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Pétrole et Gaz : Poutine en fait une question d’intégrité !
26.11.2006

Après avoir rassuré ses partenaires européens et promis d’étudier leurs demandes quant à l’ouverture du marché des hydrocarbures russes aux pétroliers étrangers, la Russie revient sur la parole donnée et réaffirme une tendance que nous avions signalée à nos lecteurs. Il s’agit du droit d’exploitation des étrangers en Russie et du contrôle du transit des hydrocarbures (de préférence par tubes à 50% russes).



La veille de la tenue du sommet UE-Russie, la Russie a annoncé la couleur : « Jusqu’à 140 licences attribuées à des compagnies énergétiques russes ou étrangères pour l’exploitation de gisements pourraient être annulées d’ici la fin de l’année », a déclaré Oleg Mitvol, responsable du service russe de contrôles écologiques.

Nous avions déjà signalé à nos lecteurs l’utilisation frauduleuse que fait l’état russe de l’écologie pour évincer les compagnies indésirables de son marché pétrolier. Nous prédisions la généralisation de ce procédé frauduleux, voilà qui est fait. Le quotidien russe des affaires « RBK Daily » a publié une « liste noire » partielle des licences qui pourraient être retirées.

Selon l’AFP, figurent dans cette liste le groupe français Total pour le gisement de Khariaga [1], une licence de la société Rospan, filiale du pétrolier russo-britannique TNK-BP, ainsi que d’autres licences attribuées aux groupes russes Loukoïl, Rosneft ou Ioukos. Les noms des compagnies russes figurent également sur cette liste afin de gommer le nationalisme de ce procédé qui est contraire aux précédents engagements des Russes dans ce domaine.

Cette annonce concernant les licences est en fait un des éléments de l’offensive énergétique russe qui repose également sur la gestion du transit et de la distribution des ressources en hydrocarbures de la Russie. C’est ce qu’a rappelé Vladimir Poutine au Sommet UE-Russie en insistant sur ce qu’il appelle très pudiquement l’intégrité de Gazprom !

Le président russe a affirmé qu’il défendrait l’intégrité de Gazprom même si cela devait aller à l’encontre d’une politique européenne de séparation des activités de production et de transport de l’énergie.

Ceci correspond à la théorie qu’Iran-resist avait annoncée depuis plusieurs mois : la Russie veut prioritairement contrôler les réseaux de fourniture de gaz vers l’Europe. L’argument avancé par Poutine est que l’intégrité de Gazprom, c’est-à-dire le contrôle de la distribution par la Russie elle-même, sera garant de la stabilité des prix. Si l’argument est logique, il oublie pourtant de rappeler que l’état russe sera le seul maître à bord et pourra se comporter comme il le fit avec l’Ukraine en cas de conflit sur les prix.

L’argument russe n’a pas convaincu le président de la Commission européenne José Manuel Barroso. Ce dernier a confirmé que la Commission allait en janvier prochain « recommander le découplage sur le marché européen de l’énergie » des activités de production et de transport de l’énergie (découplage entre producteurs d’énergie et gestionnaires de réseau). Ce modèle va à l’encontre de la stratégie énergétique de la Russie, le premier producteur mondial de gaz, qui non seulement refuse l’ouverture de son marché de production mais a clairement exprimé son intention d’acquérir des capacités de distribution sur le marché européen.

A l’image du langage diplomatique utilisé par la Russie à propos du dossier nucléaire iranien, Poutine a déclaré que la Russie travaillerait « en étroite coopération avec ses partenaires européens ». Il est cependant prévisible que l’attitude de la Russie sera peu coopérative avec une Europe convaincue par son fameux découplage qui favorise l’implantation des sociétés européennes sur les marchés nationaux des pays producteurs de pétrole.

Reste à savoir si le même enthousiasme existe chez les Européens quant à des investissements étrangers sur leur marché de production et distribution d’électricité. Le découplage convient aux Européens et l’intégrité de Gazprom à la Russie. Cette dernière continue d’ailleurs de mettre en pratique sa conception d’intégrité dans les ex-républiques soviétiques qui dépendent parfois entièrement de Gazprom ou du géant russe de l’électricité SEU. L’intégrité se traduit sur le plan pratique par de fortes pressions et un chantage à la réduction des livraisons surtout à l’approche de l’hiver [2].

WWW.IRAN-RESIST.ORG

<HTML>Pour en savoir + sur l’offensive Gazprom :
- GDF : une méthode française d’autosuggestion
- (30.09.2006)

<HTML>Pour en savoir + sur l’offensive Gazprom :
- La Russie et sa révolution grise
- (08.10.2006)

<HTML>L’offensive Gazprom : explications et liens
- Iran-Russie : L’OTAN craint un chantage énergétique
- (15.11.2006)

[1Les ennuis écologiques de Total | Oleg Mitvol, responsable du service russe de contrôles écologiques, a souligné que les violations des licences par Total avaient été signalées, il y a longtemps, au pétrolier Français. Total exploite le champ de Khariaga dans le cadre d’un accord de partage de production conclu avec l’Etat russe sous le prédécesseur de Poutine. Dans certain cas, comme celui du Total, il ne s’agit d’un retrait du droit mais d’un moyen de pression afin que le pétrolier ouvre son capital à un pétrolier russe. C’est pourquoi le responsable du service russe des contrôles écologiques a déclaré qu’il ne devrait pas y « avoir d’obstacles importants » pour rétablir la situation écologique !

[2L’intégrité de Gazprom | La Russie a annoncé qu’elle devrait réduire des deux tiers ses livraisons de gaz et de 80% celles d’électricité à son voisin azerbaïdjanais en 2007, au risque de provoquer un déficit dans ce pays du Caucase. Le géant russe de l’électricité SEU se propose également de ne livrer à Bakou l’an prochain que 60 mégawatts, au lieu des 300 mégawatts en 2006.