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Iran : Le régime est en quête d’un face-à-face explosif
03.08.2010

Ahmadinejad a traité Bush de poule mouillé et a mis Obama au défi d’un débat face-à-face. Le représentant des mollahs aux Nations Unies a pour sa part averti que Téhéran « mettrait Tel-Aviv à feu en cas d’attaque israélienne contre la République islamique pour son programme nucléaire » alors qu’Israël ou les Etats-Unis n’avaient parlé d’aucune attaque et que les Etats-Unis avaient même accepté la semaine dernière un dialogue aux conditions posées par Téhéran. C’est là le problème : pour rester dans son rôle du leader de la rue arabe, rôle qui lui assure le privilège de commander le Hezbollah, Téhéran doit éviter tout apaisement avec Washington. Il doit aller au clash pour saboter le dialogue. Ses déclarations semblent cependant parfois contradictoires même si elles sont très provocatrices. En fait, il n’y a rien de contradictoires : ses déclarations sont très techniques et chargées d’insinuations très précises liées à l’histoire de leur face-à-face avec les Américains.
| Décodages |



Les mollahs et les Américains sont dans une relation impossible : Washington a besoin d’une entente avec les mollahs pour accéder à l’Asie Centrale et embrigader ses musulmans contre la Chine, ils rêvent aussi d’instrumentaliser les chiites saoudiens pour détacher les régions pétrolifères qu’ils habitent car les sunnites au pouvoir refusent depuis 1996 de reconduire l’exclusivité historique accordée aux compagnies américaines. Mais les mollahs doivent impérativement éviter tout apaisement avec les Américains, protecteurs d’Israël, pour préserver leur rôle de leader de la rue arabe et du Hezbollah. Il y a deux logiques contraires : une qui multiplie les initiatives de dialogue et une autre qui cherche à les saboter par le conflit. Pour contrer cette attitude, depuis des années Washington tente d’affaiblir les mollahs (tout en évitant de les renverser) pour les soumettre. La méthode appliquée est simple : Washington prive les mollahs de leurs investisseurs étrangers et régulièrement, il envoie ses alliés pour leur proposer des contrats qu’ils ne pourraient avoir tant qu’ils sont sanctionnés par Washington. C’est une guerre d’usure économique et psychologique. Washington applique les piqûres et propose l’antidote.

début de la guerre d’usure | Les premiers cobayes de cette politique de guerre d’usure économique ont été les Européens qui étaient à la fois les meilleurs partenaires des mollahs, mais aussi de fidèles alliés des Etats-Unis. Ce sont les années troïka. Les mollahs ont alors réalisé la puissance économique de Washington. Conscients de l’efficacité de cette guerre d’usure, ils ont trouvé une seule défense : enchaîner les provocations les plus menaçantes pour se rendre antipathiques et impropres à une entente, mais aussi pour engager Washington dans une escalade guerrière afin que par la crainte d’un conflit susceptible de menacer la route du pétrole, tous les alliés des Etats-Unis les encouragent à laisser tomber leur guerre d’usure contre les mollahs. Cette méthode d’amplification de la crise a bien embêté Washington car à défaut d’une escalade guerrière, il devait adopter des sanctions plus fortes contre les mollahs pour rassurer les citoyens américains mentalement agressés par des provocations évoquant notamment l’anéantissement d’Israël. Ayant la certitude que les mollahs ne pourraient pas survivre à des sanctions très fortes, Washington s’est mis alors à la recherche de pressions de substitution : des sanctions non économiques.

Washington aurait pu utiliser la condamnation des violations des droits de l’homme, mais il ne l’a pas fait car cela allait discréditer le régime et remettre en cause la pertinence d’une entente. Dans la même logique d’éviter le discrédit, Washington s’est aussi gardé de parler plus amplement des activités terroristes du régime qu’il sanctionne depuis 1996. Pour rester dans une logique d’un affaiblissement et non de discrédit, il a décidé de couper les liens physiques entre les mollahs et cette milice qui est leur force de dissuasion. Ce lien étant assuré par la Syrie, Washington alors sous administration Bush a tenté de s’approcher de ce pays pour l’éloigner des mollahs. Mais cette tentative a été un échec car le président syrien Bechar Assad avait des exigences trop élevées. Par ailleurs, Téhéran a défendu son territoire virtuel en Syrie en se lançant dans des attentats visant l’entourage du président syrien.

peur de l’escalade | Au même moment, Téhéran affirmait qu’il était ouvert au dialogue (comme maintenant), mais sans conditions préalables comme l’abandon de l’enrichissement qui avait été exigé par Bush et dont le refus avait justifié les sanctions. A l’occasion du changement de président, les Etats-unis ont accédé à cette demande : l’administration Obama a invité les mollahs à un dialogue sans aucune condition préalable avec l’idée que Téhéran fasse un pas en leur direction pour avoir une raison de désactiver leurs sanctions. Au prétexte de donner une chance à ce dialogue, la nouvelle administration a alors annoncé qu’il n’y aurait plus aucune nouvelle sanction en 2009 et s’est donnée 9 mois pour réussir à assouplir les positions de Téhéran. Dans cette nouvelle ambiance, la nouvelle administration a aussi oublié l’approche syrienne qui ne fonctionnait pas.

Les mollahs ne pouvaient pas accepter l’invitation car ils étaient encore sous la menace de la guerre d’usure économique des Américains : accepter de faire le premier pas sous la menace des sanctions aurait été interprété par la rue arabe comme la preuve d’une lâcheté. En faisant le 1er pas, les mollahs auraient perdu le soutien de la rue arabe et de facto le droit de préserver le commandement du Hezbollah bien qu’ils en soient ses fondateurs et ses principaux donateurs. Les mollahs ont alors demandé aux Américains de faire le 1er pas pour lever toutes leurs sanctions et en parallèle, ils ont enchaîné les provocations. Face à leurs provocations, Washington a initié la politique d’esquive pour éviter toute escalade, mais il a aussi pris note de la terreur de Téhéran à faire le 1er pas et a tenté de trouver une solution.

Sa seconde tentative a alors été de suggérer la présence des mollahs qui se veulent une puissance régionale à la conférence internationale sur l’Afghanistan pour les inclure dans le panel de ses partenaires chargés de la reconstruction de ce pays. C’était un geste de respect. Les mollahs devaient néanmoins refuser par obligation envers la rue arabe. Après avoir exigé avec obstination une invitation officielle de Washington pour l’obliger à faire le 1er pas, les mollahs sont allés au rendez-vous pour annoncer le refus de collaborer avec un Etat occupant. Ils ont profité de la tribune qui leur était offerte pour comparer les Etats-Unis à « l’entité sioniste qui occupe la Palestine » afin de transformer la conférence en scène de bataille avec les Etats-Unis pour provoquer une escalade. C’est ce qu’ils visent aussi en exigeant un débat direct avec Obama.

A La Haye, l’administration Obama a réalisé la difficulté de sa tâche. Elle s’est mise un peu en arrière pour éviter de donner aux mollahs l’occasion de se lancer dans ce genre de contre offensive et s’est mise à chercher une solution pour le problème du 1er pas.

Pour sa troisième tentative, l’administration Obama a trouvé une idée intéressante : les mollahs avaient du mal à trouver un fournisseur de combustible nucléaire pour leur réacteur de recherche à usage médical, elle a fait le 1er pas pour leur proposer de le leur fournir en échange de leur stock de 1200 kg d’uranium faiblement enrichi (qui avait le potentiel de produire la matière nécessaire pour 1 bombe atomique). Washington faisait le 1er pas. Les mollahs faisaient le second pas pour éliminer leur potentiel nucléaire militaire sur une proposition américaine avec le concours des Américains. De facto, les deux pays entraient dans un réchauffement bilatéral. Washington pouvait alors désactiver ses sanctions pour sceller une alliance. Mais craignant une contre-offensive provocatrice des mollahs, Washington n’a pas fait une offre publique, mais une offre privée.

Théoriquement tout était parfait, mais pas pour les mollahs qui doivent éviter tout apaisement avec les Américains. Les mollahs ont tout simplement ignoré la proposition. Washington les a alors menacés de mettre fin à son gel des sanctions pour appliquer l’embargo sur l’essence qui est vu comme l’arrêt de mort du régime. Les mollahs ont répondu dans un édito du premier quotidien iranien qu’ils ne croyaient pas à ces menaces car Washington ne pourrait réaliser ses objectifs sans eux.

Les Américains devaient alors admettre l’échec de cette approche, mais ils auraient alors plombé toute possibilité d’entente et devaient envisager l’adoption de nouvelles sanctions plus fortes dès la fin du délai accordé au dialogue, c’est-à-dire dès la fin de l’année 2009.

Pour éviter ces sanctions susceptibles de balayer les mollahs, Washington devait nécessairement prouver la disponibilité des mollahs pour un dialogue : il devait éviter toute escalade ou tout face-à-face permettant aux mollahs de tenir des propos hostiles au dialogue.

Double fuite en avant | La première initiative américaine a été de se cacher. Il a refilé le projet de fourniture du combustible à l’AIEA organe censée assister les Etats dans leurs activités nucléaires pour obliger les mollahs à répondre et coopérer malgré eux avec son plan.

Les mollahs ont alors accepté le principe de la coopération pour aller vers un face-à-face à Vienne où ils ont refusé de livrer la totalité de leur stock pour préserver un certain potentiel nucléaire militaire dans l’espoir de provoquer une escalade. Devant l’esquive américaine ils ont remis en cause les pays fournisseurs du combustible avant d’annoncer qu’ils allaient eux-mêmes enrichir leur stock à la hauteur de 20% pour produire son propre combustible, ce qui augmentait leur potentiel nucléaire militaire.

L’administration Obama a esquivé toutes ces nouvelles provocations pour éviter de saboter les chances d’une entente. En quête de scandales médiatiques, Téhéran que l’on ne recevait plus a accepté l’échange se portant sur 1200 kg, mais à un moment où son stock allait atteindre 2400 kg et qu’en cédant 1200 kg il pouvait préserver son potentiel nucléaire militaire. Comme une faveur accordée par générosité, Téhéran a proposé aussi de cesser l’enrichissement à 20%.

Washington a détecté la provocation et n’a rien répondu. Mais dans ces efforts, elle a épuisé le délai de 9 mois qu’elle s’était accordée : elle devait admettre l’échec du dialogue et adopter les sanctions très fortes qu’elles avaient promises tout au long de ces neuf mois.

L’administration Obama est alors soudainement devenue une partisane inconditionnelle des sanctions adoptées à l’unanimité par le Conseil de Sécurité. Au même moment, deux de ses plus importants partenaires commerciaux et alliés stratégiques, la Turquie et le Brésil, ont endossé le rôle d’Etats hostiles à toute nouvelle sanction onusienne. Par la suite, la Turquie et le Brésil ont été autorisés à aller proposer des investissements aux mollahs en échange d’un apaisement, ce qui a été un retour au processus de base de la guerre d’usure incluant des piqûres et l’antidote. Téhéran a alors réagi de manière traditionnelle en alignant les provocations balistiques ou nucléaires. Washington les a ignorés, mais il a chargé ses deux marionnettes de soutenir la dernière proposition iranienne d’échange se portant sur 1200 kg du stock iranien pour engager Téhéran dans un processus à minima de dialogue et de coopération. La Maison-Blanche a été le premier organe à saluer cet accord tripartite Iran-Turquie-Brésil comme un 1er pas vers un apaisement. Le face à face tournait à leur désavantage, les mollahs ont tourné le dos à leur propre projet pour trouver un face-à-face explosif : ils se sont alors dit disposés pour un dialogue sur leur programme, mais à plusieurs conditions irréalisables comme l’anéantissement de l’arsenal atomique israélien ou l’annulation de toutes résolutions de l’ONU et les sanctions en cours.

vers un clash | Washington a censuré cette annonce pour éviter le clash. Privé de tribune, Téhéran a annoncé sa disposition pour un dialogue sans aucune condition préalable pour mettre en oeuvre l’échange de 1200 kg avec le groupe de Vienne présidé par les Etats-Unis. Dès lors que les médias ont répercuté ce changement, il a rebondi sur ses 3 fameuses conditions pour provoquer le clash avec les Etats-Unis. Washington a encore censuré la tentative des mollahs, mais puisqu’ils cherchaient la bagarre, le 22 juillet, le Tribunal spécial pour le Liban a évoqué une possible mise en accusation du Hezbollah dans le meurtre de Rafic Hariri. La mise en accusation des mollahs dans des attentats anti-américains est l’une des pistes pour faire pression sur eux, mais cela ne va jamais très loin pour ne pas nuire à l’entente. Téhéran a conclu à un manque de moyen de représailles et a riposté en agitant sa disposition pour un dialogue à Vienne pour faire peur à Washington qui veut éviter tout face-à-face avec ce provocateur. On peut estimer que Téhéran avait mal jugé l’affaire car les Américains l’ont alors pris à contre-pied en acceptant son offre de coopération qui ne devait être qu’un appât. Puis ils ont envoyé le Roi Abdhullah d’Arabie Saoudite à Damas pour conclure un pacte avec Assad pour garantir la stabilité du Liban dans la perspective d’une accusation du Hezbollah. C’est-à-dire qu’après l’avoir coincé dans une coopération qui ne devait être qu’en appât, ils ont humilié le Hezbollah ce qui revient à ridiculiser la capacité de Téhéran à agiter la région.

Dans le cas de l’accord sur le nucléaire, nous avions annoncé la possibilité de provocations pour saboter cette coopération non désirée et dans le cas de l’accord sur le Liban, nous avions parlé d’un tremblement de terre pour le régime et évoqué la nécessité d’une riposte pour restaurer son autorité.

Cette semaine, Téhéran a fait l’un après l’autre. Pour saboter la coopération, il a annoncé une opposition de son Parlement à tout échange basé sur l’abandon de l’enrichissement à 20%, puis un procès pour espionnage contre les trois ressortissants américains et pour restaurer sa propre force régionale, il a menacé de mettre le feu à Tel-Aviv, ce qui évoque une capacité de nuisance du Hezbollah au-delà du Liban. Puis, il a repris le cours de ses efforts pour se retrouver dans un face-à-face avec les Américains en invitant Obama à accepter un débat avec Ahmadinejad, débat que son prédécesseur Bush avait refusé par peur.

Tout dépend de Washington. S’il esquive, Téhéran se fera une joie de lancer des menaces contre Israël ou de torturer psychologiquement les citoyens américains avec le sort réservé à leurs trois compatriotes détenus en Iran. Tout dépend des Etats-Unis.


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Pour en savoir + :
- Iran – Etats-Unis : Les vases communicants !
- (26 février 2010)

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