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L’Iran, enjeu d’une guerre froide entre la Russie et les Etats-Unis
21.12.2007

Dans la crise nucléaire iranienne, le rôle joué par Moscou n’a pas toujours été lisible. Ce manque de lisibilité vient de la complexité de la situation et d’une lecture politique des événements au détriment d’une analyse géopolitique impartiale. D’un point de vue géopolitique impartial, Washington doit s’allier à Téhéran s’il veut briser la main mise russe sur le transit des hydrocarbures de l’Asie Centrale, de même les russes doivent nécessairement contraindre les mollahs à demeurer leurs alliés, s’ils veulent mettre en échec les américains. Contrairement aux analyses politisées des experts proches des chancelleries, Washington ne veut pas renverser les mollahs, mais les contraindre à entrer dans son jeu. Si on intègre ces deux données, le rôle joué par Moscou dans la crise nucléaire iranienne devient clair et limpide.



Une alliance avec les mollahs est l’enjeu commun aux russes et aux américains. Les deux sont à couteaux tirés et en guerre pour s’allier par tous les moyens à l’Iran et au régime très particulier qui le gouverne. Quand l’un bouge ses pions sur l’échiquier de cette crise l’autre doit riposter.

Récemment, Washington a publié un rapport pour affirmer que les mollahs n’avaient de programme nucléaire militaire contrairement à ce que pouvait suggérer le maintien de leur programme d’enrichissement. Immédiatement, la Russie, qui avait toujours refusé de délivrer du combustible nucléaire aux mollahs, l’a fait et ainsi mis Téhéran au pied du mur avec son intransigeance à continuer son programme d’enrichissement.

Comme nous l’avons dit, le maintien de ce programme est essentiel pour les mollahs. Il leur permet de provoquer des tensions avec les américains et de remettre en cause leur autorité régionale dans l’espoir que pour contrer cette perte de crédibilité, l’Amérique accepte un deal (sur le Hezbollah) ou se lance dans un projet guerrier unanimement condamné aussi bien par les alliés de l’Iran que par ses propres alliés. Sûr des effets d’un projet guerrier, Téhéran ne cesse de provoquer Washington, mais l’ennui est que désormais Moscou en fait également autant !

Moscou se régale et quand il y a une accalmie dans cette crise ou une possibilité de règlement, il contribue à relancer la crise pour créer une situation tendue où sa propre intervention devient justifiée.

Ainsi, le rapport américain devait déblayer le terrain pour faciliter une entente avec Téhéran, Moscou a livré le combustible et Téhéran s’est braqué. Normalement, Washington aurait dû réagir avec force, mais la nécessité d’une alliance avec Téhéran a fait reculer l’administration Bush qui n’a pas (trop) commenté la décision iranienne. Poutine a saisi l’occasion pour mettre en doute la sincérité des américains et dans un entretien au Time, il a même laissé entendre que cette publication pouvait masquer la préparation d’une opération armée contre l’Iran. Poutine se donne en spectacle dans le rôle du grand frère et bien sûr il a précisé que toute opération militaire contre l’Iran serait une grave erreur.

Il y a une volonté dissimulée (comme dans l’affaire de la livraison impromptue) et une volonté affichée de contrer les initiatives américaines vis-à-vis de l’Iran. Poutine « cherche » Bush. Il veut une déclaration de guerre qui soit entendue. Si les mollahs cherchent une reconnaissance de leur régime et de leur rôle régional, il en va autant pour Poutine et la place de la Russie sur l’échiquier mondial.

Déclaration de guerre en 3 phases | En deuxième phase du plan russe de provocation, il y a eu la livraison du combustible qui a remis en cause la fiabilité du rapport américain. En troisième phase, nous avons eu droit à l’avertissement de l’erreur que serait une attaque (quoi qu’il arrive) ! Et en phase une, il y avait les déclarations très explicites du chef d’Etat-major général des Forces armées russes Iouri Balouïevski.

« Si l’on supposait (côté américain) que l’Iran souhaiterait frapper les Etats-Unis, les missiles antimissiles lancés depuis la Pologne se dirigeront vers la Russie. La forme, la trajectoire et la direction du vol des missiles antimissiles est proche de celle des missiles balistiques intercontinentaux. C’est pourquoi une fausse alerte concernant le lancement d’un missile antimissile depuis le territoire polonais pourrait provoquer une riposte russe… ». Et le chef d’Etat-major général des Forces armées a précisé que la Russie disposait d’un système automatique de détection et de lancement de missiles fonctionnant presque sans intervention humaine. C’est pourquoi, la Russie ne serait pas « responsable du déclenchement automatique du système ».

Cependant, l’ABM n’a pas encore été déployé et le tsar Vladimir doit trouver une autre bonne excuse pour faire décoller « automatiquement » ses fusées, mais tout de même on sent que le cœur y est. Au-delà des provocations et des excuses cousues de fils blancs, en bons joueurs d’échec, les russes avancent leur pion pour piéger les américains.

Ces derniers ont compris le danger, restent attentifs et évitent d’envenimer le débat, au point qu’ils ont même proposé de livrer des centrales et du combustible américains aux mollahs. Mais cette proposition formulée par Zalmay Khalilzad ne change rien au piège tendu par les russes car Téhéran refusera l’offre ce qui affaiblira le contenu du rapport américain sur l’absence d’un programme nucléaire militaire en Iran. Et l’on se retrouvera devant les mêmes deux options : une entente statu quo avec les mollahs (maintien d’un Hezbollah armé et d’un axe Iran-Syrie allié de Moscou) ou le projet des frappes militaires ; et dans les deux cas, Moscou s’estime gagnant.

La crise nucléaire iranienne était l’une des deux crises de substitution dans le bras de fer qui oppose Téhéran à Washington. Le choix américain a été de briser les mollahs par une guerre d’usure de sanctions économiques. Ce bras de fer a duré et la crise a provoqué une flambée des prix de pétrole qui a aidé les russes à se reconstruire. Aujourd’hui la Russie plus forte que jamais s’invite dans cette crise pour la détourner et la transformer en un bras de fer entre Moscou et Washington, mais l’Amérique continue sans mesurer les conséquences de cette évolution pour son avenir. Pas étonnant que les américains rédigent des memoranda où ils rêvassent sur la disparition de l’homme fort de la Russie. Ils feraient mieux de revoir une diplomatie vieille de 30 ans qui les a conduits dans l’impasse actuelle.

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| Mots Clefs | Nucléaire : Crise & Escalade |

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| Mots Clefs | Enjeux : Garanties Régionales de Sécurité : le DEAL US |