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L’Iran au croisement des tensions Franco-américaines
01.12.2006

Jacques Chirac veut faire entrer les mollahs dans l’OTAN !
- Un étonnant article du Figaro suivi de nos commentaires.



Un anniversaire très diplomatique pour Chirac
Par Philippe Gouillaud (Avec Alexandrine Bouilhet à Riga)

Jacques Chirac est fidèle en amitié. Mais c’est avec un ami bien encombrant, Vladimir Poutine, qu’il avait prévu de fêter, ce soir (le 29 novembre), son 74e anniversaire, à Riga, où se tient le sommet de l’Otan. Mais hier soir, le Kremlin a finalement annoncé que le président russe ne serait « malheureusement » pas de la fête.

Le porte-parole adjoint du Kremlin, Dimitri Peskov, a précisé à Moscou que des discussions avaient bien eu lieu en vue d’un tel déplacement. « Mais compte tenu, malheureusement, de l’impossibilité de coordonner les emplois du temps des chefs d’État, cette visite n’aura finalement pas lieu », a-t-il déclaré, en des termes très diplomatiques. Il faut dire que l’éventualité de ce dîner à trois - puisque la présidente lettone Vaira Kike-Freiberga devait être au nombre des convives - a, dès dimanche, provoqué l’ire du président américain, George Bush. Embarrassée par l’ampleur prise par cette affaire, la présidente lettone aurait ensuite hésité à délivrer un visa à Vladimir Poutine, achevant de froisser la susceptibilité des Russes.

Initialement, Vaira Kike-Freiberga avait en effet prévu de faire un geste à un moment ou à un autre, pour « souhaiter, avec les chefs d’État et de gouvernement présents, un bon anniversaire » au président français. Le sommet devait se conclure par un déjeuner offert à ses hôtes par la présidente lettone. Mais l’annonce du dîner Chirac-Poutine est venue perturber ce bel ordonnancement.

Selon des responsables de l’Alliance, le président de la République aurait, dans un premier temps, souhaité fêter son anniversaire dans un restaurant arménien de Riga, avec ses plus proches partenaires européens et son homologue russe, mais sans Tony Blair ni George W. Bush. Apprenant cela, le président américain serait intervenu pour contrecarrer ce projet.

L’Élysée présentait hier une version bien différente : « Le président Poutine a exprimé le souhait de venir rencontrer le président de la République pour lui présenter ses voeux, comme il lui est arrivé de le faire avec d’autres chefs d’État et de gouvernement » et « l’idée a été lancée par la Russie d’un dîner à trois dont la présidente de Lettonie serait l’hôte. »

Côté français, on se plaisait à souligner que ce dîner d’anniversaire avait en définitive vocation à être un dîner de travail chargé d’une réelle « signification diplomatique ». L’occasion d’évoquer à trois l’avenir de l’Otan et ses relations avec la Russie, l’unité et la sécurité de l’Europe. L’Élysée insistant sur le fait que la venue de Poutine à Riga serait une grande première, « la première visite d’un président russe dans l’un des trois pays baltes ».

« Ne pas humilier la Russie » | La Lettonie, qui a acquis l’indépendance en 1991 après l’effondrement de l’empire soviétique, a avec la Russie des relations certes difficiles, mais toutefois meilleures que celles qu’entretiennent la Lituanie et l’Estonie avec l’ancienne puissance occupante. En dépit du refus de Poutine de s’excuser pour l’annexion soviétique des Pays baltes, la présidente Vike-Freiberga avait fait le voyage de Moscou, le 9 mai 2005, pour célébrer l’anniversaire de la victoire de 1945 sur les nazis.

Cette annulation de dernière minute n’est pas pour déplaire à tout le monde. Dans les couloirs du sommet de Riga, l’invitation de Poutine avait jeté un froid certain. Aucun dirigeant de la trentaine de pays partenaires de l’Otan, n’avait été convié à Riga et, d’une certaine manière, Poutine s’invitait en force.

« On ne va parler que de ça. Tout le reste va passer au second plan », s’inquiétaient des responsables de l’Alliance atlantique en reprochant à la France de faire « cavalier seul » et d’avoir « fait beaucoup d’obstruction sur les dossiers à l’ordre du jour » (nouveau polémique iranien lancé par Chirac).

Certains y voyaient même « une véritable provocation », tant vis-à-vis des autres pays baltes, tenus à l’écart, que des nouveaux pays membres de l’Otan et de l’Union européenne.

En France, Jacques Chirac, privé de dîner d’anniversaire, pourrait faire l’économie d’une polémique supplémentaire. Déjà en septembre, le chef de l’État avait été critiqué pour avoir remis à Poutine les insignes de grand-croix de la Légion d’honneur. Car le pouvoir russe est dans l’oeil du cyclone, après l’assassinat de la journaliste Anna Politkovskaïa et l’empoisonnement à Londres de l’ex-agent russe Alexandre Litvinenko qui, avant de mourir, a accusé Vladimir Poutine de l’avoir fait assassiner.

La perspective d’une Otan « mondiale » divise Paris et Washington

L’OTAN espère obtenir le feu vert des Alliés, aujourd’hui à Riga, pour nouer de nouveaux partenariats avec l’Australie, le Japon, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud, la Suède et la Finlande. Poussée par les États-Unis depuis un an, cette « initiative pour un partenariat mondial », qui donne à l’Otan une dimension inédite, est le sujet le plus polémique du sommet.

Ces derniers jours, elle a fait l’objet d’une âpre bagarre entre Paris et Washington. Les États-Unis cherchent un moyen de récompenser les pays qui contribuent aux opérations de l’Otan en Afghanistan et dans les Balkans, mais aussi en Irak.

« Nous ne voulons pas transformer l’Otan en une alliance à géométrie variable, qui récompenserait les pays fournisseurs des troupes », rétorque-t-on côté français. En coulisses, l’obstruction de la France a obligé les États-Unis à revoir leurs ambitions à la baisse.

« Nous allons autoriser l’Otan à faire des entraînements et de la planification avec des pays comme le Japon et l’Australie », a annoncé le président Bush hier. Avec la Corée du Sud, l’Australie et le Japon constituent des alliés traditionnels de Washington dans la région Asie-Pacifique. Membre de la coalition en Irak, l’Australie participe aux combats de l’Otan dans le sud afghan. Le Japon a retiré ses troupes d’Irak, mais finance la reconstruction en Afghanistan. La Suède et la Finlande participent aux opérations alliées dans les Balkans et en Afghanistan.

Associer l’Iran

Ces partenariats « à la carte » que l’Otan veut lancer au cas par cas contrarient Paris. « Pour un Européen, un partenariat avec l’Ukraine ou la Russie est plus important qu’avec la Corée du Sud ou le Japon », affirme un diplomate français. Bataillant pour chaque mot, Paris a obtenu que les noms des pays visés par les États-Unis ne soient pas mentionnés dans le communiqué final de l’Alliance.

« Bush peut les citer, cela n’aura pas le même impact par la suit », confirme-t-on à l’Otan. Contrairement à ce que voulait Washington, il n’y aura pas de nouvelles structures créées, obligeant des réunions régulières ­entre les Alliés et les nouveaux partenaires.

Des « contacts » pourront être noués avec chacun d’eux, « au cas par cas », avec l’accord de Paris, selon les sujets abordés. « Il faut recentrer l’Alliance sur la conduite des opérations militaires », a affirmé le président Jacques Chirac dans une lettre adressée aux pays partenaires de l’Alliance.

À défaut de partenariats, le président français propose d’instaurer un groupe de contact » avec les pays fournisseurs de troupes et contributeurs à la reconstruction en Afghanistan. Il s’agirait de copier ce qui s’est fait dans les Balkans. Cette version très édulcorée du partenariat voulu par les Américains n’est pas sans créer une autre polémique.

Selon Paris, le groupe de contact devrait inclure un membre de « l’axe du mal » défini par George Bush : l’Iran.

« C’est un voisin important de l’Afghanistan », confirme-t-on côté français. Les Américains n’ont pas vraiment apprécié l’idée de donner à Téhéran un droit de regard sur ce que fait l’Otan en Afghanistan. Ils ont fait mine d’ignorer cette petite « provocation » du président français, bien décidé, semble-t-il, à jouer les trublions.

Incroyable mais vrai !

Alors que le monde entier et le monde arabe
 [1]
si cher à Jacques Chirac sont en ébullition sous la crainte d’un coup d’état du Hezbollah au Liban qui équivaut à l’annexion de ce pays par les mollahs et sa transformation en une république islamique ;

alors que la main mise anticipée des mollahs sur le destin de la jeune république irakienne se précise chaque jour d’avantage au point que de nombreux pays arabes montent au créneau pour demander que les américains restent afin de brider les envies hégémoniques des mollahs ; le président Français plaide en faveur d’une extension du rôle régional de l’Iran également en Afghanistan !

Par ailleurs, Jacques Chirac continue dans sa lancée pro-russe et soutient les adversaires régionaux des Etats-Unis au Moyen-Orient : le président Français plaide en faveur de toutes les mesures qui pourraient provoquer une désaffection des pays fournisseurs de troupes en Irak comme pour affaiblir la coalition qui y maintient un ordre fragile. Cette opération, on le sait, vise à faire évacuer l’Irak ce qui de facto livrera le pays aux milices entretenues par Téhéran (qui cherche actuellement à prendre le contrôle d’Al Qaeda conformément aux clauses du testament politique de Khomeiny).

Le régime des mollahs, bien avant la possession d’une arme nucléaire, se comporte déjà comme une puissance nucléaire et exige un rôle régional, et grâce à Jacques Chirac, il peut même aspirer maintenant à un rôle semi-continental : les mollahs pourront à terme contrôler un territoire qui va de l’Inde jusqu’à la Méditerranée. Et dans cette situation, n’ayant pas d’armes nucléaires (pour l’instant), ni de véritable armée, ni de siège au Conseil de Sécurité, ils devront avoir un allié qui ne peut être la Russie.

Paris ne fait que pousser les mollahs encore plus dans les bras d’une Russie qui sera la grande gagnante du départ des Américains. Une Russie qui pourra former avec l’Iran une Alliance propre à contrôler les sites pétroliers les plus prometteurs de la planète. Nous le pressentions et l’avions écrit : la France espère toujours devenir l’allié stratégique de l’Iran alors qu’elle n’en a pas les moyens militaires ou stratégiques. Elle ne fait que perturber les résidus de l’équilibre régional.

Le dîner Chirac-Poutine était une tentative pour percer les mystères de la rencontre Bush-Poutine, rencontre qui a modifié la diplomatie iranienne de Poutine. Chirac cherche à inverser cette modification afin de retrouver des alliés au Conseil de Sécurité pour bloquer des sanctions à l’encontre des mollahs et peut-être même pour relancer le dialogue. Le plus étonnant reste quand même l’attitude de Poutine qui n’a pas cherché à contrarier Bush.

Les mollahs ont trop joué la carte des provocations anti-américaines et n’ont pas obtenu « la conférence bilatérale » qui aurait abouti à la reconnaissance de leur rôle régional (via le Hezbollah armé) par l’hyper puissance américaine. Même s’ils n’en avaient pas le désir, les mollahs n’ont d’autres choix que d’amplifier la crise, finalement la seule chose qu’ils savent faire en dehors des affaires.

La conjugaison de ces provocations déçues et des efforts de Jacques Chirac pousse l’Iran vers la Russie qui attend son heure. L’Iran se retrouve encore au cœur des polémiques qui divisent la France et les Etats-Unis et en paie le prix. L’Iran, pays géopolitiquement incontournable, qui pourrait être l’allié de l’occident, est en passe de devenir son pire cauchemar (non pas en possédant l’arme nucléaire) mais par la simple maîtrise du Golfe Persique, de l’Irak, du Liban, et peut être de l’Afghanistan (grâce à Jacques Chirac).

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[1CONTRE L’INFLUENCE DE L’IRAN AU PROCHE-ORIENT : L’Arabie Saoudite veut une plus grande implication des Etats-Unis | Un conseiller du royaume a prévenu hier que l’Arabie saoudite interviendrait en Irak pour protéger les Sunnites en cas de retrait américain. Dans une tribune au « Washington Post », Nawaf Obaid indique que Ryad envisage d’accorder une aide « financière, matérielle et logistique aux responsables militaires sunnites irakiens comparable à celle que l’Iran fournit (...) aux groupes armés chiites irakiens ».

« Fermer les yeux sur le massacre de sunnites irakiens serait abandonner les principes sur lesquels le royaume a été fondé », ajoute ce responsable saoudien. « Cela saperait la crédibilité de l’Arabie saoudite dans le monde sunnite et constituerait une capitulation face aux actions militaristes de l’Iran dans la région ». Pour ensavoir +, lire :
France-Iran : Les conséquences internationales du rapprochement | 03.08.2006

L’émir du Koweït, Cheikh Sabah, en visite en France le 30 novembre 06, estime que le Moyen-Orient est proche de l’explosion. | Selon lui, dans les circonstances actuelles, un retrait américain n’aiderait en rien à ramener la stabilité. Au contraire, la situation empirerait, et nous assisterions alors à une guerre civile de grande intensité, dont le monde entier ferait les frais. Interview par G. Malbrunot + Mots Clefs | Auteurs & Textes : Georges Malbrunot