Il faut dire que les russes devaient initialement livrer la centrale clefs en main le 8 juillet 1999 ! Ils ont donc un léger problème de retard ! Bouchehr a une importance tactique : cette centrale est censée justifier l’existence d’un programme iranien d’enrichissement d’uranium. Téhéran tient donc sérieusement au démarrage de Bouchehr. C’est pourquoi les retards russes ont en fait une origine diplomatique ; ils permettent à Moscou de tenir les mollahs à leur merci et de les empêcher de rompre les accords tacites qui existent entre les deux pays.

D’ailleurs, à chaque fois que Téhéran fait un pas en direction d’une négociation bilatérale avec les Etats-Unis, un problème apparaît comme par enchantement (ou par malédiction) dans les travaux d’achèvement de cette centrale ; seul vestige du programme nucléaire pacifique (et ultra-supervisé par l’Occident) du Shah d’Iran.

Pendant l’année 2007, l’excuse utilisée par Moscou pour stopper l’avancée des travaux était un retard de paiement alors que le paiement était sans doute achevé en 1999 ! Par la suite, Moscou a refusé pendant longtemps de fournir le combustible pour commencer les essais des turbines. Le combustible a finalement été livré et Moscou a alors défini un nouveau calendrier et a évoqué une livraison pour le printemps 2008 !

L’engagement n’a pas pu être tenu car entre temps, alerté par des initiatives irano-américaines pour la tenue des négociations bilatérales, Moscou a arrêté régulièrement la fourniture des pièces en coopération avec l’Azerbaïdjan.

Cependant, à mesure que l’on s’approche d’octobre 2008, les chances d’une entente de dernière minute entre les mollahs et l’administration Bush grandissent. C’est ce qui explique la visite amicale de cette délégation et un nouvel engagement solennel, bien que le calendrier dont parle les Russes reste un document aux contours inconnus.

Les Russes sont pressés : ils craignent une entente de dernière minute en octobre entre Téhéran et Washington et cherchent donc à assurer leur présence économique en Iran avant que le marché énergétique iranien ne soit submergé par les compagnies américaines. Parallèlement à cette visite, Alexandre Dioukov, le PDG de la filiale pétrolière de Gazprom, a annoncé la visite d’une délégation de Gazprom et sa filiale pétrolière Gazprom Neft en Iran courant septembre pour « discuter des clauses techniques du contrat » d’exploitation du champ pétrolifère d’Azadegan Nord et de deux ou trois tranches de South Pars, le plus grand gisement gazier du monde.

Les mollahs paient le prix de leur aventurisme : ils ont besoin de Moscou aussi bien pour finir Bouchehr que pour adhérer à l’OCS ou encore stopper les sanctions. En contrepartie, les Russes exigent une mainmise sur certains secteurs de l’industrie iranienne (comme l’usine métallurgique d’Ispahan [1]).

Leur arrivée est facilitée par un autre aspect de l’aventurisme des mollahs. Cet été pour intéresser l’Europe, les mollahs avaient évoqué une privatisation des industries de base et l’ouverture de leurs capitaux à des multinationales européennes, ce sont les Russes qui en profitent.

Plus récemment, ils avaient évoqué le remplacement du très avantageux Buy-Back par le CEPP (Contrat d’Exploration et de Partage de Production), encore plus avantageux pour les compagnies pétrolières. Là encore, les Européens étant tenus à l’écart par peur des sanctions américaines, l’affaire profite à Gazprom et ses filiales.

Les Russes sont pressés, ils raflent la mise, les mollahs sont pressés : ils se retrouvent avec le mauvais allié aux antipodes de leur feuille de route.

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