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L’Iran et la cuvée 2008 du « National Intelligence Estimates »
12.10.2008

La cuvée 2007 du « National Intelligence Estimates » était consacrée à l’Iran : elle a surpris tout le monde, en particulier les partisans d’une intervention militaire dans ce pays, car elle affirmait que les mollahs étaient loin de maîtriser la technologie de la bombe nucléaire. La cuvée 2008 du « National Intelligence Estimates » est consacrée à l’Afghanistan et surprend déjà à travers des extraits rendus publics par l’administration Bush.



La cuvée 2007 du « National Intelligence Estimates » sur l’Iran a en fait permis aux Américains de redéfinir le timing du dossier iranien : les américains ont écarté tout risque d’escalade et se sont accordés un rallongement de délai des sanctions pour affaiblir Téhéran à petit feu et pousser les mollahs à accepter le deal proposé par Washington selon ses conditions.

Cette entente permettra à Washington et aux compagnies pétrolières américaines de contrôler le marché pétrolier du Moyen-Orient à l’Asie Centrale au détriment de leurs concurrents européens en particulier les Britanniques Shell et BP. C’est pourquoi depuis la publication de ce rapport 2007, les Britanniques le combattent par les rapports très hostiles de l’AIEA qui contredit la principale conclusion du rapport américain. En réponse, très régulièrement, les dirigeants américains confirment les conclusions de ce rapport qui sert de feuille de route pour la diplomatie américaine jusqu’à 2015, l’avant-dernière année du second mandat du successeur de Bush. Le point n’est pas la vérité du rapport, mais son utilité. C’est un outil tactique. Dans le cas de l’Iran, il permet la poursuite du processus qui allie des sanctions et des offres d’entente.

La cuvée 2008 du « National Intelligence Estimates » sur l’Afghanistan sera également un outil tactique. Il diabolise Karzaï, l’accuse de corruption pour le rendre politiquement inutile afin de préparer mentalement les Américains à sa mise à l’écart suivie d’une entente avec les Talibans, qualifiés d’incontournables !

Ce rapport reconnaît également que l’économie afghane repose à 50% sur le trafic de la drogue : cela relativise la part des Talibans dans ce fléau d’autant plus que le frère de Karzaï est un trafiquant de drogue, reste à savoir si le NIE en parlera ou pas. Le contenu et la rédaction du rapport détermineront l’orientation de cet outil tactique conçu pour permettre une entente utile pour ouvrir un accès aux réserves gazières de l’Asie Centrale.

Cette option convient aux Britanniques qui sont engagés dans la guerre en Afghanistan et pourraient à ce titre avoir leur part du couloir afghan. Alors qu’ils s’opposent à une entente entre Téhéran et Washington qui est plutôt du genre exclusif, ils soutiennent l’entente avec les Talibans qui est du genre collectif !

Dans une interview parue dans le Sunday Times cette semaine, le général Mark Carleton-Smith, le plus haut gradé britannique en Afghanistan a estimé que son pays devait « modérer ses attentes » sur l’issue du conflit et se préparer à un possible accord avec les Talibans. Le chef d’état-major des armées françaises, le général Jean-Louis Georgelin, a imité son collègue britannique pour dire qu’il partageait « totalement » ce point de vue.

Le rapport 2007 sur l’Iran n’a pas reçu l’approbation des alliés des Etats-Unis, mais le rapport 2008 leur convient. Ce consensus est perçu très négativement par les mollahs car désormais, les Américains n’auront plus besoin de l’Iran (en tant que territoire de transit) par conséquent Téhéran perd un précieux moyen de pression sur Washington. Le rapport 2007 n’arrangeait pas Téhéran, celui-ci et le consensus occidental qui l’entoure achèvent ses espoirs. C’est un renversement : à 28 jours des élections, Téhéran dominait Washington, à 21 jours des élections, les Américains reprennent l’avantage.

Toutefois Washington (qui craint un échec d’une entente avec les Talibans) n’abandonne pas son projet d’entente avec les mollahs, qui lui seront utiles politiquement, et leur tend à nouveau la main par le geste très politique de retirer la Corée du Nord de la liste des pays de l’axe du mal. C’est un appel du pied aux mollahs, derniers survivants de cet axe !

Téhéran a déjà commencé à riposter en poussant ses alliés afghans à forcer les opérations sanglantes contre les forces de l’OTAN. Comme le dit si bien le rapport américain, l’Afghanistan risque de sombrer dans le chaos, mais cela n’est pas nouveau comme le prétend ce rapport, cela remonte à 1977 et a débuté sous l’impulsion des Américains au Pakistan [1].

© WWW.IRAN-RESIST.ORG

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : Afghanistan |

| Mots Clefs | Enjeux : Garanties Régionales de Sécurité : le DEAL US |

| Mots Clefs | Enjeux : Alliances Régionales circonstancielles d’ordre stratégique |

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : USA |

| Mots Clefs | Pays : Grande-Bretagne |

| Mots Clefs | Nucléaire 2 : AIEA : inspections, actions et rapports |

[1Contrairement à ce que l’on pense, les talibans ne sont pas une résultante de l’invasion de l’Afghanistan mais le contraire. Le pouvoir en place avant l’invasion était déjà prosoviétique. Par la suite, dans un entretien accordé en 1998 au Nouvel Observateur, Brzezinski a reconnu que dès le 3 juillet 1979, selon sa recommandation, le président Carter avait signé la première directive sur l’assistance clandestine par la CIA aux opposants du régime prosoviétique de Kaboul.

Mais Brzezinski avait préparé le terrain pour que les agents de la CIA puissent intervenir sur le terrain. Cette préparation a été le renversement en 1977 de Zulfaqar Ali Bhutto au Pakistan, un an après l’arrivée au pouvoir de l’équipe Carter-Brzezinski. Bhutto a été remplacé par Zia ul Haq, un général islamiste qui se mit totalement au service du projet américain d’islamisation de la région.
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