Au moment où le Pakistan avait contre l’avis de Washington concrétisé la version définitive d’un accord sur la construction d’un gazoduc qui doit relier l’Iran à l’Inde (via le Pakistan), nous avions attribué cette décision à une volonté délibérée de Musharraf d’ennuyer ses alliés américains qui cherchent à le chasser du pouvoir. Téhéran a servi d’exutoire pour enquiquiner Washington. Cependant comme nous l’avions précisé dans cet article, les relations entre les deux pays restent tendues car le régime des mollahs a des alliés dans la forte communauté chiite pakistanaise localisée dans la zone tribale entre le Pakistan et l’Afghanistan.

Le contexte est d’autant plus sensible que les américains insistent pour la tenue d’élections démocratiques dans des pays musulmans où les seules forces organisées sont des islamistes ou des fortes majorités chiites écartées du pouvoir par les sunnites. Ils ont ainsi contribué à faire accéder au pouvoir le Hamas (activistes sunnites alliés des mollahs) en Palestine et les arabes chiites et les kurdes sunnites (tous deux des alliés des mollahs) en Irak.

En Egypte, ils entretiennent des relations avec les frères musulmans (musulmans révolutionnaires idéologiquement liés à Khomeiny) et protestent contre les restrictions imposées à ce mouvement par Hosni Moubarak. En Syrie également, ils ont soutenu les frères musulmans. En Iran, ils évitent d’aller loin dans les sanctions afin de préserver la nature religieuse de la république iranienne.

Au Pakistan, ils soutiennent la tenue d’élections libres en parlant de la démocratie tout en négligeant avec insistance la possibilité que ces élections puissent déboucher sur une forte représentativité des islamistes chiites. Benazir Bhutto, issue d’une famille chiite, soutenait la tenue illico presto de ces élections et cherchait à saper avec l’aide des Etats-Unis l’autorité de Musharraf, contredisant ses décisions tout en connaissant le danger et les conséquences de la remise en cause de l’autorité du chef des armées dans le contexte actuel.

Aujourd’hui tuée par un attentat qui a fait d’elle un martyr, son fils de 19 ans (sanctifié par le martyr de sa mère) a les mêmes exigences (américaines) et les mêmes propos hostiles à la seule autorité représentant de l’ordre dans son pays.

En s’invitant aux obsèques de Benazir Bhutto les mollahs espéraient s’immiscer dans le jeu et par certains propos ou gestes faire sentir aux américains qu’il ne leur suffira pas d’avoir des pions comme Benazir Bhutto ou son fils, et qu’il faudra compter avec eux car c’est Téhéran qui détient la capacité de faire bouger les chiites pakistanais pour déstabiliser Musharraf.

Le Général Musharraf est dans une situation difficile, il doit ménager les mollahs car l’Iran est son voisin et il a besoin du gaz iranien et il doit ménager l’Amérique son allié, et les deux cherchent pourtant à le renverser.

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