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Coupure de Gaz en Iran : une guerre confidentielle (entre Téhéran et Moscou)
16.01.2008

Récemment, les mollahs ont fait un premier pas pour devenir dans un futur proche (d’ici 2010), le principal fournisseur de gaz de l’Europe et ce aux dépens de la Russie. Aussitôt, le Turkménistan qui dépend à 100% de la Russie pour l’exportation de son pétrole ou de son gaz a interrompu la livraison du gaz destiné à l’Iran et ce malgré un accord signé en 1997 qui l’obligeait à fournir du gaz à l’Iran pendant 25 ans. Les mollahs ont finalement compris le rôle occulte de la Russie dans cette affaire atypique et sa demande implicite en faveur d’une remise en cause du nouveau contrat gazier avec la firme italienne Edison qui ferait de l’Iran l’un des principaux fournisseurs de l’Europe , contrat qui pourrait ruiner la Russie. Nous venons de franchir trois nouvelles étapes dans ce conflit très confidentiel entre ces deux alliés par défaut dont les intérêts à long terme divergent dans tous les domaines.



Etapes 2 et 3

Une alliance avec Téhéran n’est vitale pour la Russie que dans la mesure où les mollahs demeureront anti-américains et qu’ils aideront la Russie à rester la seule voie d’accès à l’Asie Centrale et ses réserves gazières convoitées par les occidentaux. Un Iran qui ne serait plus hostile aux Etats-Unis serait leur pire ennemi car il est également un sérieux concurrent en matière de gaz.

De ce fait, chaque fois que les mollahs prennent des initiatives pour rencontrer en aparté les américains, les russes s’affolent et réagissent en décidant des représailles ponctuelles.

Ainsi en novembre dernier, quand le régime des mollahs avait accepté l’idée d’une nouvelle rencontre avec des diplomates américains à Bagdad, Moscou avait réagi en évoquant « de graves déficits de coopération entre l’Iran et l’AIEA » qui justifieraient une nouvelle résolution. Dix jours après les remontrances russes, Téhéran a finalement renoncé à sa rencontre avec les américains en l’annulant à la dernière minute. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a alors changé diamétralement de position afin de rendre hommage aux progrès accomplis par l’Iran dans son travail avec l’AIEA !

Il y a plusieurs cas de ce genre de chantages ponctuels exercés par Moscou sur les mollahs et à chaque fois les mollahs ont cédé après avoir résisté une dizaine de jours. Le cas le plus intéressant a été le projet iranien d’organiser une audition d’Ahmadinejad devant tous les membres du Conseil de Sécurité. Dans ces conditions de transparence, la Russie aurait été privée de son rôle d’« agitateur » qui fausse le jeu clandestinement pour empêcher l’entente tant désirée par les mollahs avec les Etats-Unis. Les russes avaient alors arrêté leur coopération sur Bouchehr au prétexte d’un défaut de paiements et avaient obtenu gain de cause et soumis les mollahs qui avaient annulé l’audition sans avancer aucun prétexte.

Dans le cas présent, la situation est différente car il ne s’agit pas d’une initiative politique que l’on peut abandonner (sous la pression de cette coupure de gaz qui provoque des émeutes) mais d’un contrat avec un important partenaire commercial : l’Italie.

Pour une fois les mollahs ont donc décidé de riposter pour neutraliser la Russie : ils ont laissé entendre (via la commission de l’énergie de son Parlement) qu’ils pourraient éventuellement envisager de porter plainte contre le Turkménistan. La situation est favorable aux mollahs : le Turkménistan n’a aucune raison valable pour continuer la suspension des livraisons de gaz. Pour une fois les mollahs ont agi dans le respect du droit international et non en terroristes. La coupure punitive pouvait donc s’achever et priver Moscou de son nouveau moyen de pression sur Téhéran. La réponse à cette impertinence est tombée immédiatement : La Russie a fait savoir qu’elle serait prête à accepter des formules plus sévères dans la troisième résolution du Conseil de sécurité de l’ONU sur les sanctions contre l’Iran, qui doit être examiné en février 2008 à Berlin (source : le journal Nezavissimaïa Gazeta).

L’avertissement est à prendre au sérieux, car pour Téhéran, l’une des plus importantes utilités de son alliance avec la Russie est la capacité de Moscou à pouvoir bloquer toute nouvelle résolution. En échange, Moscou souhaite que les mollahs renoncent à leur projet d’alliance avec ses adversaires.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG

Etape 1

Avant d’en arriver à ces extrémités, Téhéran avait déjà fait un premier geste de profil bas en direction de Moscou à propos du statut de la Mer Caspienne. En effet, il y a trois semaines, Mottaki le ministre des affaires étrangères des mollahs avait fait une déclaration qui laissait entendre que l’Iran pourrait choisir un statut de mer pour la Caspienne, statut qui permettrait la pose d’un pipeline subaquatique entre l’Azerbaïdjan et le Kazakhstan et briserait le blocus imposé par la Russie à l’Asie Centrale.

Après trois semaines de silence, vers la fin de la semaine dernière, les médias du régime se sont déchaînés contre Mottaki qualifié d’ennemi de la patrie et ont tous en cœur demandé sa démission et le retour à l’exigence insensée selon laquelle l’Iran doit disposer de 50% des eaux et sols de la Caspienne.

Cette demande irréaliste est une des tactiques mises au point avec Moscou pour bloquer des négociations sur le statut. Etrangement, ces médias accusaient Mottaki de sympathie pro-russe alors que sa proposition était totalement anti-russe. Mais là nous sortons du domaine de l’analyse pour entrer dans le domaine de propagande politiquement correcte chère au régime des mollahs : Malgré ce dialecte anti-russe, le régime s’est aligné sur les attentes de Moscou et repris son rôle de bloqueur dans le processus pour trouver un statut pour la Caspienne. Au passage, il a trouvé le moyen d’égratigner Moscou qui lui crée des ennuis.

Après ce geste de profil bas sur le statut de la Caspienne, Téhéran s’attendait à une reprise des livraisons du gaz turkmène pour lundi. Ce geste n’a pas été jugé suffisant et en l’absence d’une remise en cause du projet iranien de coopération énergétique avec l’Europe, Moscou a contraint le Turkménistan à maintenir son blocus. La plainte des mollahs pourrait faire cesser le blocus mais cette plainte n’y changera rien puisqu’à présent Moscou parle d’un possible ralliement à une nouvelle résolution. La balle est dans le camp de Téhéran qui doit impérativement trouver une ruse pour se défaire de son engagement avec Edison [1].

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Iran et Russie, des Alliés par Défaut :
- L’Iran, enjeu d’une guerre froide entre la Russie et les Etats-Unis
- (21 DÉCEMBRE 2007)

| Mots Clefs : Alliance IRAN-RUSSIE |

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : Asie Centrale |

| Mots Clefs | Enjeux : Pétrole & Gaz |

| Mots Clefs | Enjeux : Alliances Régionales circonstancielles d’ordre stratégique |

[1Comment se défaire de ce contrat qui déplait à Moscou ? | Ce n’est vraiment pas difficile vu le tarif accordé à cette firme italienne. Il y a déjà une piste : trois ex-directeurs de la compagnie nationale de gaz ont été arrêtés et condamnés à 10 ans de prison, 8 millions de dollars d’amende et 74 coups de fouet pour avoir accepté des pots-de-vin en échange de mauvais contrats pour l’Iran ! Maintenant, il faut rester patient et observer ce qu’il se passera en Iran dans les prochains jours, quelqu’un va se faire lyncher, mais qui ? Telle est la question.