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Iran – Turquie : Une convergence trompeuse
04.08.2008

En juin 2002, l’ancien président turc, le laïque Ahmet Necdet Sezer s’était rendu en Iran et avait promis d’y inviter le soi-disant modéré Khatami, mais il s’était abstenu jusqu’à la fin de son mandat en 2007. L’actuel président turc, l’islamiste Abdullah Gül a mis fin à l’attente des mollahs en invitant Ahmadinejad pour une visite officielle qui devrait avoir lieu en août. Ce voyage aux multiples enjeux pour les deux pays a failli être compromis à cause du mauvais caractère de l’invité d’honneur !



En fait, Ahmadinejad refuse d’aller s’incliner sur le tombeau d’Atatürk ! Les turcs ont d’abord essayé de raisonner le régime des mollahs, mais il s’est montré aussi inflexible qu’à propos de son programme nucléaire. La presse turque a crié au sacrilège, mais finalement le parti islamiste au pouvoir a trouvé une solution miracle : ce voyage n’aura aucun caractère officiel, il s’agira d’une visite de travail. Ainsi Ahmadinejad n’ira pas à Ankara, capitale de la Turquie où repose Atatürk, mais à Istanbul. La raison de cette souplesse des turcs tient en 1 seul mot : convergence.

Qu’il s’agisse de l’Europe, des Etats-Unis, de la Chine ou de la Russie, l’Iran garde ses caractéristiques invariables en termes de richesses et d’intérêts géopolitiques. L’Iran est et restera la clef d’accès aux gigantesques réserves pétrolières en Iran comme en Asie Centrale. Ces données inamovibles font du territoire turc, un indispensable trait d’union entre ces réserves et le continent européen.

Les turcs entendent exploiter ces données pour accélérer leur adhésion à l’Union européenne, afin d’utiliser la charte européenne des droits de l’homme pour neutraliser l’armée turque et les lois laïques qu’elle protège. De son côté Téhéran cherche désespérément à devenir le principal fournisseur de gaz en Europe afin d’utiliser l’UE pour contrer les futures pressions américaines.

Il y a donc une convergence entre les intérêts turcs et iraniens. Cette convergence est nouvelle et dictée par les objectifs égoïstes et non un projet commun. Il y a encore peu de temps, Téhéran organisait des coups xénophobes en Turquie pour ruiner son adhésion à l’UE afin que l’Iran reste la seule voie d’accès à l’Asie Centrale et la Turquie cherchait à déstabiliser l’Azerbaïdjan avec l’appui des Etats-Unis. La convergence est nouvelle, mais souffre de l’absence de projet commun de partenariat. C’est dans le domaine des relations commerciales entre les deux pays que cette absence de projet commun est la plus visible.

Ces relations se sont développées depuis que les gros investisseurs européens boycottent les mollahs. Cela aurait pu déboucher sur des projets inouïs : Téhéran avait besoin de vendre du gaz et Ankara d’en acheter pour atteindre une certaine autonomie énergétique. Malgré une convergence évidente des intérêts pour créer une structure commune pour aller dans le sens du projet de fourniture de gaz à l’Europe via la Turquie, il n’y a pas eu de projet de partenariat, mais d’âpres discussions qui ont permis aux turcs d’acquérir en buy-back l’exclusivité des droits d’exploitation des blocs 22, 23, 24 du gisement Pars Sud.

Il faut également préciser que Téhéran n’a rien fait pour encourager un projet commun car son objectif n’est pas de s’allier la Turquie mais l’Europe. La Turquie n’est qu’un intermédiaire à ses yeux ou encore un petit investisseur en attendant mieux.

Cette absence de projet commun touche également le domaine nucléaire. En mars 2006, la Turquie a proposé aux mollahs d’envisager un projet de co-entreprise turco-iranienne d’enrichissement d’uranium basée en Turquie. Après avoir esquissé un accord, Téhéran a évidemment refusé car il ne souhaite pas mettre fin à une crise qu’il utilise pour obtenir des négociations directes avec les Etats-Unis. La seule tenue d’une négociation bilatérale avec les américains équivaudra à une reconnaissance du rôle régional de l’Iran. C’est donc le même schéma que pour le projet de fourniture de gaz en Europe : des arrière-pensées politiques empêchent l’élaboration d’un projet commun.

Cette absence de projet commun nuit également à la convergence de leurs intérêts sécuritaires pour combattre ensemble le péril du séparatisme kurde financé par les Etats-Unis et encouragé par l’Europe.

Malgré des données géopolitiques inamovibles et prometteuses qui font de ces deux Etats voisins des alliés en puissance, la convergence de leurs intérêts restera stérile.

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| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : Turquie |

| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (des mollahs) |