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Iran : Le demi-tour du Trésor américain
28.07.2007

De nombreux opposants iraniens avaient bien accueilli les sanctions bancaires décidées par le Trésor Américain et ce dans l’optique d’un soutien indirect aux partisans d’un changement de régime. Ils ont déchanté quand George Bush suivi par Condoleezza Rice et Nicolas Burns ont adopté des discours qui laissaient entendre que leurs objectifs n’étaient pas de combattre cette Banque Mondiale du Terrorisme [1], mais de l’affaiblir afin de lui proposer un arrangement. Les derniers propos de Stuart Levey, le secrétaire adjoint au Trésor chargé de la lutte contre le terrorisme, vont dans ce sens très particulier et même si ce dernier parle de résultats, ses propos sont loin d’être rassurants.



Dans un discours très conforme à la ligne politique du Departement d’Etat, Levey a parlé d’efforts entrepris pour faire changer d’avis le « gouvernement iranien ». Il a ainsi évoqué les sanctions en cours d’application à l’encontre d’une douzaine d’entités iraniennes, essentiellement liées aux secteurs nucléaire, de l’énergie et de l’industrie ainsi que 2 banques publiques iraniennes : la Saderat (visée en septembre 2006) et la Sepah, la 5e banque du pays (visée en janvier 2007).

Levey a précisé que ces mesures étaient décidées afin de convaincre les « citoyens iraniens » qu’il est dans leur intérêt de collaborer avec la communauté internationale plutôt que de la défier.

En Iran, ce ne sont pas les « citoyens iraniens » qui décident mais le régime des mollahs qui n’a aucune considération pour les « citoyens iraniens ». Levey évoquait en réalité les décideurs du régime quand il a utilisé l’expression : « citoyens iraniens ».

En 2001, 2002, 2003… George Bush en avait fait de même et c’est ce qui a trompé les « citoyens iraniens » qui ont cru que les Etats-Unis étaient du côté du peuple. Il n’en était rien et depuis, les Américains ont montré qu’ils préféraient soutenir les partisans du dialogue avec le régime ou les partisans d’une transition douce du régime actuel vers une version moins politiquement incorrecte.

L’emploi de l’expression le « gouvernement iranien » appartient à la même démarche car sous le régime des mollahs, en vertu de la constitution de la république islamique d’Iran, ce n’est pas le gouvernement qui choisit les orientations politiques de l’Etat mais le Conseil du Discernement, créé pour Rafsandjani [2] en 1989 et dirigé par lui depuis cette date. L’utilisation de ce genre de vocabulaire : « convaincre les citoyens iraniens et le gouvernement iranien » s’inscrit dans la volonté de reconnaître la légitimité du régime des mollahs.

Mais le choix du vocabulaire n’est pas le seul point noir des dernières déclarations de Stuart Levey. Le secrétaire adjoint au Trésor chargé de la lutte contre le terrorisme a déclaré que les sanctions n’étaient pas la seule arme utilisée par l’administration américaine ! « Il y a un nombre assez important d’incitations mises sur la table par les pays alliés pour que les Iraniens suspendent leurs opérations d’enrichissement d’uranium »...

En soi, cette déclaration n’a rien de nouveau car elle est conforme à l’esprit de la dernière résolution du Conseil de Sécurité. Nous avons d’ailleurs consacré un article à cette résolution 1747 d’apparence ferme mais qui faisait la part belle à une entente tous azimuts par les mollahs intégristes de Téhéran. A l’approche d’une nouvelle résolution, les Américains se déclarent ainsi favorables à la poursuite de cette molle résistance face aux mollahs.

Mais ces déclarations de Levey sont plutôt inquiétantes car elles confirment notre analyse selon laquelle les Américains cherchent surtout un arrangement avec le même régime qu’ils accusent de financement du terrorisme international ! Les déclarations très conciliantes de Levey confirment que le service de la lutte anti-terrorisme dont il est le responsable peut remettre en cause cette accusation en cas d’arrangement. Les déclarations de Levey confirment que l’unique objectif des sanctions est de contraindre les mollahs à une certaine entente avec des clauses définies et que les accusations diverses sont des prétextes ou des atouts dans le poker que jouent ensemble les Etats-Unis et le régime des mollahs.

Nous revenons au point central de notre analyse de la situation : les crises qui opposent les Etats-Unis et le régime des mollahs sont des crises de substitution. Les deux parties ont des visions très opposées sur les termes de l’entente, mais ils sont d’accord sur un seul point : ils sont engagés dans une double lutte d’usure pour terrasser l’adversaire. Pour les mollahs cette lutte est de caractère terroriste et pour les américains, il s’agit d’une usure économique et dans les deux cas, le facteur déterminant est la durée de la lutte. Aucun des deux n’a intérêt à ce que les choses aillent vite.

Et c’est là l’autre point noir des déclarations conciliantes de Stuart Levey : ces déclarations arrivent certes avant une prochaine résolution, mais elles ont été formulées après les efforts entrepris par Dick Morris pour renforcer les sanctions en cours par un désinvestissement des capitaux américains placés par les Fonds de retraites dans des sociétés faisant des affaires en Iran. Une telle action ruinerait rapidement le régime en perturbant sérieusement ses exportations pétrolières.

Levey a brièvement évoqué la coopération entre son ministère et le secteur privée, mais il s’agissait de contourner l’évocation du projet de désinvestissement.. L’administration américaine préfère donc afficher son soutien à une procédure onusienne (longue, inefficace et entravée par la Chine et la Russie) plutôt que d’encourager une campagne de désinvestissement qui risquerait de précipiter rapidement l’effondrement du régime ajournant à jamais l’entente tant désirée entre les deux parties.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG

Pour en savoir + sur le projet de désinvestissement :
- Iran : Les seules sanctions efficaces contre les mollahs
- (29 juin 2007)

Pour en savoir + sur le vocabulaire diplomatique de Washington :
- Iran : Les Etats-Unis veulent la peau des Pasdaran
- (15 juin 2007)

| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions Ciblées en cours d’application |

| Mots Clefs | Enjeux : Garanties Régionales de Sécurité : le DEAL US |

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : USA |

| Mots Clefs | Auteurs & Textes : Textes essentiels d’IRAN-RESIST |

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[1Banque Mondiale du Terrorisme - Levey : Iran « central banker of terror » | SYDNEY, Australia (AP) -15 Mars 2006- U.S. Secretary of State Condoleezza Rice on Thursday urged Iran to resume negotiations over its nuclear program, while also calling the country a central banker for terrorism.

Monday, 28 August 2006 - By JEANNINE AVERSA - WASHINGTON (AP) - Iran, a primary source of funding for militant group Hezbollah, is a "central banker of terror," a top Treasury Department official said Monday in an interview with The Associated Press.

"Iran is like the elephant in the room if you will ... they are the central banker of terror. It is a country that has terrorism as a line-item in its budget," said Stuart Levey, the department’s undersecretary for terrorism and financial intelligence.

Levey’s comments came as Iran faces a Thursday deadline imposed by the U.N Security Council to suspend a key part of its nuclear program or face political and economic sanctions. The key part of Iran’s nuclear program deals with the enrichment of uranium, a process that can produce either fuel for a reactor or materials for weapons of mass destruction. Iran last week responded to a package of Western incentives aimed at getting it to roll back its nuclear program. Iranian officials said the Islamic country did not agree to halt enrichment - the key demand - before engaging in further talks. Other details have not been released. Iran says its nuclear program is intended solely to generate electricity, while the United States and Europe contend it secretly aims to develop nuclear weapons.

Levey said the United States was working not only to halt Iran’s nuclear ambitions but to financially clamp down its funding of Hezbollah and its role in the recent bloodshed in Lebanon. He estimated that Iran was providing Hezbollah with more than $100 million per year in financial support, in addition to the military equipment. |

[2Le Conseil du Discernement et Rafsandjani | Constitutionnellement, ce n’est pas le Guide qui définit les politiques du pays mais le Conseil du Discernement, inventé pour Rafsandjani et présidé par lui depuis sa création. Le Guide approuve cette politique (et il s’agit d’une approbation de pure forme). Khamenei lui-même a accédé au poste du Guide grâce à une manipulation du testament de Khomeiny par Rafsandjani.