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Lettre ouverte à Mme. Condoleezza Rice
08.07.2006

Évitez d'aider des faux héros qui démobilisent !



Suite à la demande au Congrès Américain par Condoleezza Rice, une enveloppe de 75 millions de dollars sera consacrée au développement des programmes de promotion de la démocratie en Iran par des échanges d’étudiant et une aide aux programmes radiotélévisés en persan.

Le département d’Etat a également annoncé qu’il allait se doter d’une « direction des affaires iraniennes » et créer une douzaine de postes de diplomates spécialisés sur l’Iran et parlant persan (farsi). 10 nouveaux postes seront créés dont un à la direction des droits de l’Homme et huit autres dans les pays possédant une forte diaspora iranienne.

Très étrangement, les Américains ont pris contact avec des « étudiants » iraniens qui étaient membres d’une milice pro khomeyniste tendrement baptisée « syndicat estudiantin du rapprochement des écoles coraniques et des universités ». Tout comme, Shirin Ebadi, ces derniers ont un discours islamiste modéré, mais tout porte à croire que les Américains n’ont aucune connaissance de l’islam et ignorent que c’est une religion faite pour gouverner. Ils continuent alors de promouvoir des démocraties islamiques espérant éduquer les islamistes et les rendre démocrates par l’exercice du pouvoir.

L’un des rares « avantages » de l’instauration d’une république islamique en Iran aura été la prise de conscience des Iraniens, toutes générations confondues, de l’incompatibilité de l’islam avec la modernité. Les autres « avantages » sont la fin brutale de la naïveté politique et de la croyance aveugle en la sagesse des « intellectuels iraniens ». Les Iraniens ont beaucoup souffert et souffrent encore mais ils ont appris à lire et ne pas laisser d’autres lire à leur place et tels des oracles et des Pythies leur dicter la conduite à suivre. La conséquence de cette prise de conscience est une lucidité à toute épreuve et un désaveu total des « intellectuels de gauche » qui ont plébiscité Khomeiny et se cachent derrière des piteuses excuses, car rappelons-le, ces fameux intellectuels de gauche, ancêtres des islamo-gauchistes ont plébiscité Khomeiny, l’ont soutenus jusqu’en 1983 avant de s’en fuir en Occident pour y mener une existence loin des tracas iraniens. Les Iraniens ont perdu par milliers leurs enfants à la guerre et jamais ils n’ont reçu le moindre mot d’excuse de ces intellectuels naviguant entre gauche et islam dans le seul but de pouvoir exercer un peu de pouvoir.

Il est donc extrêmement choquant de constater que les Américains n’accordent aucune attention à l’évolution de la société iranienne et continuent à aller chercher les compagnons de la Révolution de 1979. Il est choquant d’entendre Mme Rice parler d’échanges d’étudiants et des programmes radiotélévisés en persan. Nous connaissons ces étudiants et les programmes en question aussi et si les USA ne veulent pas de changement en Iran, c’est bien le style de politique à mener, car ces pseudo-« étudiants » ou pseudo-« activistes » des droits de l’homme (comme Amir-entezam, Ebadi, Ganji, Kadivar, Baghi, Kar, Tabarzadi, Batebi, les frères Mohammadi, Fakhr-Aavar…), des pseudo-« intellectuels de gauche » à géométrie variable (comme Abbas Milani –du Hoover Inst.-, Shahin Fatemi, Baqer Parham & ses fils, Jahanbegloo et bien d’autres…) qu’on leur propose déplaisent et sont détestés par le peuple (voir haïs dans le cas du Ganji et de Sazgara), Si l’occident persiste à les aider, le peuple se démobilisera et la résistance sera anéantie.

Dans ce cas, le peuple n'accordera pas foi à la démocratie.

Le problème est une approche «anti-démocratique» de l'aide. Si on donnait aux exilés iraniens les moyens d’avoir une puissante chaîne de Télévision libre où chacun s’exprimerait librement, nos hommes politiques indépendants pourraient s’adresser à leurs compatriotes et l’Amérique n’aurait pas besoin d’aller faire les poubelles de la république islamique. Le peuple iranien attend ces discours et les hommes et les femmes qui les ont imaginés, mais le média qui permettrait de proposer et diffuser ces programmes réalistes et adaptés à l’Iran n’existe pas.

En l'absence de ce média, l’Amérique doit toujours se contenter de quelques vieux politiciens iraniens sans envergures qui squattent dans les couloirs du département d’Etat. Il faut ouvrir des médias libres et laisser faire « la magie de la démocratie » et laisser des nouveaux leaders apparaître sinon à quoi bon se gargariser avec les mots démocratie, libertés, droits quand vous donnez la parole à ceux qui ont aidés Khomeiny comme (ces Ganji, Mehrangiz Kar, ou encore Shirin Ebadi ou à de jeunes recrues comme Atri et Trita Parsi ?

Oubliez ces « défenseurs iraniens » des droits de l’Homme du « genre dissident ». N’oubliez pas que vous avez applaudi des 2 mains sans avoir pris la peine de fouiller dans le passé de Khatami, de ce bon petit soldat de la révolution islamique qui avait été l’exécuteur de l’islamisation de l’université iranienne laïque depuis sa création en 1934 par Reza Shah Pahlavi.

Aujourd’hui encore, on continue la même politique d’autruche avec Shirin Ebadi qui n’a pas eu un seul mot de condamnation de l’antisémitisme d’Ahmadinejad. N’y croyez pas ! Elle fait partie du régime, elle a renoncé à sa fonction de juge, de femme libre, pour suivre et défendre les idées rétrogrades de Khomeiny.

Le salut de l’Occident n’est pas dans la recherche de faux-semblants, d’islamistes modérés, de dissidents musulmans dont le seul objectif est d’inviter la religion dans les débats politiques. La vérité n’appartient pas à Akbar Ganji qui a été lui-même un agent des Renseignements des Gardiens de la Révolution. Les droits de l’Homme ne sont pas bafoués parce que ce dernier est en prison. Information à prendre d’ailleurs avec précaution car le régime des mollahs jette parfois en prison ses propres « agents » pour les blanchir (lire notre article sur Ganji et son mentor Hajarian).

Les droits de l’Homme sont bafoués en Iran depuis « le début de la Révolution », mais si vous chercher un allié intérieur, vous pouvez compter sur le Peuple Iranien. Comptez sur lui et donnez-lui des hommes et des femmes qui auront un nouveau discours, laïque, inspiré du dégoût des Iraniens pour l’islam politique.

Il nous semble nécessaire de rappeler et répéter une fois encore que l’un des rares « avantages » de l’instauration d’une république islamique en Iran aura été la prise de conscience des Iraniens, toutes générations confondues, de l’incompatibilité de l’islam avec la modernité. Les autres « avantages » sont la fin brutale de la naïveté politique et de la croyance aveugle en la sagesse des « intellectuels iraniens ». La conséquence de cette prise de conscience est une lucidité à toute épreuve et un désaveu total des « intellectuels de gauche » qui ont plébiscité Khomeiny. Pour captiver ce peuple en colère cessez de faire la promotion des ex-Khomeynistes et vous verrez que vous pourrez mobiliser toutes les énergies en Iran et renverser les mollahs.

Nous avons besoin de votre aide financière à condition que vous n’apportiez pas votre aide à des fantômes du passé, à des traîtres au peuple iranien.

Évitez d'aider ces faux héros qui démobilisent. Des faux héros qui feront dire aux médias occidentaux : «les Iraniens ne bougent pas, c'est qu'ils se portent bien et ne veulent pas de changement (radical) de régime !»

Les conseillers de Bill Clinton ont mis en place des programmes de radio et télévision en persan, dans le but de confirmer le soutien camouflé de Clinton à Khatami. Clinton a également assoupli la loi Amato pour permettre aux compagnies pétrolières européennes de se réinstaller en Iran. Il a également abandonné les authentiques étudiants iraniens qui voulaient non pas modérer le régime mais le renverser... Nous doutons de l’efficacité de ses programmes. Pourtant ces programmes continuent et démobilisent la résistance des Iraniens. Il faut, Madame, changer ces programmes, les personnes qui les font et le ton qu’ils utilisent. Les Iraniens n’ont absolument pas besoin de ces débats insipides, politiquement corrects mais sans contenu où l’information est récitée sur un ton détaché (inadapté aux besoins actuels des résistants iraniens). Ce tableau catastrophique est celui des programmes de « Voice of America » ou « Radio Farda » (ex-Radio Liberté).

Ce qu’il faut à l’Iran, ce sont des programmes de qualité, des programmes de soulèvement, des indications pour mettre hors d’état de nuire les miliciens et pour cela les sourires sexy et les paroles « politiquement correctes » nous paraissent semblables à un traitement homéopathique que l’on prescrirait à un cancéreux en phase terminale qui s’étouffe.

De plus, il y a un autre danger. Si nos amis américains se contentent de vouloir adapter leur «révolution orange» à la sauce iranienne, ils ne feront que préparer le terrain pour la victoire de faux opposants faussement laïques qui ont longtemps collaboré avec les mollahs. Le régime changera de peau, mais il gardera ses réseaux et reprendra le pouvoir masqué et déguisé. Et les Américains auront un autre Irak peuplé des ersatz de Chalabi et de Jaafari avec une configuration inédite et encore plus complexe, cette fois en Iran. La démocratie réduite à des élections, dans un pays infesté de réseaux islamiques, terroristes ou mafieux est une invitation à l’anarchie, Madame Rice !

L’un des rares « avantages » de l’instauration d’une république islamique en Iran aura été la prise de conscience des Iraniens, toutes générations confondues, de l’incompatibilité de l’islam avec la modernité. Oubliez, Madame, le politiquement correct et le schéma directeur d’aide «aux dissidents». Aidez les opposants, ils sont 65 millions.

Si vous voulez aider la démocratie, aidez à l’émergence d’un média libre, offensif, incisif, jeune et au discours nouveau, à l’image des hommes et femmes nouveaux qui veulent bâtir un modèle unique. Il n'y a pas deux démocraties qui soient identiques, pourquoi y aurait-il un même et unique schéma directeur pour changer des totalitarismes que tout oppose (leur histoire, leur idéologie, leur méthode) : Oubliez, Madame, le politiquement correct et le schéma directeur d’aide « aux dissidents ».

Évitez d'aider ces faux héros qui démobilisent.

Il est possible de mobiliser le peuple, il l’attend et pour l’instant, c’est l’Amérique qui contribue malgré elle par l’intermédiaire des programmes et des employés formatés de « Voice of America » ou de « Radio Farda » à démobiliser la colère légitime des Iraniens. Ces 75 millions de dollars risquent de s’engloutir dans des projets, qui loin d’aider, la démocratie, aideront les adversaires d’un « changement » de régime.

Kavéh Mohséni au nom de l’équipe rédactionnelle d’Iran-resist.

Paris, le 28 Mars 2006.

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