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Iran : Une nouvelle hypothèse sur Shahram Amiri
15.07.2010

Shahram Amiri, un savant atomiste iranien, disparu en juin dernier en Arabie saoudite, enlevé selon Téhéran par les Américains, transfuge selon ces derniers, a quitté hier les Etats-Unis pour retourner en Iran. Il y a un an au moment de sa disparition, nous étions partagés entre 3 hypothèses : l’enlèvement, la défection ou une mise en scène organisée par Téhéran pour accuser Washington. Un an après, le retour du disparu invalide certaines hypothèses, mais donne lieu à de nouvelles hypothèses très intéressantes.



Le mystère est complet sur le cas de Shahram Amiri : divers spécialistes affirment aujourd’hui qu’il avait été enlevé par les Américains, puis libéré parce qu’il n’avait rien de nouveau à leur apprendre. C’est une drôle d’explication car à l’époque les mêmes spécialistes ainsi que les médias occidentaux et certaines sources non officielles américaines parlaient d’un nouveau transfuge, un gros poisson comme Asgari, un agent de liaison entre les Pasdaran et le Hezbollah qui avait fait défection en 2008. Cette référence à Asgari est une sorte d’indice d’ignorance car le cas le plus important de défection iranienne n’est pas le retraité Asgari, mais Mohammad Moarefi, un savant atomiste qui a demandé l’asile à la France en 2006. Ceux qui ignorent l’existence de ce dernier et ne citent qu’Asgari sont des pauvres perroquets qui pour passer à la télé répètent ce que les politiques leur récitent à l’oreille.

L’agitation de ces soi-disant spécialistes a permis de cacher une chose extraordinaire : l’absence d’une quelconque révélation au moment de la (présumée) défection d’Amiri. Les spécialistes ont parlé de la première révélation d’Amiri quand Téhéran alors en négociation avec Washington à propos du projet d’échange de combustible a révélé l’existence d’un second centre d’enrichissement pour faire capoter les négociations car tout apaisement avec un ami d’Israël lui coûterait le leadership de la rue arabe. Par la suite, on a su qu’il avait bluffé (l’AIEA l’a confirmé) : le centre n’existait pas, il était en train de faire les terrassements nécessaires en vue de couler les fondations. Mais en l’absence de cette précision, les Etats-Unis étaient mal à l’aise à l’idée que leurs services secrets n’aient pas pu détecter ce centre. Il a soufflé à l’oreille des spécialistes que Téhéran avait été obligé de parler de ce second site car son existence avait été révélée par Amiri, digne fils de Madame Soleil !

Après cette révélation extraordinaire, on n’a plus entendu parler d’Amiri. Etant donné que depuis « sa défection », Washington n’a fait état d’aucune découverte dans le programme nucléaire iranien, on peut émettre des doutes sur ce personnage, ce qui ravive les doutes sur les circonstances de son arrivée aux Etats-Unis. Il y a un an après son faux témoignage, nous avions d’ailleurs évoqué des doutes sur celles-ci, en invitant nos lecteurs à envisager toutes les hypothèses : un enlèvement américain, une défection ou encore une mise en scène du régime pour accuser les Américains et avoir un motif diplomatique pour refuser l’apaisement proposé par Washington.

La réapparition d’Amiri sur le devant de la scène grâce des vidéos Youtube où il a évoqué un rapt américain aurait dû dissiper les doutes et éliminer les autres hypothèses, mais il n’en a été rien car son récit de rapt a été très incohérent. On est de facto revenu aux trois hypothèses possibles. C’est frustrant, mais pas perdu car ces hypothèses ne prenaient pas en compte la volte-face d’Amiri. En intégrant ce fait à nos hypothèses, on peut avancer le schmilblick en procédant par élimination des cas illogiques.

La première hypothèse, préconisée par les mollahs, a été celle de l’enlèvement. Au moment de cette affirmation, Téhéran avait diffusé une photo d’Amiri, puis une copie de son passeport, où l’on peut le voir un peu plus âgé (cliquez svp pour agrandir).
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Sur les images récentes des vidéos où l’intéressé accuse les Américains de sévices pour lui soutirer des informations, on a l’homme du passeport avec 20 à 30 kilos de plus.
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On n’a jamais vu des prisonniers torturés ou sous pression (par l’éloignement des siens) grossir et qui plus est dans ces proportions. On peut donc écarter l’hypothèse des sévices et des privations, ce qui affaiblit l’hypothèse de l’enlèvement.

La seconde hypothèse, préconisée par les Américains et leurs perroquets, a été celle de la défection. Cette semaine, alors que Téhéran accusait encore Washington du rapt, le Département d’Etat s’en est défendu en évoquant la défection et en affirmant qu’Amiri était arrivé aux Etats-Unis avec son passeport et un visa en règle. C’est un point inédit et intéressant car si tout iranien peut aller aux Etats-Unis pour voir sa famille, des amis ou encore pour tourisme, il est impossible de faire ce voyage dans ces conditions quand on travaille pour le programme nucléaire iranien ! Les employés du programme nucléaire iranien sont sous la tutelle des Pasdaran et en tant que miliciens, ils ne peuvent quitter le territoire national qu’avec un accord de cette milice et en suivant un itinéraire très balisé. Cela laisse supposer une défection feinte avec l’accord de Téhéran pour tester le niveau de connaissance des Américains au travers de leurs questions. Mais qu’il aie été un espion ou un vrai transfuge, il a été questionné par les Américains et peut avoir une certaine idée de leur niveau de connaissances. De fait, sa libération est illogique.

Mais bien que le geste soit illogique, Washington a laissé partir l’homme qui en savait trop, il y a désormais une nouvelle hypothèse : un échange contre les trois otages américains arrêtés en juillet 2009 dans le Kurdistan iranien.

Cette nouvelle hypothèse n’annule pas les deux autres hypothèses car il pourrait s’agir de l’expulsion d’un transfuge ou encore d’un enlèvement pour avoir une monnaie d’échange. Cette seconde sous-hypothèse est à écarter car les trois Américains ont été arrêtés après la disparition d’Amiri. Ce fait chronologique inverse le raisonnement : c’est Téhéran qui aurait pris les trois otages pour récupérer Amiri.

Nous sommes dans un cas similaire à celui de Clotilde Reiss qui avait été arrêtée en juin 2009 pour libérer Madjid Kakavand, un acheteur du programme nucléaire iranien arrêté en mars de la même année à Roissy sur une demande américaine. Pour obtenir sa libération, Paris avait laissé partir Kakavand. Téhéran avait alors organisé une mise en scène judiciaire pour libérer Clotilde Reiss. On pourrait avoir droit au même scénario pour les trois Américains dans les prochains jours.


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Pour en savoir + :
- Iran : Clotilde Reiss, otage de 3 affaires
- (19 MAI 2010)

Pour en savoir + sur l’inutilité d’Amiri :
- Iran : Le rapport Amano bouleverse les données
- (20 février 2010)

| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (selon les mollahs) |
| Mots Clefs | Terrorismes : Prise d’otages |

| Mots Clefs | Nucléaire 2 : Expertises politiques, militaires ou nucléaires |