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Iran-EU : La guerre silencieuse
12.08.2010

Washington qui a besoin d’une entente stratégique avec les mollahs islamistes pour agiter les régions musulmanes de la Chine et la Russie combine une guerre d’usure économique et des offres d’entente. Il s’agit de passer les pouvoirs politiques et économiques aux pions islamistes de Washington et cantonner les mollahs dans le rôle de distributeurs de fatwas. Les mollahs refusent car ce rôle de subalternes sans accès aux contrats pétroliers ne leur convient pas. Leur refus catégorique met Washington mal-à-l’aise car il se retrouve dans l’obligation morale d’adopter des mesures plus fortes qu’il aime éviter pour ne pas renverser ces mollahs utiles à ses desseins régionaux. Pour éviter ces sanctions, mais néanmoins agir pour rassurer ses citoyens, il lui arrivait d’annoncer comme nouvelles sanctions des mesures déjà existantes ou encore de censurer les réponses négatives des mollahs et, encore plus fort : dernièrement, il a entrepris de nouvelles formes de sanctions, mais il évite de les médiatiser afin de se montrer démuni de moyens pour agir. Cela donne une image d’impuissance à Washington alors qu’il n’en est vraiment rien. On peut dire qu’il est sur le point de faire craquer les mollahs. Mais au fur et à mesure qu’il s’approche du but, Washington vit avec l’angoisse d’un faux-pas qui reverserait ses futurs alliés utiles.



Il y a 7 mois, face aux provocations de Téhéran, Washington avait poussé la Turquie et le Brésil, deux de ses alliés stratégiques, à s’opposer officiellement à toute nouvelle sanction américaine ou onusienne, notamment l’embargo sur l’essence, mesure souvent évoquée par Washington, mais à éviter car elle serait fatale aux mollahs. Les deux pantins de Washington ont aussi endossé le costume de l’avocat pour défendre le dialogue sans fin avec les mollahs aux conditions dictées par ces derniers dans le but de prouver un intérêt au dialogue avec les mollahs, mais aussi de continuer la guerre d’usure économique. Plusieurs pays dont la Russie avaient alors conclu que les chances de Téhéran étaient minces, ils avaient rompu leurs livraisons d’essence pour faire chuter le régime afin de priver Washington d’un allié islamiste anti-russe dans la région. En réponse, Washington avait chargé la Turquie et l’Irak de livrer quotidiennement des millions de litres d’essence à Téhéran (12 millions pour la première, 5,5 pour le second). On avait atteint une forme d’hérésie car Téhéran profitait de l’occasion pour affirmer ses capacités à produire de l’essence et ne ratait pas une occasion pour provoquer une escalade.

Récemment, Washington a un peu oublié de mettre en avant la Turquie et le Brésil. Il y a trois semaines, Washington a renforcé ses pressions sur Téhéran en faisant adopter des sanctions unilatérales à son encontre par son allié, l’Europe. Il ne s’agissait pas de nouvelles sanctions, mais des sanctions américaines déjà appliquées par les Européens depuis 1996. Mais en les officialisant, les Européens ont lâché les mollahs. Mais Téhéran n’a pas seulement perdu les Européens ou 27% de ses fournisseurs, il a aussi perdu les Etats partenaires de l’Europe donc une part plus importante de ses fournisseurs. Cela a porté un coup à la morale du régime car il se veut une puissance régionale : sa force lui assure le soutien de la rue arabe à tous les excès du Hezbollah et du Hamas. Washington a affaibli les mollahs en les humiliant.

Les mollahs ont tenté de sauver la face en réduisant la perte à l’Europe et en affirmant qu’ils remplaceraient cette dernière par l’Asie. La Chine qui avait été sollicitée n’a pas répondu à leur appel du pied et dans le même temps, Washington a poussé le Japon, un autre grand partenaire des mollahs, à annoncer à son tour des sanctions unilatérales contre l’Iran. Comme pour l’Europe, il ne s’agissait pas de mesures inédites, mais d’une confirmation et d’un lâchage, c’est-à-dire une nouvelle humiliation pour les mollahs. Cette autre annonce a presque achevé les mollahs car ils se sont retrouvés coupés de la majorité de leurs partenaires et donc avec une espérance de vie très réduite. On peut dire que Washington a marqué des points importants sans annoncer des sanctions supplémentaires.

Washington était certain que les mollahs menaceraient d’embraser la région avec leurs milices le Hamas et le Hezbollah. Il a laissé entendre qu’il allait accuser le Hezbollah pour le meurtre de Rafic Hariri afin de montrer que ces accusations étaient du flan. Alors que Téhéran était bien silencieux, Washington a porté l’estocade en envoyant le roi Abdhullah d’Arabie Saoudite à Damas pour conclure un pacte avec Assad pour garantir la stabilité du Liban dans la perspective d’une accusation du Hezbollah afin de montrer que l’on décidait du destin de la région sans consulter les mollahs.

Humiliés et acculés sur tous les plans, les mollahs devaient demander grâce et accepter une transition des pouvoirs, mais cela étant synonyme d’un avenir incertain, ils se sont mis en quête de conflits immédiats avec Washington pour une escalade express qui ferait intervenir la Russie et la Chine en leur faveur.

La première tentative pour un clash express a été d’annoncer d’abord que le Hezbollah pouvait mettre le feu à Tel-Aviv en cas d’une attaque contre l’Iran, puis de provoquer un incident frontalier pour montrer qu’ils pouvaient eux-mêmes créer les condition d’un conflit pour forcer les Américains à les agresser. Dans le même but de provoquer rapidement un clash, Téhéran a aussi affirmé la volonté d’aller très loin dans les activités nucléaires et enfin Ahmadinejad a proposé un débat télévisé à Obama en le pressant de ne pas refuser comme son prédécesseur Bush qui s’était défilé par manque de courage.

Washington n’a rien dit qui puisse provoquer l’escale souhaitée par les mollahs. Ce rien a changé le destin car deux jours plus tard un sondage de l’agence américaine Zogby a révélé que les Arabes ne faisaient plus confiance à Obama pour son absence d’efforts pour la paix ! En cherchant à éviter des conflits avec les mollahs, Obama s’était mis les Arabes (les musulmans qu’il veut contrôler) sur le dos. Pire encore, le sondage montrait également que les mêmes Arabes (musulmans) faisaient désormais plus confiance aux mollahs qui avaient prédit l’échec d’Obama et de fait et plébiscitaient leur nucléarisation militaire.

Ce sondage a déprimé Washington et enchanté les mollahs qui étaient humiliés, acculés, désespérés et surtout à court d’idées pour provoquer un clash. Le régime qui avait essayé par le passé d’attaquer Washington sur ce plan a aussitôt envoyé Velayati (son négociateur plénipotentiaire et par ailleurs un des commanditaire de l’attentat anti-juifs d’Amia) au Liban pour envenimer le conflit entre les Arabes et les Américains.

De leur côté, les Américains ont tenté de restaurer leur image auprès des arabo-musulmans humiliant les mollahs, mais aussi en les accusant d’être les principaux fautifs de l’échec de la paix. C’est ainsi qu’ils ont enfin parlé du Hezbollah comme d’un obstacle à la paix. Pour la partie humiliation, Obama a déclaré qu’il avait des preuves que les sanctions faisaient souffrir les mollahs avant de leur conseiller de mettre de côté leur fierté mal placée. Par ailleurs dans la même optique d’humiliation, Washington a laissé traîner des rumeurs de frappes israéliennes. En pour humilier encore plus les mollahs, il s’est présenté dans le rôle d’obstacle à cette frappe. Le lendemain de cette triple humiliation censée corriger les résultats du sondage Zogby, mais aussi acculer davantage les mollahs, Hillary Clinton a encore confirmé l’attachement de Washington au dialogue bilatéral avec Téhéran (ce qui sous-entend la capitulation des mollahs).

D’habitude Téhéran répond à ces offres de dialogue par des propos provocateurs censés pousser l’autre partie à l’escalade (pour avoir une excuse pour refuser le dialogue), mais puisque Washington esquive ses provocations et puisqu’il est désormais dans la dernière ligne droite, il n’est pas allé par 4 chemins. Devant quelques 40 journalistes de tous les pays, son émissaire anti-juif Velayati a été très direct en affirmant que son pays ne dialoguerait jamais avec les Etats-unis car il n’avait pas confiance en ce pays (comme les Arabes) [1]. Etant cependant sûr que Washington esquiverait, l’émissaire de Téhéran a précisé que son pays n’était pas opposé au dialogue en soi, mais à un dialogue bilatéral et exclusif avec Washington (c’est-à-dire à un dialogue apparenté à des pourparlers pour une entente).

Pour résumer, les mollahs ont sifflé la fin de la partie du dialogue et d’apaisement pour se retrouver enfin dans un face-à-face. Le même jour, il a annoncé qu’il disposait de sous-marins furtifs capable de couler des pétroliers. Il était alors dans une logique de déclaration de guerre.

A d’autres reprises quand Washington s’était retrouvé face à une fin de non recevoir de dialogue et une volonté de confrontation, il avait censuré la déclaration en éliminant les passages défavorables au dialogue. Il a fait de même cette fois, en assurant le minimum de couverture aux sous-marins iraniens et aussi en éliminant le venin des déclarations de Velayati. Les médias américains n’ont retenu que l’une de ses dernières phrases : « Nous sommes prêts pour le dialogue ! » Des médias des pays alliés des Etats-Unis comme le Monde ont imité les confrères américains.

Au lendemain de la déclaration de Clinton, on pouvait imaginer que Téhéran avait accepté l’offre de Washington. Cette présentation a privé les mollahs de leur confrontation urgente. Il devait effacer cet échec. Le porte-parole du ministère iranien des affaires étrangères l’a démenti avec virulence en affirmant par une phrase courte et indéformable que le régime n’était « pas disposé à engager un dialogue bilatéral avec Washington ».

A nouveau désespéré, le porte-parole a par ailleurs précisé que l’Iran restait « disposé à discuter de ses approches des problèmes internationaux avec les Américains en présence des médias », ce qui est une relance du débat proposé par Ahmadinejad. Téhéran a aussi annoncé le lancement de vedettes ultrarapides capables de couler des pétroliers. Cette fois, Washington a tout censuré pour éviter des sanctions susceptibles de balayer les mollahs alors qu’il est (théoriquement) si prêt de les soumette.

La Russie qui est très attentive à la situation en Iran et serait la première victime d’un passage des mollahs dans le camp américain a alors volé au secours de ces derniers en diffusant massivement l’annonce de leur refus de tout dialogue bilatéral par l’intermédiaire de son agence de presse Ria Novosti. Les médias occidentaux ont alors dû reconnaître le fait, mais Washington n’a pas commenté ce refus définitif de dialogue. En revanche, son allié Lula qui jouait le rôle d’opposant à toutes sanctions a signé un décret qui engage le Brésil à respecter les sanctions adoptées par le Conseil de sécurité de l’ONU contre l’Iran.

Washington a ainsi réduit de moitié la prétendue opposition de certains de ses alliés à de nouvelles sanctions plus dures, une opposition que l’on avait presque oubliée. Ainsi, sans ajouter de nouvelles sanctions, il a renforcé l’isolement et la détresse psychologique et économique des mollahs. Le lendemain de ce lâchage brésilien, la Turquie qui n’avait jamais reconnu ses livraisons d’essence aux mollahs a annoncé qu’elle continuerait à braver les sanctions. Un ministère turc a cependant précisé que ces livraisons de 12 millions de litres quotidiennes avaient baissé de 73% en juillet !

La Turquie aurait pu continuer à livrer discrètement ces 3,5 millions de barils aux mollahs. Mais en annonçant l’affaire en détails, elle a informé les alliés internes du régime que ce dernier ne tenait pas debout grâce à ses propres capacités, mais grâce à Washington qui laissait faire les livraisons. La Turquie a mis en avant la puissance de Washington, laissant supposer une rupture des livraisons pour paniquer le régime afin qu’il accepte par peur des explosions sociales capables de le reverser définitivement et dans la douleur. Washington qui veut une entente et non une escalade a ainsi serré l’étau pour punir les mollahs, mais en leur laissant une dernière chance.

Washington a néanmoins pris un énorme risque car en évoquant ces livraisons turques, son dernier recours serait effectivement de les interdire condamnant ces mollahs dont il a besoin. Etant de ce fait très près de la victoire ou de la défaite, Washington a soudainement oublié de parler des sanctions ou de dialogue pour se concentrer modérément sur les violations de droits de l’homme en Iran (en se limitant néanmoins principalement à des soi-disant dissidents du régime pour rester dans son thème favori de transition vers un autre islamisme). Il donne ainsi l’impression de sanctionner les mollahs alors qu’il cherche désespérément à éviter un inévitable face-à-face.


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article complémentaire récent :
- Iran : Le régime est en quête d’un face-à-face explosif
- (3 août 2010)

article complémentaire (essentiel) :
- Iran : Obama va atteindre le seuil de l’absurdité
- (22 SEPTEMBRE 2009)

| Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |
| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement |
| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions Ciblées en cours d’application |

| Mots Clefs | Institutions : Provocations |

| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (selon les mollahs) |
| Mots Clefs | Nucléaire : Crise & Escalade |

| Mots Clefs | Décideurs : Brésil (Lula ou Amorim) |
| Mots Clefs | Pays : Turquie |

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[1Les propos de Velayati | « Nous ne pouvons pas dialoguer avec les Etats-Unis car nous n’avons aucune confiance en ce pays. Il se comporte de manière hostile. Il a fait adopter des lois (par le Congrès) et des résolutions par le Conseil de Sécurité contre l’Iran. Il a également incité ses amis à se montrer hostiles envers l’Iran. Après 31 ans, nous sommes habitués aux sanctions et ces dernières n’auront aucun effet sur la volonté de l’Iran. Malgré cette hostilité, l’Iran n’a jamais refusé le dialogue. Nous sommes prêts pour le dialogue sur la base de nos choix avec de nombreux Etats y compris ceux des Six ou le groupe de Vienne. »