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Pourquoi l’Iran propose-t-il une trêve de 90 jours ?
27.09.2006

Samedi, Jacques Chirac et Vladimir Poutine [1] étaient entièrement d’accord sur l’Iran et à peine trois jours après, leurs ministres des affaires étrangères se contredisent. Dans le docu-fiction de France 2, Douste-Blazy parlait de fermeté, d’un délai de quelques semaines, d’hypothèse de la coercition et d’une nouvelle dynamique au Conseil de Sécurité en cas de refus iranien. Quelques heures après depuis la Cité des Anges (Los Angeles), son homologue russe se déclarait catégoriquement hostile aux ultimatums pour résoudre les problèmes du Proche-Orient et de l’Iran.



« Nous ne pouvons pas adhérer aux ultimatums qui pousseront tout le monde dans une impasse, provoqueront une nouvelle crise dans une région déjà grandement déstabilisée et nuiront à la réputation du Conseil de Sécurité de l’ONU, si cet organisme important ayant vocation pour maintenir la sécurité internationale s’engage dans la voie d’une politique irréaliste », a déclaré le chef de la diplomatie russe. A cette note inattendue vient s’ajouter une rumeur (presque démentie) d’un accord secret des mollahs acceptant une suspension de 60 à 90 jours afin de permettre d’entamer des pourparlers entre l’Iran avec d’autres Etats européens !

Les négociations avec les mollahs prennent une tournure amusante, non pas irréaliste mais surréaliste : désormais il n’y aura aucune sorte de condition, délai ou ultimatum acceptable du côté du Conseil de sécurité, l’Iran semble vouloir fixer lui-même la condition, l’ordre du jour, les délais et ses propres interlocuteurs.

Il va sans dire que cette suspension sera de l’ordre de la parole donnée qu’il faut accepter sans contre partie, comme le dirait Lavrov, afin de ne pas « pousser tout le monde dans une impasse ». Cette suspension non vérifiable sera à prendre ou à laisser et nous nous retrouvons au point du départ : qu’est-ce qu’on suspend, puisque que le régime des mollahs refuse de faire visiter les sites suspects, quelles preuves avons-nous du réalisme de la suspension ? Cet assouplissement de Téhéran est comme toujours basé sur une maîtrise du timing et des délais. Mais il ne s’agit pas de délais scientifiques nécessaires pour avancer les travaux nucléaires, il s’agit d’un délai nécessaire pour un bouleversement politique susceptible de changer l’équation du problème.

Ce bouleversement peut venir des « mid-term elections » qui ont lieu à la moitié du mandat Présidentiel américain. Le 7 novembre 2006 (dans 45 jours), les Américains éliront leurs gouverneurs, les représentants de la chambre du Congrès, et les sénateurs. L’issue des élections donnera lieu à des ajustements de la diplomatie américaine concernant aussi bien l’Irak que l’Iran. Si les Républicains de Bush sont battus, dans le mois suivant ce bouleversement, les mollahs seront en face d’un interlocuteur amoindri et qui devra composer avec eux.

À l’heure actuelle, 231 des 435 membres de la Chambre sont républicains et 202 sont démocrates (il y a aussi un siège vacant et un siège occupé par un indépendant). Ces votes représentent en général un avant-goût des élections présidentielles (en 2008). Certes les sondages sont à l’avantage des Démocrates, mais sur les 435 courses à venir, à peine une trentaine seront susceptibles de changer de camp et parmi ces derniers on compte une vingtaine de pro-Bush. Parmi ce groupe, seulement six ou sept républicains sont réellement en danger à l’heure actuelle.

Ce n’est donc pas gagné pour les adversaires étrangers de Bush qui comptent sur une victoire des Démocrates pour voir un changement de politique américaine et le retour de l’affairisme du tandem Clinton-Albright. Il ne faut pas oublier que les Démocrates sont les partisans historiques de l’entente avec les islamistes : c’est Carter et Brzezinski qui ont imaginé la balkanisation islamiste du Moyen-Orient dans un plan qui conjuguait la division des musulmans et le réveil du Jihadisme. La division des musulmans était censée neutraliser les ennemis d’Israël entre eux et le Jihadisme s’attaquer aux Soviétiques. Passons le cas des israéliens, français et américains qui sont morts par milliers, victimes de cette expérience intellectuelle. Le défaut de ce génial plan de deux catholiques fervents était que depuis des années les Soviétiques contrôlaient de nombreux mouvements islamistes. Au final, ces groupes sont restés fidèles à Moscou et l’invention des américains, les Talibans, leur a échappé pour s’allier avec l’autre groupe.

Le retour aux affaires des Démocrates est attendu par les mollahs qui ont dépensé d’importantes sommes d’argent pour financer la campagne de Kerry, nous en avons parlé dans l’article consacré à Anousheh Ansari. Cette femme sera bientôt la première People iranienne favorable à des négociations entre les iraniens et les américains pour « promouvoir la paix ». Les mollahs continuent à espérer un come-back de Kerry et il convient de surveiller les candidats qui prennent ouvertement position en faveur de négociations avec les mollahs : c’est parmi eux que se cherchera le futur présidentiable Démocrate.

Le régime des mollahs veut donc gagner du temps pour voir se dessiner une nouvelle majorité après les élections de la Chambre et du Sénat américains. Telle est la raison de ce délai de 90 jours qui finirait quelques semaines après une défaite attendue (et souhaitée) de Bush par les mollahs mais aussi par les Européens.

Au Sénat, les républicains comptent 55 membres et les démocrates 45. Hillary Clinton et ses partisans doivent conserver huit sièges vulnérables et en plus battre six républicains en détresse dans d’autres États. Cela ne sera pas facile. Mais ça fait rêver les mollahs et leurs amis Européens. Ces derniers n’ont rien compris à l’équation du problème et continuent de se bercer d’illusions : les mollahs cherchent uniquement un Accord Global [2] avec les Américains et non pas avec une coalition d’Américains étendue à l’Europe.

WWW.IRAN-RESIST.ORG

Pour en savoir + sur les aspects iraniens de cette affaire :
- Iran : Les secrets des mollahs
- (27.09.2006)

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[1Déclarations de Jacques Chirac au Sommet Chirac-Poutine-Merkel Iran : du Real Politik au Sommet Chirac-Poutine-Merkel |

[2Le régime des mollahs a un objectif : obtenir un accord global (Iran+Hezbollah+Syrie) avec les Etats-Unis, et il a l’option de rester l’allié des Russes. Dans les deux cas, ce régime doit surfer sur la crise et ne peut en aucun cas être l’allié de la France |