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Iran : Crise de confiance entre le régime et le Bazar
09.10.2008

Nous évoquons souvent dans nos articles des liens privilégiés entre les mollahs et le Bazar. Ces liens remontent à plus de 150 ans : par le passé, c’est le Bazar qui finançait les mollahs, et aujourd’hui, le Bazar dépend du bon vouloir du clergé au pouvoir : lien privilégié n’est plus synonyme de ciel sans nuage. Ça chauffe sur le marché de l’or et dans les souks d’Ispahan.



Depuis une semaine, les revendeurs d’or sont en colère et enchaînent les journées entières de grève dans plusieurs villes du pays notamment à Ispahan, Téhéran, et depuis deux jours à Tabriz. Le motif de cette colère est l’adoption d’une loi qui entend prélever 3% de taxes sous forme de TVA dans chaque transaction d’or, 43% de la marge des 7% sur laquelle se rémunèrent les commerçants de ce secteur.

Étant donné qu’ils paient déjà 30% d’impôt sur le revenu sur leurs marges, dans le cadre de la nouvelle loi, ils se verront ponctionner au total 62% de leurs bénéfices. Les marchands d’or estiment que cette nouvelle taxe risquerait de les conduire à la faillite, d’autant plus que le marché de l’or est en état de stagnation, la plupart des spéculateurs du Bazar préférant des marchés des produits alimentaires pour surfer sur la vague de l’inflation et des pénuries.

Ces marchants d’or ne sont pas des enfants de cœur [1], et ont toujours bien profité du système. Ils connaissent le mode de fonctionnement du système mollah : leur diagnostic est fondé et c’est d’ailleurs ce qui explique leur langage prudent : les mollahs affairistes et leur progéniture vorace espèrent couler un certain nombre de commerçants d’or pour récupérer leurs commerces. C’est ce qui explique l’incroyable unité dont font preuve ces commerçants en arrêtant de travailler plusieurs jours au risque de perdre des clients.

Parallèlement, d’autres petits détaillants du Bazar d’Ispahan ont aussi arrêté de travailler. Il s’agit de commerçants qui ont des petites niches d’une profondeur de 50 cm qualifiées de boutiques : la ville leur interdit désormais d’avoir des vitrines de 30 cm d’épaisseur à l’extérieur de leur niche. Pour eux, cela équivaut à la faillite. Si la ville leur mène la vie dure, c’est bien parce que le bazar d’Ispahan qui donne sur la grande place historique de la ville, est un emplacement classé « patrimoine mondial de l’humanité », site qui attise la convoitise des gros bonnets du régime, mollahs et pasdaran, très impliqués dans la promotion immobilière.

Ils espèrent récupérer ce bazar idéal pour un centre commercial. Les petits détaillants (dont les miliciens brisent les vitrines à coup de matraque) ne sont pas les premiers à être poussés à la faillite ; l’année dernière la ville a fait fuir un grand nombre des commerçants en leur imposant une très forte hausse de loyers. Afin de diluer l’intérêt particulier porté à Ispahan, cette mesure aberrante a été déguisée en une loi nationale ce qui a provoqué une panique générale chez d’autres petits commerçants dans d’autres villes, ils ont aussi manifesté en grand nombre.

Ceci n’est pas une conséquence des sanctions, mais le résultat de l’hypertrophie de la caste au pouvoir : la fratrie (des mollahs et des Pasdaran) dépouille les plus petits. En touchant aux liens privilégiés avec les souches traditionnelles du Bazar, les mollahs rompent avec une tradition qui avait permis au clergé de sortir de l’ombre. C’est une petite révolution qui pourrait nuire gravement au régime.

C’est une prise de risque irresponsable dans le contexte actuel. Ces commerçants dépouillés, chassés du paradis du Bazar, se retrouvent donc plongés dans le même bain que les autres Iraniens, fonctionnaires ou ouvriers, à vivoter dans une économie étouffée par manque d’investissements étrangers en raison des sanctions. Le régime est pris sous deux pressions, les sanctions (dues à ses mauvais choix) et l’appétit incontrôlable de son personnel.

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<HTML>Pour en savoir + :
- Iran : Une hyperinflation de la caste des gouvernants
- (13 JANVIER 2008)

<HTML>Pour en savoir + :
- Iran : Le régime ne peut tenir ses promesses financières
- (7 OCTOBRE 2008)

| Mots Clefs | Instituions : Politique Economique des mollahs |

| Mots Clefs | Résistance : Grèves |

| Mots Clefs | Fléaux : Pauvreté (et Disparité) |

[1Les bazaris importent de l’or chinois à 14 carats qu’ils vendent aux prix de l’or 18 carats à l’iranien moyen qui ne fait plus confiance à la BCI et espère limiter la casse en investissant dans l’or !
lire : Iran-économie : Le choix destructeur du Dollar Stable |