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Jerusalem Post, l’Iran, et ses juifs épanouis
13.10.2006

Un article signé de Seth Vikas paru dans le Jerusalem Post, puis dans le Courrier International, semble indiquer que les juifs iraniens seraient heureux de vivre en Iran dans un esprit d’amour, tolérance et paix. Voici l’article : Visite aux juifs de Téhéran

décodages & commentaires


Visite aux juifs de Téhéran

La grande synagogue de Yossefabad est située dans un quartier de Téhéran peuplé de nombreux juifs. Cette veille de sabbat, l’édifice est plein à craquer et, sur sa porte principale, on peut lire des annonces pour des cours d’hébreu organisés par l’Association juive. Un policier iranien garde l’édifice. S’il n’y avait pas les inscriptions en persan, les livres de prière en hébreu et en persan, et la coiffe des femmes, on se croirait dans une synagogue orthodoxe américaine. Hormis Israël, l’Iran est le pays du Moyen-Orient qui abrite la plus grosse communauté juive.

Téhéran compte quelque 10,000 juifs et il y en aurait 20,000 en tout en Iran. Ses écoles juives accueillent 2,000 étudiants tandis que l’Association juive gère des maisons de repos et possède plusieurs immeubles. Pourquoi trouve-t-on encore des juifs à Téhéran ? Les réponses diffèrent selon les générations. Pour certaines personnes âgées, l’Iran est tout simplement leur patrie. Lorsqu’on demande à mon hôte, Fayz-allah Saket-khou, vice-président de l’Association juive de Téhéran, s’il y a un avenir pour la communauté, il répond :
- Avez-vous vu combien d’enfants étaient à la synagogue ce soir ?

Saket-khou a raison, il était difficile de se concentrer dans un édifice rempli de 300 fidèles et d’enfants courant dans tous les sens.

Mais il y a une différence entre les enfants et les jeunes adultes. Peyman, le fils de Saket-khou, âgé de 27 ans, ne craint pas d’affirmer qu’en Iran « tout le monde a des problèmes », une façon de dire que juifs comme non juifs veulent partir. La situation politique n’est pas seule en cause. Depuis l’arrivée au pouvoir d’Ahmadinejad, la situation économique a empiré et la pauvreté s’est aggravée.

Il n’en reste pas moins que, sur la question des rapports entre juifs et non juifs, les Iraniens, toutes générations confondues, s’accrochent à l’idée de l’unité nationale. La culture iranienne est vieille de deux mille cinq cents ans et remonte à Cyrus et à Darius, fondateurs de la dynastie achéménide évoquée dans la Bible. Quelle que soit leur confession, les citoyens iraniens sont fiers de leur histoire et les parents sont nombreux à donner des prénoms préislamiques à leurs enfants. Un indice particulièrement fort de cette acceptation de la diversité religieuse est cette immense peinture qui orne la façade d’un immeuble du nord de Téhéran. Comme d’autres portraits, les soldats tombés lors de la guerre Iran-Irak de 1980-1988 sont célébrés, sauf qu’ici il s’agit de soldats issus des minorités. Aux côtés de soldats d’origine assyrienne, arménienne, chrétienne et zoroastrienne, on trouve un juif iranien dont le nom est orthographié en persan et en hébreu. Bref, en Iran, dire qu’on est d’origine juive suscite des réactions très tolérantes. Parler d’Israël, c’est une autre histoire…

Seth Vikas - Jerusalem Post

L’exercice est parfois périlleux et nombreux sont ceux capables de voir dans nos textes des attaques contre Israël, l’expérience passée nous l’ayant démontrée, il n’en demeure pas moins que quelques points méritent d’être rappelés à ceux qui diffusent ce genre de nouvelles.

Il faut en effet savoir que le nombre de personnes se réclamant du judaïsme en Iran a fortement décru depuis 1979, et qu’aujourd’hui seuls 10% d’entre eux sont restés dans cette république islamique qui continue de les suspecter par principe d’espionnage au profit d’Israël. Les juifs iraniens sont partis, parfois vers Israël mais beaucoup plus souvent vers d’autres pays d’Europe, d’Amérique (Nord et Sud) ou encore en Australie. Il faut bien avoir conscience que ce n’est pas de gaieté de coeur que plusieurs centaines de milliers de personnes ont quitté attaches, histoire et biens avec un très faible espoir de retour. Disons le tout net, en l’absence du régime du Shah qui avait inauguré une ère inédite de tolérance religieuse en Iran, au tout début de la révolution, une partie de la population n’a pas été exempte de reproche sur le sujet. Tous les clichés ont d’ailleurs été servis ; le juif qui est riche, le juif qui contrôle les médias à son service, le juif qui fait de la traite…

Mais très rapidement, cela a cessé parmi la population qui a même protégé les quelques juifs restants, mais cela n’a absolument pas cessé parmi les dirigeants, les gouvernements ou les religieux. Désormais, le régime des mollahs a choisi de franchir le pas et de promouvoir une forme d’antisémitisme. Mein Kampf est régulièrement publié par une maison d’édition gouvernementale et des sites néonazis ont envahi le web iranien. Ces opérations ne touchent pas le commun des mortels qui se bat pour gagner sa vie, difficilement, en jonglant entre 2 ou 3 jobs.

Cette publicité est faite par le régime pour le régime. Ce sont là des opérations publicitaires mises au point et réalisées par des agents des services des renseignements du régime qui désirent diffuser ce genre d’idées afin de créer des tensions. La presse internationale est friande de ce genre de nouvelles, et les tensions ethniques sont des moyens efficaces pour détourner l’attention des difficultés économiques, énergétiques ou mêmes diplomatiques de l’Iran. Il n’est donc pas impossible que cette promotion de la haine franchisse une étape pour déboucher sur des violences prodiguées par les fameux agents en civils, le tout dans une totale indifférence de la société iranienne qui ignore ces magouilles.

Doit-on en conclure que les iraniens sont indifférents au sort de leurs compatriotes juifs ? Doit-on en conclure qu’ils sont antisémites ? L’exposition des caricatures contre Israël n’a attiré personne malgré un important battage médiatique. L’antisémitisme ne figure pas au programme des Iraniens : leur haine est dirigée contre les mollahs et ils accordent leur soutien implicite aux ennemis ou aux victimes du régime des mollahs.

Cependant, l’article de Jerusalem Post ne parle pas des Iraniens et de leur tolérance religieuse mais du régime des mollahs, des fabricants de sites néonazis, des diffuseurs de Mein Kampf et de leur bienveillance envers les juifs iraniens : c’est-à-dire que le Jerusalem Post fait de la pure désinformation en affirmant que les juifs sont si bien en Iran ! L’article n’est pas hostile au régime des mollahs, il n’y a aucun reproche contre la révolution islamique. Pour l’auteur, l’ennemi désigné est Ahmadinejad et non ces prédécesseurs qui pourtant ont envoyé à la mort de nombreux juifs iraniens (en dehors du héros mort pour la patrie).

- Alors pourquoi des juifs diraient-ils qu’ils sont si bien en Iran, surtout avant Ahmadinejad ?

La réponse est en fait multiple et plus complexe qu’il n’y paraît. Il y a bien sûr la peur des autorités, Les minorités religieuses tolérées de ce pays n’oseront jamais dire le contraire, trop de leurs représentants y ont laissé la vie.

Raisons humanitaires | Le régime a reconnu les minorités religieuses afin de les pointer du doigt et les singulariser. S’opposer au régime des mollahs est périlleux pour tout iranien, le faire quant on fait partie d’une minorité, ethnique ou religieuse, est tout simplement suicidaire, et de plus cela peut mettre en péril toute la communauté.

Par ailleurs, les juifs restants sont heureux d’une certaine façon, puisqu’ils bénéficient de la sympathie populaire, une sympathie empreinte de pitié et commisération. Mais il s’agit bien d’un cercle autour d’eux et non du pouvoir policier et répressif qui tient le pays. De plus, ils sont l’objet de l’attention des services de communication du régime qui espèrent pouvoir s’en servir comme relais pour faire passer des messages au reste du monde : on peut vivre libre et heureux sa différence en république islamique.

Cependant, si un journaliste digne de ce nom menait une enquête sommaire d’une journée, il s’apercevrait que ces juifs heureux sont soumis néanmoins aux règles islamiques dans leurs vies, leurs moeurs, leurs comportements quotidiens. L’enquêteur apprendrait que certains emplois sont interdits à ces juifs heureux et épanouis ! Le journaliste saurait que le juif épanoui sous les mollahs n’est pas autorisé à quitter son pays : le voyage est extrêmement coûteux, il lui faut donner des gages, laisser de la famille sur place, de l’argent en dépôt...

Les juifs iraniens qui restent en Iran appartiennent à des milieux modestes ou à la classe moyenne : deux catégories qui ont été laminées par la révolution islamique qui a détruit l’économie de production pour la remplacer par un système fondé sur la spéculation.

Raisons politiques | Reste maintenant à savoir pourquoi un journal de l’envergure du Jerusalem Post peut bien publier de pareilles sornettes ? Et là aussi, tout comme dans le paragraphe précédent, les raisons sont multiples.

Il y a une raison tout à fait compréhensible, qui est un réflexe de protection de coreligionnaires en danger : autant de ne pas les menacer encore plus en racontant leurs malheurs ! Les juifs d’Iran sont menacés et après l’épisode du sud Liban et la guerre du Hezbollah téléguidée par Téhéran, il est de bon ton d’essayer de calmer les esprits.

Mais rien ne dit que l’esprit d’un dirigeant du régime des mollahs soit réceptif à ce genre d’arguments. L’article se limite d’ailleurs à charger la barque d’Ahmadinejad, laissant entendre que sous son prédécesseur, le juif iranien filait le parfait amour avec les mollahs.

Et le Jerusalem Post oublie de rappeler l’épisode de l’arrestation des 13 juifs iraniens sous Khatami !

Il oublie son approbation des propos d’Ahmadinejad ou son soutien au Hezbollah !

Le Jerusalem Post oublie que les souterrains du Hezbollah et les livraisons de missiles datent des années Khatami !

Le journal oublie également de mentionner le procès intenté à Khatami par des juifs iraniens exilés aux Etats-Unis !

Jerusalem Post serait-il dans une orientation de préférence de Khatami à toute autre forme de régime en Iran ? Cette question est légitime car elle la clef de voûte du principal reproche de l’ensemble des iraniens [1] à l’encontre d’Israël.

L’ennemi de mon ennemi | C’est le secret le plus inavouable des opposants iraniens : ils voient quand même en Israël un allié potentiel au lendemain de la libération de l’Iran de la main mise des mollahs. Mais chacun sans le dire soupçonne le futur allié de ne pas vouloir un tel changement en Iran.

Une partie des dirigeants Israéliens n’a absolument aucune envie d’un régime laïque ou non-islamique en Iran. Il s’agit d’une théorie indigne qui table sur la division du monde islamique et préfère que le même régime demeure au pouvoir, surtout avec ses défauts, que de voir émerger un Iran stable. Le plus terrible est que la motivation de ce choix délibéré n’est pas la haine de l’Iranien mais l’envie de voire l’arabe musulman au prise avec son ennemi le chiite. Cette théorie est l’une des plus abjectes formes de Real Politik. Elle permet l’existence du Hezbollah. C’est la même qui a nourri le Hamas pour affaiblir le Hezbollah et l’on voit aujourd’hui ses ravages.

Ces dirigeants Israéliens se trouvent aussi bien à droite qu’à gauche et inlassablement volent au secours du régime des mollahs en soutenant les réformateurs alors qu’ils connaissent la fausseté des réformes. Ces Israéliens participent à la promotion de la propagande Khatamiste, soutiennent les faux-dissidents, les aident à travers des associations juives américaines. Ils détruisent l’Iran pour une théorie qui a d’ailleurs montré ses limites avec la guerre du Hezbollah contre ce pays. Nous l’avons écrit à ce moment-là et nous continuons de le penser. Israël fait fausse route en délaissant ses amis et en les transformant en boucliers humains pour sa propre survie. Quand l’Iran cessera d’exister, il n’y aura plus de bouclier pour protéger Israël.

Cette aide contre-nature débuta en 1978 quand Col Israël amplifia la voix des révolutionnaires, ce soutien indirect se traduisit par une aide massive de l’armée israélienne aux mollahs opposés à Saddam. Dans la récente guerre du Hezbollah : les Israéliens ont reçu sur leurs villes les missiles vendus à l’Iran en 1985-86 qui devaient être tirés avant d’être périmés. Encore plus proche de nous, Ehud Olmert a demandé à la Russie (fournisseur des armes du Hezbollah) de s’engager encore plus au Moyen-Orient pour sauver la Paix !

En attendant, il est peut-être temps de ressortir quelques phrases d’un précédant article qui avait fait couler tellement d’encre et valu un énorme courrier de réactions :

Pour les juifs, il y a toujours eu 2 Iran(s) ! Mais pour les Perses (ou plus exactement les Iraniens), aussi il y a depuis 30 ans deux Israël : l’un mené par Shimon Peres qui aida les mollahs à prendre pied en Iran et l’autre représenté par Isaac Rabin qui avait condamné cette politique suicidaire dont le leitmotiv est « j’aide l’ennemi (chiite) de mon ennemi (sunnite) » pour avoir la paix…

... mais quand l’Iran cessera d’exister, il n’y aura plus de bouclier pour protéger Israël. Si vous ne le faîtes pas pour l’Iran (en souvenir de Cyrus), faîtes-le pour Israël, cessez d’être votre propre ennemi.

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[1Y compris les juifs patriotes iraniens