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Iran : Décodage du message du Guide Suprême aux dirigeants du Monde
22.02.2007

Conseiller de Khamenei, Ministre des affaires étrangères pendant dix-sept ans, Ali Akbar Velayati, sous mandat d’arrêt international pour crime contre l’humanité, a accordé un interview à Marie-Claude Decamps du Monde. Dans cet entretien, Velayati parle comme le représentant d’un état doté d’une force de dissuasion qui dicterait son point de vue aux dirigeants Européens. Instructif.



Quel était le message du négociateur iranien, Ali Larijani, lors de sa rencontre, mardi 20 février, avec Mohamed ElBaradei, le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ?

Le message est que nous voulons poursuivre les négociations. Il n’y a aucun contentieux qui ne puisse être résolu par la discussion, mais on ne peut dicter de solution à l’avance.

Ce dossier nucléaire est encadré par deux lignes rouges à ne pas franchir : la première, c’est le droit fondamental de l’Iran à la technologie nucléaire civile dans le cadre du traité de non-prolifération (TNP) ; l’autre, c’est que l’Iran s’engage à donner des garanties que son programme n’aura aucune dérive militaire. Entre les deux, tout est envisageable à la table des négociations.

Même une suspension, provisoire, de l’enrichissement d’uranium ?

M. Larijani est ouvert à toutes les propositions, sans exclusion. Nous avons déjà essayé de suspendre l’enrichissement. On l’a fait pendant deux ans et demi, et ça n’a rien réglé.

Il y a aussi d’autres idées à prendre en compte, comme celle de créer un consortium international d’enrichissement d’uranium sur le sol iranien géré par les Européens et avec toutes les garanties de contrôle de l’AIEA. La France est tout à fait à même de former ce consortium. Après tout, nous avons un passé de coopération et de confiance avec la France qui voulait construire un réacteur nucléaire à usage civil à Darakhoin près d’Ahwaz, dans les années 1970. Nous-mêmes avons été et sommes encore actionnaires d’Eurodif. Tout cela rend plus facile une reprise des discussions sur ce projet avec la France, ce qui répondrait aux inquiétudes de certains pays. Le moment est propice.

Notes n°1 IRAN-RESIST | La crise actuelle est voulue non pas par l’Iran, mais par les Mollahs pour obtenir des Garanties Régionales de Sécurité .

La crise est voulue par le régime iranien actuel car il a la possibilité d’y mettre un terme en revenant aux accords d’Eurodif dans le cadre de sa signature du Traité de Non prolifération signé en 1970 par le Shah d’Iran.

En réalité, les mollahs n’ont pas signé ce traité, ils en ont hérité comme du contrat Eurodif. Le traité avait été signé par le Shah d’Iran dont l’un des désirs était de réduire le rôle du pétrole comme combustible, de le remplacer par l’énergie nucléaire afin de consacrer le pétrole aux produits dérivés pétrochimiques.

L’Iran avait été l’un des premiers à signer le TNP et il avait choisi en conformité avec l’esprit de ce traité de déléguer l’enrichissement à un consortium étranger. Ce consortium s’appelait Eurodif.

Afin d’assurer du combustible aussi bon marché que possible, le Shah avait consenti un prêt d’un milliard de dollars à la France pour la création d’Eurodif. En échange l’état iranien avait droit à 10% de la production de combustible nucléaire civil produit par les Français.

Les 10% de la production d’Eurodif, l’Iran y a droit gratuitement. De ce fait on est en mesure de se demander pourquoi le régime des mollahs aurait mené des activités nucléaires clandestines pendant 18 ans et il aurait consenti à faire des acquisitions d’ingrédients nucléaires de contrebande avec un coup prohibitif s’il avait le droit à du combustible nucléaire prépayé par le régime du Shah ?

Velayati est loin d’être convaincant. Ses déclarations ne s’inscrivent dans une démarche pour restaurer le droit de l’Iran à disposer de ce combustible qui lui revient de droit mais il cherche uniquement à flatter les Français afin de les inciter à cesser de poursuivre le processus engagé au Conseil de Sécurité.

Velayati veut casser le processus et empêcher l’adoption d’une nouvelle résolution ou l’application de la 1737 afin que cette rupture puisse remettre en cause tout le processus. L’objectif principal et définitif étant de gagner du temps pour un délai supplémentaire durant lequel les mollahs vont intensifier leur terrorisme en Irak. Tony Blair, conscient de cette intensification programmée de l’ingérence des mollahs en Irak, s’est retiré partiellement de ce pays.

Velayati vient à l’encontre de la France avec un message en apparence mielleux et pacifique mais aussi porteur des promesses de plus de terrorisme et une déstabilisation accrue du Moyen-Orient. Derrière son sourire, il nous dit : voici mon offre, à vous de choisir, capitulez ou périssez.

L’Iran s’exprime par plusieurs voix sur le dossier nucléaire et cela "brouille" le message, surtout lorsque certains hauts dirigeants lancent des slogans contre l’Occident ou Israël, dont ils prônent la "disparition". Qui décide sur le nucléaire en Iran ?

Qu’il y ait plusieurs tonalités dans le discours de nos dirigeants montre, disons, que nous sommes un pays ouvert à la pluralité, mais il ne faut pas s’arrêter à cela. Sachez que c’est M. Larijani qui est le négociateur en charge du dossier nucléaire et surtout, que le seul qui ait la haute main sur les décisions dans ce domaine, comme dans toutes les grandes décisions stratégiques, en accord avec la Constitution, c’est le Guide suprême, M. Khamenei. Quant à notre position officielle sur la Palestine, au-delà des "slogans", c’est à chaque Palestinien, juif, musulman, chrétien, de se prononcer sur son avenir par voie démocratique. Rien d’autre.

Nous sommes arrivés à la date butoir fixée par le Conseil de sécurité de l’ONU pour que l’Iran mette un terme à ses activités d’enrichissement. On parle d’une nouvelle résolution, peut-être de nouvelles sanctions. Si cela se produit, pour vous ce sera la fin des négociations ?

Je ne pense pas qu’une nouvelle résolution contribuera à régler le problème. Nous nous mettrons au diapason du degré de réalisme dont feront preuve les pays qui décident au sein du Conseil de sécurité. C’est presque une équation mathématique : si l’extrémisme prévaut là-bas, il prévaudra ici. Mais je constate que dans le groupe des 5 + 1, il y a quatre pays qui ont de bonnes relations avec nous : l’Allemagne, la Russie, la Chine et la France. Ne vont-ils rien faire pour tempérer les Etats-Unis ?

Notes n°2 IRAN-RESIST | Velayati laisse entendre que le régime des mollahs pourrait riposter : Représailles économiques ? Terrorisme ? Une autre guerre au Liban ? L’objectif est d’empêcher une nouvelle résolution et in fine de mettre un terme aux sanctions bancaires américaines qui handicapent lourdement les affaires des mollahs depuis septembre 2006.

Ne faudrait-il pas pour cela un geste de l’Iran ?

Oui, je suis d’accord. On est prêts à faire tout ce qui peut garantir nos droits et la poursuite des discussions...

Un dialogue direct avec les Etats-Unis est impensable ?

On a eu plusieurs fois des discussions avec eux, notamment sur l’Afghanistan, dans le cadre de l’ONU. Mais s’ils veulent juste se comporter en gérants du monde, quel intérêt ?

Croyez-vous à une attaque militaire américaine ou israélienne sur l’Iran ?

Il y a eu des signes avant-coureurs, les Américains ont déjà essayé en Irak, et Israël au Liban : un échec cuisant dans les deux cas ! Les Israéliens se disaient invincibles, après 33 jours de guerre face au peuple libanais, ils ont échoué. Quant aux Américains, c’est leur situation intérieure qui leur interdit de s’aventurer sur un terrain aussi glissant : les élections gagnées par les démocrates d’abord, puis le récent vote au Congrès rejetant la politique belliqueuse de Bush.

Vous savez, l’Iran c’est quatre fois la superficie de l’Irak et trois fois sa population, avec un degré bien supérieur de mobilisation populaire et une armée préparée. Non, je ne les vois pas s’y risquer.

Notes n°3 IRAN-RESIST | Velayati parle en représentant d’un Etat qui se considère comme le propriétaire du Liban. Velayati parle en représentant d’un Etat doté d’une force de dissuasion qui est le Hezbollah. Il se permet de dicter sa loi à la France quant à la conduite à adopter concernant sa diplomatie Moyen-Orientale ou Libanaise.

Comment analysez-vous la politique française au Liban ?

La France est en train de gaspiller l’investissement politique et culturel qu’elle avait dans ce pays. Elle s’est jetée dans le puits creusé par les Américains ! Si Paris ne veut pas perdre son crédit, il doit s’abstenir de prendre parti en faveur d’une petite fraction de la population. De plus, il a délaissé d’anciens alliés comme Michel Aoun chef du Courant patriotique libre, chrétien).

Notes n°4 IRAN-RESIST | Velayati somme la France de choisir le Hezbollah, mais sans nommer cette organisation terroriste en perte de vitesse dans le monde arabo-musulman.

Jacques Chirac avait envisagé d’envoyer un émissaire à Téhéran pour discuter du Liban. Qu’en pensez-vous ?

C’est une très bonne idée. Les intérêts communs de la France et de l’Iran font que ces deux pays devraient se donner la main pour défendre le Liban. Des consultations entre nous ne peuvent être que bénéfiques, au-delà du Liban, pour tout le Moyen-Orient et le Golfe. A l’heure actuelle, les Etats-Unis font cavalier seul au Moyen-Orient et cet "unilatéralisme", dénoncé aussi par M. Poutine, est mauvais. Mais force est de constater que l’Europe est absente, elle ne joue plus aucun rôle au Moyen-Orient, je le déplore. Une présence politique européenne dont la France serait le moteur deviendrait un bon moyen de rééquilibrer la situation au Moyen-Orient.

Notes n°5 IRAN-RESIST | Le représentant du régime des mollahs revient sur un épisode trouble de la diplomatie française qui a failli coûter à ce pays la poursuite de ses relations privilégiées avec l’Arabie Saoudite... Les mollahs proposent à la France de se fâcher avec l’ensemble des états musulmans non djihadistes pour secourir un partenaire déficitaire et insolvable.

M. Chirac refuse de parler à la Syrie. Quelle est votre opinion ?

Sincèrement, la France a pris une position extrême sur la Syrie qui ne joue pas en sa faveur. Ce sont les pays tiers qui profitent de cette hostilité. Mais l’Iran pourrait jouer un rôle de médiateur entre Damas et Paris.

Notes n°6 IRAN-RESIST | Pays tiers : Parle-t-il du Liban ? En réalité, pour cet homme sous mandat d’arrêt international, le Liban n’existe pas. Ce pays se résume à un territoire où le Hezbollah peut menacer Israël.

Les guerres d’Afghanistan, d’Irak et du Liban ont renforcé votre rôle central dans la région. L’Iran prône la stabilité mais dans le même temps aide le Hezbollah libanais et Moqtada Sadr en Irak. Les Américains vous accusent d’armer les insurgés. Pourquoi ne pas faire un geste pour calmer le jeu, en cessant de financer le Hezbollah par exemple ?

Certainement pas ! Ce n’est pas en abandonnant les chiites et le Hezbollah, seuls face à Israël, que nous serons utiles. Pour le reste, l’Iran a besoin de stabilité à ses frontières. Sans notre aide, croyez-vous que les forces de la coalition seraient parvenues à l’époque à mettre en échec les talibans ? En Irak, nous soutenons le gouvernement Maliki et nous travaillons pour assurer la paix. Il n’y a pas d’insurgés mais des résistants face à l’armée d’occupation.

Notes n°7 IRAN-RESIST | L’objet même des efforts des mollahs, de cette crise nucléaire inutile puisque l’Iran a gratuitement droit à 10% de la production de l’Eurodif est l’obtention des Garanties Régionales de Sécurité (Iran+Hezbollah) !

Avec le régime des mollahs, un temps d’attente est recommandé pour chaque nouvelle déclaration. En effet, une des techniques éculées des mollahs est de faire une déclaration afin de sonder l’adversaire et en fonction des réactions politiques ou médiatiques, ils arrivent à réajuster la conduite à adopter ! Velayati vient sonder les partenaires commerciaux Européens de l’Iran.

En tout cas, il a visé juste en s’adressant au Monde !

WWW.IRAN-RESIST.ORG

| Mots Clefs | Nucléaire : TROÏKA / IRAN |

| Mots Clefs | Pays : France (diplomatie Française) |

| Mots Clefs | Auteurs & Textes : Marie-Claude Decamps |