Accueil > Articles > Iran : Jahanchahi arrive… au secours !



Iran : Jahanchahi arrive… au secours !
15.06.2010

Il y a trois jours, Bernard Henri Lévy avait réuni à Paris un certain nombre de personnages qui se disent opposants iraniens. Parmi eux, il y avait un certain Jahanchahi qui revendique désormais la direction de toute l’opposition. Il a accordé un entretien à Renaud Girard du Figaro. Ce texte a amusé un certain nombre de lecteurs iraniens car ce personnage est en fait un parfait inconnu. Moins amusant, dans cet entretien, Jahanchahi a abordé un thème qui fait débat depuis quelques semaines : la formation d’un gouvernement en exil qui est la porte ouverte à la signature par des parfaits inconnus des contrats engageant l’Iran pour des décennies. Voici donc l’interview accompagnée de nos annotations.



Renaud Girard : Amir Jahanchahi, homme d’affaires exilé en Europe, opposant iranien de longue date, explique au Figaro comment il entend organiser, avec le peuple, le renversement du régime actuel.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
note n°1 | Comme nous le disions plus haut, Amir-Hossein Jahanchahi est un parfait inconnu dans les milieux de l’opposition en exil au point que certains ont pensé qu’il était un membre de la milice des Pasdaran, proche de Rahim-Mashaï le beau-frère et homme de confiance d’Ahmadinejad connu pour des propos conciliants vis-à-vis d’Israël. Il n’en est rien car nous connaissons Amir-Hossein Jahanchahi. Deux collaborateurs de ce site ont été dans le même lycée que lui à Téhéran. Il n’a par ailleurs aucun lien avec le clergé ou les Pasdaran puisqu’il est le fils d’un ancien ministre iranien du commerce, non de l’économie comme il veut bien le dire, un honnête homme qui s’est éteint à Paris en exil dans un certain dénuement (sans être pauvre ou à la rue). C’est le propos de cette note : M. Jahanchahi père n’avait pas de fortune alors que son fils est aujourd’hui richissime. Il y a d’importantes rumeurs sur l’origine de cette fortune ou de la mise initiale qui a permis de bâtir cette fortune. Nous n’allons pas faire état de ces rumeurs, mais en tant que chef d’opposition, comme tout homme politique, M. Jahanchahi a le devoir moral d’expliquer avec des documents et des preuves l’origine de sa fortune. Il serait également souhaitable qu’il précise comment il a constitué son patrimoine, une certaine clarté dans les comptes étant nécessaire si l’on souhaite entrer en politique.

note n°2 | M. Jahanchahi affirme qu’il est un opposant de longue date. Or, de mémoire de lycéens, pendant la révolution islamique, il a été un grand partisan de la révolution islamique, très impliqué pour une fermeture révolutionnaire du lycée. Puis à Paris, au début des années 80, il est devenu monarchiste avant de commencer sa carrière d’homme d’affaires. Il est réapparu en 2002 au début des accusations américaines contre les mollahs pour appeler les Européens à aider les Iraniens à renverser le régime, mais trois ans plus tard dans un entretien en persan accordé à la chaîne Voice of America il se disait un partisan des réformes de la république islamique. Plus récemment, il a même écrit un texte dans le Figaro pour inviter le président Sarkozy à dialoguer avec le régime des mollahs, ce qui n’est pas le propos d’un opposant politique.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
Vous avez quitté votre vie confortable d’homme d’affaires reconnu en Europe pour vous lancer dans un combat politique à haut risque. Pourquoi ?

Amir Jahanchahi. Il y a des moments, dans la vie de chaque individu, où les circonstances doivent guider notre chemin. Ahmadinejad ne représente pas seulement la négation de toute liberté pour mon peuple ; il emmène aussi mon pays vers une guerre régionale aux conséquences planétaires. Nous sommes à un de ces moments de l’Histoire où l’individu doit oublier son confort personnel et se concentrer sur son devoir. J’ai annoncé, le 19 mars, que j’assumerais ma responsabilité de mener le peuple iranien à la liberté. Je n’abandonnerai ce combat que le jour de notre victoire contre le totalitarisme islamique.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
note n°3 | M. Jahanchahi se compare à De Gaulle. Il a un discours que l’on attend d’un ancien Premier ministre, d’un général en exil ou du prince Reza Pahlavi… De la part d’un homme sans passé qui n’a même pas fait son service militaire, ce discours est inapproprié. C’est pourquoi les gens font la queue pour obtenir une audience du prince Reza Pahlavi alors que le discours de Jahanchahi n’a suscité aucun engouement parmi les opposants en exil ou mieux encore parmi les Iraniens exilés qui attendent un homme providentiel. Nous le mettons au défi de réunir les exilés de Paris !

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
Vous avez dit qu’il était grand temps, pour les Iraniens, de renverser la dictature en place par la force. Comment comptez-vous vous y prendre ?

Certains Iraniens ont prôné dans le passé une stratégie de désobéissance civile contre le régime qui oppresse mon pays. À tous ces gens-là, je réponds en deux temps : premièrement, nous n’avons pas chez nous de Gandhi ; deuxièmement, la dictature d’Ahmadinejad n’a rien des faiblesses de l’Empire britannique de l’époque. De quel droit pourrais-je demander aux Iraniens, qui subissent tous les jours les arrestations et les exécutions arbitraires, les viols dans les prisons, les meurtres perpétrés dans la rue, de ne pas réagir, de se borner à attendre que le régime tombe comme un fruit mûr ? Le devoir d’un responsable politique est de dire la vérité à son peuple. Cette révolution, en marche depuis le 12 juin 2009, ne sera pas une « révolution de velours ». Le chemin à parcourir sera long ; il nécessitera des sacrifices majeurs. Mais nous aurons la victoire car nous gagnerons l’établissement de nos droits - soit un État de droit - par la force. C’est quoi la force ? Dans notre combat pour la liberté, nous répondrons au régime avec les mêmes moyens qu’il aura utilisés contre nous.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
note n°4 | Si un Iranien du pays entendait cela, il lui demanderait de quel droit un homme qui vit dans des conditions optimales se permet de l’encourager à aller s’exposer à sa place. Mais il n’y a pas que la considération pour la vie des Iraniens. Le régime n’attend que cela car la violence n’incitera aucun milicien à rejoindre le peuple. L’été dernier, les jeunes miliciens ont refusé de se battre car le soulèvement était pacifique.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
Pensez-vous qu’un retournement du corps des pasdarans en votre faveur est possible ?

Depuis mon appel du 19 mars, nous avons été contactés par des personnalités à la périphérie du régime et à l’intérieur du régime, au plus haut niveau. Très nombreux sont ceux qui pensent, comme moi, qu’Ahmadinejad mène le pays à la catastrophe. Je veux parler de la guerre, dans une échéance de moins de dix-huit mois. Les dignitaires du régime se divisent aujourd’hui en deux catégories : ceux qui suivent le jusqu’au-boutisme d’Ahmadinejad et qui contrôlent, de fait, le corps des gardiens de la Révolution ; et ceux, majoritaires, qui sont mûrs pour, le moment venu, basculer dans le camp du peuple iranien, quand nous nous serons imposés comme la force d’alternance crédible et légitime.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
note n°5 | Nous avons abordé le sujet à plusieurs reprises : d’un point de vue constitutionnel, en tant que président, Ahmadinejad n’a aucun pouvoir ! Par ailleurs, il n’est pas un haut gradé des Pasdaran. Son influence est presque nulle. En Iran, chacun sait que le pouvoir politique est exercé par le Conseil du Discernement, organe plénipotentiaire qui décide de l’ensemble des politiques iraniennes dans tous les domaines et peut même légiférer en dehors de la Constitution. Ceux qui parlent du danger d’Ahmadinejad tentent de duper leurs interlocuteurs occidentaux pour protéger les 23 membres à vie du Conseil du Discernement qui sont les véritables décideurs du régime : Rafsandjani, Moussavi, Karroubi, Rezaï… Cette approche n’est pas surprenante car Jahanchahi veut une nouvelle république qui intégrerait ces vrais dirigeants qui se revendiquent comme « modérés » !

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
Comment s’organisera le renversement du régime ?

Nous sommes en train de structurer le mécontentement populaire en cellules de résistance clandestines. Rien ne sert de demander aux trois millions de personnes qui ont protesté il y a un an contre le coup d’État d’Ahmadinejad de ressortir dans la rue. Ce noyau reviendra à l’avant-scène lorsque nous aurons réuni les conditions adéquates pour déclencher de vastes mouvements de grève, lesquels nécessiteront une préparation minutieuse et des moyens financiers considérables.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
note n°5 | La Cellule Clandestine de Résistance est une véritable tarte à la crème des opposants qui n’ont pas de partisans. Jahanchahi ne veut pas de trois millions de personnes dans les rues car il ne peut pas les réunir.

Par ailleurs, il y a eu une seule journée avec 3 millions de manifestants et ce jour, les manifestants ont manifesté contre le régime et non contre Ahmadinejad puisque l’un des slogans était « mort à la république islamique ».

Jahanchahi tente inlassablement de focaliser les attentions sur Ahmadinejad dans le sens de son besoin d’une nouvelle république avec les vrais dirigeants du régime qui se présentent comme des modérés.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
Et pour après, quel est votre plan ?

Je présenterai prochainement la structure qui sera chargée de la nomination et du contrôle du futur gouvernement provisoire, après la chute du régime. J’annoncerai aussi la feuille de route de ce gouvernement, avec les réformes qu’il devra mener et la rédaction d’une nouvelle Constitution. Les cinq principales réformes seront : la nouvelle politique régionale et étrangère de l’Iran ; la transformation de l’appareil d’État incluant la fusion de l’armée avec le corps des gardiens de la Révolution ; la constitution d’un véritable appareil judiciaire ; la réforme des structures économiques de production et d’échange ; la réforme des droits des régions et des minorités ethniques et religieuses.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
note n°7 | C’est là le principal point qui nous pose un problème d’éthique. La création d’un gouvernement en exil permet à tout ambitieux désireux de parvenir au pouvoir de vendre à bas prix des concessions longues durées d’exploitation des richesses naturelles iraniennes (pétrole, gaz, cuivre, pierres précieuses…) à des puissances étrangères en échange de leur soutien à son action. Le pays serait théoriquement libre, mais effectivement soumis aux multinationales. La souveraineté nationale serait définitivement compromise.

Ce projet de gouvernement en exil n’est pas anodin. Cela vient du fait que Reza Pahlavi refuse depuis toujours de créer un gouvernement en exil dont les ministres seront de facto exposés à la tentation de céder aux demandes des puissances étrangères ou des multinationales. La solution à ce refus a été trouvée : on nous propose un homme d’affaires prêt à donner satisfaction à ces entités.

Mais ce n’est pas tout, la suite de l’entretien montre que cet opposant propose d’autres choix douteux comme le fédéralisme qui est une étape vers le démantèlement de l’Iran.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
Votre nouvelle Constitution séparera-t-elle le politique du religieux ?

Le premier article de notre nouvelle Constitution instituera la séparation de la politique et de la religion. Mais, avant l’entrée en vigueur de ce texte, qui interviendra à la fin du mandat du gouvernement provisoire et après référendum, cette séparation existera dans tous les actes du gouvernement de transition.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
note n°8 | Cela a l’air clair, mais Jahanchahi n’a pas fait mention de la laïcité. La séparation de la politique et de la religion n’est pas synonyme de la laïcité. La religion peut continuer à garder son influence à l’exemple de la constitution irakienne. Le fait est aggravé par l’intégration des dirigeants actuels (mollahs et Pasdaran) dans sa nouvelle république et surtout par l’intégration des 450,000 Pasdarans dans l’armée iranienne qui est deux fois plus petite. On aura ainsi une simili laïcité aux mains des mollahs et leur milice islamiste.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
Quelle nouvelle politique étrangère comptez-vous mettre en place ?

L’Iran est au centre d’une région - qui va du Pakistan à Israël - où la moitié de la population vit plus ou moins dans un état de guerre. C’est la seule région au monde dans cet état. L’Iran, avec ses treize différentes frontières, terrestres et maritimes, sera à l’origine de la guerre ou de la paix dans la région. La clé de tous les problèmes de la région se trouve dans mon pays. Le premier acte international du gouvernement provisoire sera la reconnaissance de l’État d’Israël. En même temps, nous nous engagerons à l’établissement d’un État palestinien viable, à côté d’un État israélien à la sécurité garantie. Nous réglerons le conflit israélo-palestinien. Dans le cadre de notre politique régionale de paix, nous couperons dès le premier jour les vivres aux talibans, à al-Qaida, au Hamas. Quant au Hezbollah, nous lui dirons, ou bien vous renoncez à votre milice et vous vous cantonnez à votre rôle de parti politique libanais, ou bien nous vous classons dans la même catégorie que les mouvements terroristes précités.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
note n°9 | Le premier acte international du gouvernement provisoire sera la reconnaissance de l’État d’Israël. C’est une annonce forte et positive qui occulte des promesses irréalistes. L’Iran peut cesser les livraisons d’armes aux Talibans et le financement du Hamas, mais ne peut pas régler le conflit israélo-palestinien. Par ailleurs, Jahanchahi propose de cesser le financement du Hamas, mais pas celui du Hezbollah ! Il lui demandera de renoncer à sa milice. Il proposera sans doute de l’intégrer dans l’armée libanaise ! Mais de quel droit ?

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
Que ferez-vous du programme nucléaire militaire iranien ?

La bombe atomique d’Ahmadinejad représente un danger réel pour nos voisins arabes, pour l’existence de l’État d’Israël et pour la stabilité de la planète. Il n’est pas question de permettre à Ahmadinejad d’accéder à l’arme nucléaire. Après l’avènement de l’Iran démocratique, notre gouvernement fera tout pour empêcher la prolifération nucléaire dans la région.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
note n°10 | Encore une fois, Jahanchahi focalise sur Ahmadinejad et au final, il ne répond pas à la question. C’est une réponse floue car il doit intégrer dans sa république des personnes comme Rafsandjani qui ont lancé ce programme.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
En politique intérieure, comment ferez-vous pour éviter l’éclatement d’un pays qui n’est constitué qu’à 51 % de Perses ?

Je n’accepterai jamais qu’on y raisonne en termes d’ethnies. Nous sommes tous des Iraniens. L’axe de développement qu’a privilégié le régime est un axe nord-sud entre Téhéran et le pétrole. Des pans entiers de notre territoire ont été laissés à l’abandon et leurs populations y vivent dans des conditions inacceptables. Le rétablissement des droits bafoués des régions et des minorités est une ardente nécessité dans un Iran moderne et démocratique.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
note n°11 | La question est à la base fausse. Le mot « Perse » est d’origine grecque. Le nom de ce pays (qui est le plus ancien Etat au monde) est depuis toujours l’Iran. Les Grecs désignaient le pays par une région dans une logique d’humiliation. Les Occidentaux ont adopté cette appellation sans pour autant partager cette vision ou la connaître. En revanche depuis très longtemps, les Britanniques et les Américains, espèrent briser l’unité iranienne. Au XIXe siècle, les Britanniques finançaient les chefs de clans locaux pour contester la souveraineté de l’Etat central, aujourd’hui, les Etats-Unis financent des groupes armés et prônent le fédéralisme. Pour faire passer la pilule, les partisans iraniens du fédéralisme évoquent le cas des Etats-Unis. Mais ce pays a eu recours au fédéralisme pour relier des Etats. L’Iran déjà uni. Le fédéralisme est une manière de réduire définitivement le pouvoir de l’Etat central, c’est le début du démantèlement. Le sujet est très mal vu en Iran surtout dans les régions soi-disant séparatistes, c’est pourquoi les pions comme Jahanchahi se disent attachés à l’intégrité territoriale tout en parlant des droits des minorités.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
Quel rôle comptez-vous jouer en Iran, après la chute du régime appelée de vos vœux ?

Ma seule ambition est de mener mon peuple à la victoire contre la tyrannie actuelle, de l’amener aux portes de la liberté. Quant à mon rôle futur, je ne participerai pas au gouvernement provisoire, et je ne serai candidat ni à la présidence de la République, ni à aucun autre poste électif.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
note n°12 | On peut en conclure qu’il reprendra ses activités d’hommes d’affaires. Au secours.


© WWW.IRAN-RESIST.ORG
article complémentaire :
- Iran : La Vague Verte qui vient du Londonistan
- (22 MARS 2010)

Pour en savoir + :
- Iran : La "Révolution Verte", deuxième prise !
- (5 juin 2010)

| Mots Clefs | Resistance : FAUSSE(s) OPPOSITION(s) |

| Mots Clefs | Enjeux : Changement de régime |

| Mots Clefs | Réformateurs & faux dissidents : Le Mouvement Vert |
| Mots Clefs | Mollahs & co : Mir-Hossein Moussavi |