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Pétrole : Les ennuis de BP sont liés à l’Iran
09.08.2006

Les prix du pétrole ont battu un nouveau record historique, lundi 7 août, après l’annonce de la fermeture du plus gros champ pétrolier des Etats-Unis en Alaska. Le prix du baril a bondi, lundi, de 2,80 %, et affiche une hausse de 45,5 % depuis la mi-novembre 2005.



Officiellement, la compagnie pétrolière BP, anciennement nommée British Petroleum qui est la plus grande société du Royaume-Uni et la troisième compagnie pétrolière mondiale, a décidé, lundi, de stopper sa production sur le champ de Prudhoe Bay. Une fuite due à « une importante et inattendue corrosion » aurait été découverte sur un oléoduc. Celle-ci aurait laissé s’échapper en tout l’équivalent de « 4 à 5 barils » de pétrole brut (de 600 à 800 litres), selon l’entreprise, soit une quantité indétectable.

Officiellement, le groupe doit réparer des oléoducs endommagés et il ne sait pas combien de temps cela prendra. Les hypothèses vont de quelques jours à quelques mois... Nous pensons qu’il s’agit d’une coupure volontaire pour initier une hausse des prix qui sera profitable au pétrolier britannique et aux états qui sont les adversaires des sanctions contre l’Iran. Ces états dont l’Iran, la Russie et l’UE font partie ont intérêt à encourager une peur panique de la hausse des prix du baril.

L’arrêt partiel de la production par BP tombe à pic et, loin de nuire à la compagnie britannique, lui a été bénéfique. Au total, la fermeture progressive du champ, qui prendra de trois à cinq jours, amputera la production américaine de 400 000 barils par jour. Le champ de Prudhoe Bay, le plus important des Etats-Unis, fournit 8 % de la production nationale américaine et répond à 2,6 % des besoins en pétrole du pays. BP, qui détient une participation de 26 % dans ce champ, perd lui 100 000 barils par jour, soit 2,5 % de sa production mondiale.

La réaction des marchés ne s’est pas fait attendre : lundi, le prix du baril a bondi de 2,80 %. Avant même d’interrompre totalement sa production du champ de Prudhoe Bay, BP a dopé le marché, augmenté ses bénéfices et fait une très mauvaise publicité à des actions susceptibles d’aggraver la hausse des prix du baril.

Le régime des mollahs compte de nombreux amis en Grande-Bretagne et le plus important d’entre eux est la British Petroleum née en Iran. En mai 1901, William Knox D'Arcy se fit accorder une concession par la dynastie Qajar aux fins de découvrir du pétrole, qu’il finit par trouver, sept ans plus tard, en mai 1908. Ce fut la première découverte commercialement significative au Moyen-Orient. En 1909, la Anglo-Persian Oil Company fut créée afin d’exploiter ce gisement.

La compagnie se développa doucement jusqu’à la Première Guerre mondiale, lorsque son importance stratégique incita le gouvernement britannique à l’acquérir et devenir l’actionnaire majoritaire de la compagnie qui devint ainsi la source d’approvisionnement principale de la marine royale durant le conflit mondial. Dès lors, BP se pose comme l’instrument de l’impérialisme anglais en Iran fondé sur un soutien immodéré au clergé chiite adversaire de tout progrès en Iran. Le slogan de BP a toujours été «Beyond Petroleum» (Au-delà du pétrole).

Au-delà du pétrole, les Britanniques contrôlaient l’Iran et l’issue de sa révolution constitutionnaliste [1] qui allait faire transiter le pouvoir du roi aux mollahs. Par conséquent, les Britanniques contrôlaient le Golfe Persique (Pax Britannica) et les ressources pétrolières de cette région tout en interdisant aux Russes l’accès aux mers chaudes.

Aujourd’hui, de nombreux esprits rebelles attribuent les malheurs du monde à l’impérialisme américain avide du pétrole du Moyen-Orient. Ils oublient où, pour la première fois au Moyen-Orient, on trouva du pétrole et qui en avait obtenu le droit de l’extraction pour une durée de presque un siècle.

L’histoire du pétrole a débuté avant l’entrée en scène des Etats-Unis et le véritable ennemi de l’indépendance et des régimes progressistes aux Moyen-Orient a toujours été la Grande-Bretagne. Pendant des décennies, les iraniens ont souffert de cette main mise en rêvant que d’autres alliés les délivrent des ingérences britanniques. Hélas, aujourd’hui l’Amérique a pour seule alliée la Grande-Bretagne. Quant à la France, elle a choisi d’être du côté des ennemis de la modernité en Iran.

La faute en revient à nous, iraniens, qui avons laissé faire cette révolution, ignorant les enjeux de notre pays. La révolution a eu lieue l’année même où prenait fin le contrat de 25 ans qui liait l’Iran au Consortium formé par les plus grandes compagnies pétrolières [2] après l’accord survenu le 5 Août 1954.

Un 7 août, presque à la date anniversaire de ce contrat imposé à l’Iran, BP ferme les vannes : coïncidence ou clin d’oeil à une histoire qui se voudrait répétitive [3].

En 1979, l’année où le Shah allait libérer l’Iran de la main mise sur les prix du pétrole, le monde s’est ligué pour abattre son ami en aidant ces grandes compagnies impitoyables. L’exemple en cours de l’influence de BP sur les prix montre que les ennemis de la stabilité du marché ne sont pas les pays producteurs mais les compagnies pétrolières qui représentent d’autres intérêts. La British Petroleum est l’instrument diplomatique de la Grande-Bretagne qui continue ainsi de peser sur la scène internationale.

Tels sont ses objectifs immédiats : empêcher les sanctions contre l’Iran, éviter la fragilisation du régime et neutraliser les possibilités de changement vers un état laïque.

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[1La révolution constitutionnaliste de 1906 prévoyait la présence de 5 à 17 mollahs au sein du Parlement qui avaient un droit de veto sur leurs collègues laïques. La Constitution de 1906 appliquée, l’Iran serait devenue un Etat islamique parlementaire  : c’est-à-dire exactement ce qu’il est aujourd’hui. L’Iran serait alors un état parlementaire dominé par des seigneurs féodaux et le clergé chiite dans lequel l’intérêt public serait relégué après la religion et les intérêts tribaux ou ethniques (comme l’Irak démocratique post-Saddam). La Constitution de 1906 était soutenue par les Britanniques car ces derniers voulaient réduire le pouvoir de la royauté qui n’était pas insensible à la modernisation de l’Iran : Le roi Nasser-Edin Shah avait tenté de timides réformes sous la direction du chancelier (Mirza Taghi Khan) Amir Kabir. Ce dernier a été éliminé par l’entourage du roi et ce roi pro-occidental a été abattu dans des circonstances encore mystérieuses par un colporteur afghan. Son successeur était plus docile, mais progressivement il se rapprocha des Russes au détriment des Britanniques, suscitant l’inquiétude de ces derniers. Les Britanniques, protecteur historique du clergé chiite depuis leur arrivée en Iran, encouragèrent les religieux à se rallier aux Constitutionnalistes (anticolonialistes, pro-occidentaux et anti-cléricaux) afin d’imposer leurs exigences (islamiques) et légaliser le pouvoir du clergé ! | Extraits de : Les Iraniens de confession juive : des Qajar aux Pahlavi |

[2Le Consortium avait droit à 60% du pétrole iranien : Shell 14%, Esso 8%, Socal 8%, Gulf 8%, Texaco 8%, Mobile 8% & CFP 6%.

[3Le message est : c’est nous, Britanniques, qui contrôlons les évènements.