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Iran : La peur fondée d’un embargo sur l’essence
08.09.2009

L’Iran qui est un des plus importants producteurs de pétrole au monde est loin d’avoir la capacité de produire les volumes nécessaires pour sa consommation d’essence. De fait, l’embargo sur l’essence est vu depuis toujours comme l’ultime moyen de faire pression sur son régime. En réponse à une menace de sanctions américaines à l’encontre de ses fournisseurs occidentaux, Téhéran a annoncé un contrat d’approvisionnement par le Venezuela.



L’économie est le point faible du régime des mollahs. A leur arrivée au pouvoir, les mollahs ont pris possession d’importantes richesses sans avoir les connaissances pour les développer : d’une part des usines confisquées à leurs créateurs industriels et d’autres part les plus grandes raffineries du monde qui ambitionnaient de ne plus vendre du pétrole brut mais des dérivés pétrochimiques. Les usines ont été démantelées pour récupérer leur terrain à des fins de spéculation foncière ou immobilière et la gigantesque compagnie nationale du pétrole a été divisée en plus de 70 compagnies pour être distribuée aux différentes familles qui composaient le régime. Chacun s’est mis alors à vendre du pétrole selon son appétit, n’hésitant pas à vendre au rabais contre des dessous-de-table très élevés. Cette décision a permis aux mollahs-pétroliers de s’enrichir personnellement, mais la procédure a ruiné l’économie iranienne. En l’absence de revenus, le régime s’est lancé dans une production sans fin de billets distribués sous forme d’allocations ou de primes mensuelles pour donner une fausse impression de pouvoir d’achat. Parallèlement, le démembrement de la production pétrolière a privé la compagnie nationale du pétrole d’une politique globale de redistribution des bénéfices pour réinvestir dans le renouvellement des outils d’exploitation.

La production de l’essence et du gazole a été l’une des victimes de cette procédure car le non renouvellement des outils d’exploitation a détruit les raffineries iraniennes. Elles sont aujourd’hui incapables de produire leurs quotas initiaux dont parle le régime dans ses soi-disant statistiques. Cette déchéance dissimulée a pris de vitesse le régime et de fils en aiguilles, l’Iran qui exportait quotidiennement 635,000 barils l’essence (ou 104 millions de litres) avant la révolution est devenu un grand importateur d’essence, mais aussi de gazole dans un pays géré en mode quasi tribal.

Très gêné par les faits, le régime qui ne cesse de critiquer le passé, affirme qu’il importe seulement 20% de ses besoins, mais en recoupant les infos de la production quotidienne officielle de 44 millions de litres et la consommation quotidienne de 80 millions de litres, on arrive à une importation quotidienne de 36 millions de litres par jour soit 45% des besoins du pays. Mais étant donné que le chiffre officiel de la production est faux en raison de la détérioration non admise des raffineries, on peut supposer une plus grande dépendance de l’Iran à des carburants importés, ce qui signifie aussi une très grande vulnérabilité.

Une pénurie d’essence et de gazole serait même un cataclysme car l’électricité iranienne est principalement produite par des centrales thermiques qui fonctionnent avec du gazole. Il y a un an, l’Iran a connu d’importantes pannes d’électricité. Le régime avait d’abord évoqué une année de sécheresse alors que les barrages sont une source marginale d’énergie électrique en Iran. Un responsable du régime avait par la suite reconnu qu’il s’agissait en fait d’un problème d’approvisionnement en gazole.

Ces pannes avaient contribué à des faillites en chaîne dans les PME, elles avaient aussi touché des équipements comme les hôpitaux publics. Un embargo planifié toucherait donc de plein fouet toute la société iranienne provoquant un risque d’embrasement social fatal au régime. C’est pourquoi l’embargo sur l’essence est le cauchemar du régime des mollahs.

Sanctions / ripostes | Ce sont là des faits que connaissent les Américains. Cela fait des années que l’on parle d’un embargo sur l’essence, mais il n’a jamais été adopté car l’objectif de Washington n’a jamais été de renverser les mollahs qu’il juge utiles pour ses projets régionaux, mais de les affaiblir. Cette politique d’affaiblissement graduel n’a pas produit l’effet escompté de soumettre le régime, c’est pourquoi les Américains ont adopté une loi stipulant des sanctions à l’encontre des compagnies qui fourniraient de l’essence à l’Iran. En première ligne de ces fournisseurs se trouvent des compagnies issues de 3 Etats qui sont des alliés des Etats-Unis : la Grande-Bretagne, l’Inde et la Turquie. Comme pour toutes les sanctions américaines, le contrevenant est menacé d’être expulsé du marché américain, voir de la rétribution des marchés dans le domaine de l’influence des Etats-Unis comme l’Irak. Vu les capitaux en jeu, Téhéran a tablé sur des ruptures de contrats par ses actuels fournisseurs pour s’adresser au Venezuela qui est l’un de ses alliés, mais aussi un Etat en conflit avec les Etats-Unis et qui de ce fait n’est pas tenu de lui obéir.

Les termes du contrat ont été annoncés par Hugo Chavez au cours de sa visite en Iran : « le Venezuela exportera 20,000 barils d’essence par jour vers l’Iran à partir d’octobre pour un montant de 800 millions de dollars ». Le prix du baril d’essence étant d’environ 50 dollars, la durée du contrat serait de 2 ans.

Ce contrat avec le Venezuela est loin de résoudre les problèmes du régime, non pas en raison de sa durée, mais en raison du volume quotidien de 20,000 barils. Ceci correspond à 3,3 millions de litres par jour soit moins 10% de la quantité minimale actuellement importée par l’Iran. C’est beaucoup trop peu pour résister à l’embargo qui s’annonce. Le régime a peu d’alliés pétroliers capables de relever le défi pour combler le manque. Téhéran aurait mieux fait d’être discret sur ses options. Il a seulement démontré l’absence de solution, mais aussi un manque de revenu pour s’offrir plus d’essence.

D’autres initiatives annoncées dans la presse font état d’inquiétudes non exprimées : le régime a annoncé une possible baisse des ratios d’essence réservés aux particuliers, il a aussi lancé en trois jours d’intervalles deux modèles de voiturettes électriques…

La solution n’est pas là car en cas de pénurie, ses centrales électriques seront aussi touchées. Pour s’en sortir, le régime devra accepter des négociations. Il n’a pas d’autre choix [1].

Sur un fond d’importation d’essence pour augmenter un peu ses faibles réserves qui sont actuellement d’environ 70 jours, nous verrons bientôt un infléchissement dans le discours d’Ahmadinejad. Le régime reculera alors pour faire desserrer l’étau avant de remettre en cause l’engagement de son président avec le scénario de la contestation de la légitimité de ce dernier par ses adversaires réformateurs. Pour donner une crédibilité à ce scénario, Téhéran devra autoriser les manifestations comme en juin 2009. Ce serait une occasion unique pour le peuple iranien de reprendre la rue pour bousculer le régime.

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| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions Ciblées en cours d’application |
| Mots Clefs | Enjeux : Pétrole & Gaz |

| Mots Clefs | Instituions : Politique Economique des mollahs |

[1Avec l’embargo, le régime qui a mal géré économiquement le pays risque un embrasement, pour l’éviter, il devra prendre des risques qui peuvent provoquer aussi un embrasement.