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Iran : le conservateur modéré et les règles du jeu
22.12.2006

Selon la « presse réformiste de la république despotique et islamique d’Iran », les « conservateurs modérés » ont remporté la victoire aux municipales et à l’Assemblée des experts.



C’est Rafsandjani, demi-frère de Khomeiny, ancien président iranien et actuel président du Conseil de Discernement qui est affublé de ce nouveau qualificatif.

Ce conservateur modéré a donc battu « l’ultraconservateur ayatollah Mesbah Yazdi », père spirituel d’Ahmadinejad. Les « politologues locaux » (ex-mollah, ex-pasdaran, ex-preneur d’otages…) estiment que pour le « gouvernement du néo-conservateur » d’Ahmadinejad, les résultats des élections sont un signal du mécontentement du peuple vis-à-vis de sa politique, intérieure comme extérieure.

Ce langage convient à des journalistes européens qui identifient les néoconservateurs à des fous va-t-en-guerre et s’amusent à mettre dans le même sac, George Bush et Ahmadinejad. Pourtant ces approximations de langage promues par le régime de Téhéran ont des motivations très particulières.

En premier, il y a le retour aux affaires de Rafsandjani. Ce dernier avait été qualifié de conservateur et anti-réformiste quand les réformateurs étaient au pouvoir, mais depuis la nomination d’Ahmadinejad à la présidence, il arrivait qu’on parle de Rafsandjani en termes de réformateur !

Il ne pouvait pas donc avoir été un conservateur anti-réforme et être à présent une sorte de super-réformateur. Il a donc fallu inventer une nouvelle échelle de mesure de conservatisme pour lui trouver un créneau indéfinissable.

En effet, si en France, il est presque un inconnu, du moins pour les plus jeunes comme Montbrial, Adler ou Parmentier, pour nous autres iraniens, il est l’auteur criminel, du plus grand attentat anti-sémite de l’histoire mais aussi des attentats de Paris et surtout le responsable des centaines de milliers de morts inutiles pendant la Guerre Iran-Irak. Car en effet l’Iran avait en deux ans inversé les vapeurs et pu reprendre les territoires envahis sans sommation par Saddam et il aurait pu dès 1982 mettre un terme aux hostilités et obtenir des compensations de son agresseur. Mais Rafsandjani et deux autres hauts responsables du régime avaient alors décidé de continuer la guerre afin de s’enrichir sur les contrats d’achats d’armements. Ainsi, le mollah Rafsandjani -de son propre aveu d’un niveau d’étude Bac moins 8- et ayant pour toute fortune une vieille coccinelle, est devenu grâce aux jeunes déchiquetés sur les champs de mine de Saddam, l’un des hommes les plus riches de cette planète. Son nom n’évoque pas un conservateur modéré en Iran mais un vampire sans modération.

Evidemment, l’AFP ne parle plus de ce bilan noir de Rafsandjani pour le présenter. Les journalistes français pourtant bien au courant des ventes d’armes à l’Iran, font mine d’ignorer son enrichissement pendant cette guerre ignoble et si meurtrière. On lui attribue même une fortune immense qui daterait d’avant la révolution. Fortune signalée dans aucun journal… La photo ci-dessous a été prise en 1977, juste avant la révolution, est-ce là l’accoutrement d’un millionnaire ou d’un mollah sans le sou ?

Mis à part son enrichissement suspect, d’autres détails se sont envolés de la bio de ce mollah : plus aucun journal ne parle de ses détournements de l’argent du pétrole iranien (par l’intermédiaire de son fils Mehdi) et plus personne n’écrit sur son rôle dans le plus important attentat antisémite au monde. Désormais toute cette sale vérité est cachée par l’annonce de l’arrivée au pouvoir d’un conservateur modéré en comparaison avec les autres conservateurs. Mais en réalité, tout ceci est une mascarade pour tromper les seules personnes qui ne connaissent pas Rafsandjani.

Et les seules personnes qui ne connaissent pas Rafsandjani sont des non-iraniens. Ces appellations sont là pour donner une image fréquentable à un régime réellement infréquentable. Et le plus incroyable est que ce régime ne peut même pas se débarrasser de cette verrue car ce Rafsandjani est le patron occulte du régime. Sous mandant d’arrêt international pour l’attentat antisémite du Buenos Aires, il a décidé de montrer aux américains que le régime se réincarne en lui. Il avait déjà la présidence du Conseil de Discernement, l’organisme qui prédéfinit toutes les politiques du gouvernement, il s’est octroyé le droit de choisir le futur guide suprême.

Peut-être sera-il le prochain guide suprême ou bien il décidera de remplacer cette fonction par un conseil restreint de sages (formé de 3 membres [1]). Car Monsieur Bac moins huit n’est pas un ayatollah (signe divin) : il a un grade inférieur dans le clergé (il n’est même pas nécessaire d’être alphabétisé pour devenir mollah). Rafsandjani est un Hojjat-ol-Eslam (preuve de l’Islam). Le voilà donc conservateur modéré, fréquentable pour des négociations. Pour expliquer en quoi il est modéré, on a affublé son rival Ayatollah Mesbah Yazdi d’Ultra-conservateur et Ahmadinejad a hérité du titre de néo-conservateur.

Néo, modéré ou ultra, ces gens et ceux qui se disent réformateurs ont une pensée commune : l’islamisme ! Tous ont été aux affaires quand Rafsandjani a ordonné le mitraillage des opposants iraniens dans un restaurant grec en Allemagne. Ils (les néo-modéré-ultra-réformateurs) étaient aussi aux affaires quand Rafsandjani avait fait exploser le siège de l’Amia pour tuer 400 juifs argentins, ils ont aussi été là quand ce même Rafsandjani a dit qu’un jour une seule bombe atomique islamique raserait la moitié d’Israël et aucun n’a protesté. Ils l’ont même félicité.

Ce jargon électoral s’adresse donc aux seules personnes qui ne connaissent pas Rafsandjani et sont comme vous des non-iraniens. Ce jargon doit rendre fréquentable un régime infréquentable.

Le régime des mollahs veut changer d’image pour échapper à des sanctions onusiennes. Et il conserve dans son jeu les cartes des néo-conservateurs pour de temps en temps interrompre les négociations, puis les reprendre, puis les interrompre… Il en a été ainsi de 2003 à 2005, sous la présidence d’un réformateur. En réalité, le régime des mollahs veut reprendre l’initiative dans le jeu dilatoire des négociations, une initiative qui lui échappe actuellement. On devrait plutôt dire que Rafsandjani (patron du régime) veut reprendre les choses en main et surveiller de très près tous les mouvements intérieurs et extérieurs qui pourraient mettre ne péril sa personne et son pouvoir.

Ahmadinejad dans le bain de la vérité | le régime garde quand même Ahmadinejad comme joker. En effet, c’est le Conseil de Discernement qui valide le programme du gouvernement. Il en était ainsi pendant la présidence de Khatami et il en est de même maintenant. L’opposition entre Khatami et Rafsandjani était aussi factice que l’est l’opposition ou la guerre entre Rafsandjani et Ahmadinejad. Dans les deux cas, le président et sa couleur politique sont des joker pour donner une apparence pluraliste à une régime bâti sur le modèle mafieux.

Etant donné que le Conseil de discernement défini le programme du gouvernement, on ne comprend pas l’apparente opposition entre ces hommes et c’est d’ailleurs pour cette raison, que les iraniens ne votent plus. Surtout depuis qu’ils ont compris cette réalité après la fin de l’escroquerie de Khatami qui a réussi à canaliser l’envie de changement et à l’anéantir (les partisans du changement se sont manifestés et le régime n’a eu qu’à les ramasser). Dès le milieu du second mandat de Khatami, le taux de participation s’est évanoui. Le résultat publié aujourd’hui donnant gagnant ce conservateur modéré pour l’AFP (mais vrai ripoux terroriste pour les iraniens) n’est pas du fait d’une participation populaire mais dû à la nécessité pour le régime de modérer son image – comme nous l’avons expliqué plus haut-.

Mais c’est justement là, que les choses deviennent irrationnelles : Khatami avait promis à la troïka (qui représentait les USA) un accord à l’issue de longues et versatiles négociations nucléaires. Comme les mollahs ne voulaient pas d’un accord avec l’Europe mais avec les Etats-Unis, ils ont choisi de remplacer le Joker souriant de Khatami par le Joker vénéneux d’Ahmadinejad.

Ce dernier est devenu le VRP du régime et de ces doctrines comme en son temps Khatami l’avait été. Souvenez-vous ce n’est pas Ahmadinejad qui définit son programme mais le conseil de Discernement. Le joker Ahmadinejad a joué son rôle d’épouvantail pour créer les conditions d’une crise internationale susceptible de promouvoir l’idée d’une conférence internationale sur l’Iran avec les mollahs pour aboutir à des Garanties régionales de Sécurité.

ET le régime n’a pas lésiné sur les moyens : une guerre au Liban, la guerre civile chiite-sunnite en Irak, des ingérences en Afghanistan, le négationnisme médiatique et en bout de course, non seulement l’Amérique n’a pas flanché, mais elle a durci sa position. C’est en tant que prisonniers de leur propre piège que les mollahs ont dû changer de tactique pour revenir à une posture moins vénéneuse.

Mais entre temps, ils avaient investi pleinement sur l’adéquation entre les envies du peuple et la politique du Président. Pendant l’année écoulée, pas un jour sans les foules scandant : l’énergie nucléaire est mon droit indéniable ! Il y a encore 3 mois, l’équipe de France 2 était à Téhéran et tout le monde lui a chanté la même chansonnette.

Et encore aujourd’hui, depuis un an, le régime déplace de ville en ville, des cars entiers de badauds -toujours la même quantité- qui accueillent chaleureusement leur président dans son interminable tournée nationale ! La télévision iranienne le montre applaudi par la foule des démunis ! On se demande donc comment un président si populaire a pu être désavoué par les urnes ? Est-ce que ces foules n’ont pas voté ?

La vérité est que tout ceci est une mise en scène et que le metteur en scène Rafsandjani mécontent des recettes (onusiennes) a décidé de changer de décor mais sur on rejoue la même pièce et l’objectif reste le même : des Garanties régionales de Sécurité… On a changé le décor, mais les règles sont les mêmes et ce régime vous en fera voir de toutes les couleurs.

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Pour en savoir + sur ces élections :
- Iran : Des élections à effet cosmétique
- (18.12.2006)

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[1Le Choix du Guide Suprême | Officiellement Khamenei est un adversaire politique de Rafsandjani, mais en réalité il est son pion : À la mort de Khomeiny, les hauts responsables du régime se sont réunis pour décider de sa succession. Peu avant sa mort, Montazéri avait été écarté par Khomeiny, mais il restait le plus qualifié d’entre tous. Certains penchaient pour une solution différente et voulaient créer un Conseil (de trois ayatollahs) qui assumerait le rôle du Guide de la Révolution. Rafsandjani a falsifié avec l’aide d’Ahmad, le fils de Khomeiny, un testament dans lequel Khomeiny avait nommé comme son successeur Khamenei. La participation d’Ahmad a été décisive car ce dernier était le secrétaire particulier de Khomeiny. Khomeiny dictait ses ordres et Ahmad transcrivait : ainsi la totalité des documents attribués à Khomeiny vers la fin de sa vie avaient été rédigés de la main même de son fils Ahmad. Hojjat-ol-Eslam Rafsandjani (il n’est pas ayatollah) et Ahmad ont rédigé « le nouveau testament » au moment même où on s’acheminait vers la Création du «Conseil à trois». Le texte stipulait que le fondateur de la République Islamique avait choisi Khamenei. Ce qui fit clore les débats et plaça un homme mou du giron de Rafsandjani à la fonction suprême de la république des mollahs.