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Iran - Gaz : Raisons d’un effondrement et d’une prochaine reprise
19.01.2008

La rupture des livraisons de gaz naturel turkmène vers l’Iran a été une surprise pour le régime des mollahs. En effet, il n’y avait aucune raison valable à cette rupture et depuis le Turkménistan n’a cessé d’invoquer de nouvelles excuses pour écarter une éventuelle reprise. Nous avons consacré un article aux raisons géopolitiques de cette rupture liée à la Russie et son appétit de domination de marché gazier européen, mais l’affaire est intéressante pour autre raison : pris à partie par la population, dans une impréparation totale, les différents dirigeants ou ministres ont fait un certain nombre de déclarations contradictoires... Ces déclarations parfois surprenantes nous ont incités à enquêter sur les chiffres gaziers iraniens.



Durant les deux semaines de baisse du niveau de gaz en Iran, toutes les agences de presse dans le monde ont sans cesse affirmé que la consommation quotidienne de l’Iran était d’environ 460 millions de mètres cubes dont 5% (23 millions) étaient d’origine turkmène. Il ne faut également pas oublier que les premièress dépêches (de l’AFP) évoquaient le chiffre de 5 millions de mètres de gaz importés depuis le Turkménistan, sans nous expliquer comment une baisse d’1% des besoins nationaux pouvait provoquer des pannes dans 40% des foyers iraniens !

Visiblement, ces agences de presse ne vérifient pas les chiffres qui leur sont communiqués par l’IRNA, l’agence iranienne avec laquelle elles ont un accord officiel d’échanges de bases de données. Car si l’on en croit l’agence internationale d’énergie, la consommation annuelle de gaz en Iran serait de 87 milliards de mètres cubes soit une moyenne quotidienne de 238 millions de mètres cubes (la moitié du volume annoncé par les mollahs), de ce fait la dépendance vis-à-vis du Turkménistan serait donc de 10% et non de 5% (en se basant sur les mêmes suppositions). Mais cette dépendance est en fait plus grande.

Aujourd’hui, le ministre de l’intérieur du régime, le mollah Pour-Mohammadi (un gaffeur chronique), a fait une révélation surprenante dans le cadre d’un déplacement dans la province d’Azerbaïdjan, province gravement touchée par les coupures de gaz et des températures très basses (jusqu’à -31°).

En cherchant à exprimer les efforts déployés par le régime pour le bien être des iraniens, le ministre mollah a révélé que ces derniers temps, le Turkménistan livrait non pas 23 millions de mètres cubes de gaz à l’Iran mais quatre fois plus soit près de 90 millions de mètres cubes de gaz, c’est-à-dire non pas 5 ou 10% mais 38% (de la consommation quotidienne iranienne). C’est pourquoi la rupture de la livraison a fait vaciller le régime (et mis à l’arrêt ses industries lourdes -selon le même ministre-).

L’autre fait intéressant a été l’évocation d’un possible remplacement du gaz turkmène par du gaz de la république d’Azerbaïdjan. Ce pays a affirmé qu’il était désormais autosuffisant pour le gaz et mènerait actuellement des négociations visant à intensifier ses exportations vers l’Iran. Pour être exact, l’Azerbaïdjan n’exporte pas de gaz vers l’Iran, il prête un volume de 1,3 millions de tonnes de gaz à l’Iran qui en échange exporte le même volume vers l’enclave azérie de Nakhitchevan, frontalière d’Iran, qui est séparée de l’Azerbaïdjan par l’Arménie. De plus la soi-disant autosuffisance de l’Azerbaïdjan ne résulte pas d’une hausse de sa production, mais d’une baisse chronique de sa consommation (ci-dessous).

Après l’abandon de cette solution azérie peu réaliste, divers responsables iraniens ont tout simplement commencé à prétendre que le problème ne venait pas du Turkménistan mais d’un vrai déficit du système de distribution de gaz et qu’il faudrait sans doute que les iraniens renoncent à se chauffer par le gaz et qu’ils attendent la saison chaude. Il s’agit d’une annonce très réfléchie : elle prépare la désignation des bouc émissaires et elle permet de contourner l’annonce problématique d’une date de reprise.

En effet, les mollahs ne maîtrisent pas la situation car elle résulte d’un conflit d’intérêts avec la super-puissance russe qui veut dominer les pays de l’Asie Centrale et le Caucase. Puisque la reprise du flux ne dépend que de la Russie, les mollahs cherchent à éliminer la source du contentieux en espérant une reprise de la livraison des 92 millions de mètres cubes de gaz dont l’absence paralyse l’ensemble des industries lourdes iraniennes bien plus que les particuliers.

Confirmation d’une politique de bouc émissaire | En effet, le contentieux entre Téhéran et Moscou concerne la signature d’un accord entre l’Iran et une firme italienne, contrat qui pourrait réduire la part du Gazprom dans le marché gazier européen. Nous avions affirmé que les mollahs pourraient sacrifier un haut responsable de la compagnie nationale de pétrole ou de gaz pour profiter de son départ afin de remettre en cause sa gestion des contrats.

Au cours de son prêche de vendredi à l’université de Téhéran, Rafsandjani a fait une déclaration dans ce sens : il a relié l’effondrement de la distribution de gaz non pas à la rupture de livraison des 40% fournis par le Turkménistan mais aux « partenaires européens de l’Iran » sur les champs gaziers du Golfe Persique. Le rapprochement est d’autant plus illogique que ces compagnies étrangères produisent du gaz pour elles-mêmes et non pour l’Iran.

De son côté, en guise de signe de bienveillance, la Russie a promis d’accélérer les travaux d’achèvements de Bouchehr [1]. Il ne faut pas trop tabler sur une telle éventualité, mais on pourrait s’approcher de la fin de cette crise gazière avec le Turkménistan.

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Iran et Russie, des Alliés par Défaut :
- Coupure de Gaz en Iran : une guerre confidentielle (entre Téhéran et Moscou)
- (16 janvier 2008)

| Mots Clefs : Alliance IRAN-RUSSIE |

| Mots Clefs | Enjeux : Pétrole & Gaz |

| Mots Clefs | Nucléaire : Equipements & Centrales |

[1La Russie achèvera la livraison de combustible pour la centrale de Bouchehr en février en vue de sa mise en exploitation dès cet été, a déclaré le directeur général de Rosatom (holding public de l’énergie atomique) Sergueï Kirienko. (source Ria Novosti)