrine politiquement correcte du régime intégriste des mollahs. C’est pourquoi avant même d’annoncer sa décision d’envoyer un émissaire américain à Genève, Washington a d’abord réanimé le cadavre du 9 juillet en évoquant des manifestations de commémoration qui auraient eu lieu en Iran pendant cette journée et des arrestations massives !

Ces manifestations n’ont évidemment pas existé. Les étudiants ou dissidents iraniens habituellement adeptes de vidéos destinées à Youtube n’ont pas réalisé d’images de ces manifestations : en fait la seule faiblesse des faux opposants est qu’ils n’ont aucune base dans la jeunesse et ne peuvent pas mobiliser et attirer les jeunes dans leurs manifs afin d’utiliser les images de cette présence comme la preuve de la légitimité sociale de leur dissidence.

Pour capter la masse, le régime a créé des blogs dissidents hébergés par Blogfa.ir, automatiquement redirigé vers Blogfa.com qui fait semblant d’être un site basé au Canada (son serveur a déménagé en Iran suite à une attaque de hackers protestant contre la publication des caricatures antisémites par blogfa.com [2]). Ces blogs uniformes ont des contenus très surprenants : leur page d’accueil porte au moins une référence à l’Iran d’avant la révolution : le drapeau de la monarchie, des hymnes ou chansons connotées patriotiques et monarchistes, des portraits du Shah ou de son fils… parfois accompagnés de photomontages ridiculisant Khomeiny.

Ce sont des images ou propos interdits en Iran... il y a même un blog pro-israélien : תודה ! Il s’agit d’éléments -connotés anti-régime- et populaires auprès de la jeunesse iranienne, éléments qui sont là pour rassurer l’internaute . Mais le reste du site est consacré à la promotion des faux opposants (Batebi, Mohammadi, Fakhr-avar…) et d’un seul slogan : « nous existons » (mâ hastim), accompagné d’un seul mot d’ordre : participez aux manifestations du 9 juillet pour montrer que « nous » existons.

Chaque site a publié des adresses et les horaires de présence exigée. Parallèlement, le régime a créé des adresses e-mails qui ont abreuvé les boîtes des opposants en exil de messages plaidant pour la nécessité d’une présence populaire massive le 9 juillet en faisant valoir que l’objectif des participants serait d’évoquer un autre 9 juillet, date d’un coup d’état monarchiste qui avait avorté. L’objectif était que les opposants en exil (comme iran-resist) diffusent l’appel à la participation vers leurs correspondants en Iran, via leur site, afin de convaincre les indécis de la nécessité de participer et de la nécessité de faire confiance au réseau blogfa.

Les net-activistes exilés n’ont pas marché dans cette sale combine destinée à fournir des figurants aux faux opposants tout en pistant les vrais qui se seraient déplacés. Il faut noter néanmoins que Iranpressnews (à droite) et cyrusnews (à gauche) ont participé à cette campagne du régime. Cependant, les jeunes iraniens ont sagement décidé d’éviter ces manifestations suspectes à leurs yeux car aisément récupérables par le régime. Le 9 juillet a été un flop !

Sans la participation massive de la population, cette dissidence reste théorique… cependant, pour les besoins de son projet d’entente, Washington a décidé d’utiliser l’ensemble de ses médias pour affirmer que des manifestations avaient bel et bien eu lieu.

Washington reconstitue ainsi un puzzle où chaque élément contribue au succès de son plan. En acceptant de participer à la rencontre de Genève, l’administration Bush commence à familiariser l’opinion publique américaine avec le principe d’un dialogue direct avec les mollahs. Sous peu elle ouvrira une représentation diplomatique à Téhéran : officiellement pour aider les dissidents, elle servira de plateforme pour des rencontres sans intermédiaires.

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Post scriptum | Cependant, ce montage théorique a besoin réellement d’une présence populaire massive pour apporter une légitimité sociale et surtout politique à cette soi-disant dissidence (à la fois utile pour Téhéran et Washington).

Après l’échec de l’invitation pour le mouvement estudiantin qui a paru suspect aux yeux des iraniens, une seconde tentative sera possible. Il s’agira du 5 août [3], date de la commémoration de la constitution de 1906 qui n’a aucun lien (visible) avec le régime des mollahs et fait référence directement à la monarchie. Cela pourrait inciter les iraniens à se déplacer malgré un facteur peur à dépasser.

Ce facteur humain, imprévisible, est le seul élément excitant de ce scénario cynique pour l’entente entre les Etats-Unis et les mollahs. Ce facteur imprévisible s’amplifiera après l’arrivée des diplomates américains en Iran : quand le régime cherchera à se donner une identité plus plaisante (moins répressive). Le peuple pourra alors scander le nom de celui qu’il veut.


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| Mots Clefs | Resistance : FAUSSE(s) OPPOSITION(s) |

| Mots Clefs | Enjeux : Rétablir les relations avec les USA & Négociations directes |

| Recherche Par Mots Clefs : Internet |

| Mots Clefs | Enjeux : Garanties Régionales de Sécurité : le DEAL US |

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : USA |

| Mots Clefs | Enjeux : Changement de régime |

[1Le quotidien britannique The Guardian rapporte, dans son édition de jeudi 17 juillet, que les Etats-Unis vont annoncer, le mois prochain, leur intention de rétablir une présence diplomatique en Iran en ouvrant une section d’intérêts diplomatiques à Téhéran.

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[2Blogfa.ir et ses animateurs (docs en persan)

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Les animateurs de Blogfa.com

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[3Campagne pour la manif du 5 août (doc en persan)

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جشن مشروطیت

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