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La dissuasion française peut «décapiter» le régime et son armée
19.02.2006 [Revue de presse spéciale Jean-Dominique Merchet + explications]

Deux articles complémentaires par Jean-Dominique Merchet, journaliste à Libération, spécialiste de la question militaire. Ultime Avertissement, la nouvelle doctrine nucléaire française....



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La France joue les gros bras au large de l'Iran

Après l’ex-Clemenceau, c’est au tour du porte-avions Charles-de-Gaulle de mettre le cap vers l’océan Indien... Il quittera Toulon le 28 février, mais cette fois-ci l’affaire semble plus sérieuse. La France s’apprête en effet à envoyer un groupe aéronaval croiser une quinzaine de jours devant les côtes de l’Iran, à partir de la mi-avril. Ce déploiement intervient alors que la communauté internationale s’inquiète de plus en plus des ambitions nucléaires de la République islamique. Jeudi, le ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, a dit tout haut, et de manière fort peu diplomatique, ce que les grandes capitales savent : l’Iran a un « programme nucléaire militaire clandestin ».

L’envoi du Charles-de-Gaulle dans le golfe Arabo-Persique (un clin d’oeil sémantique pour plaire aux alliés arabes de la France) n’est pas anodin. Le porte-avions et son groupe aérien sont en effet la troisième composante des forces nucléaires, avec les sous-marins SNLE et les avions Mirage 2000 N. « Nous ne disons jamais s’il y a des armes nucléaires à bord. C’est le président de la République qui décide seul en la matière », affirme le contre-amiral Xavier Magne, commandant du groupe aéronaval.

Têtes nucléaires. Concrètement, le bateau peut embarquer à tout moment une vingtaine de missiles ASMP (air-sol moyenne portée) dotés d’une tête nucléaire. Ces engins de 100 à 300 kilotonnes sont mis en oeuvre par les avions Super-Etendard, embarqués sur le Charles-de-Gaulle. Les têtes nucléaires seront-elles à bord ? « Secret défense ».

Officiellement, la mission Agapanthe de la flotte française ne concerne en rien l’Iran. Il s’agit de manoeuvres avec les marines des pays alliés, comme l’Inde, l’Arabie Saoudite ou les Emirats arabes unis. Le groupe aéronaval participera également à l’opération Enduring Freedom, de lutte contre le terrorisme, et ses avions pourraient ­ comme ils l’ont déjà fait ­ participer à des missions sur l’Afghanistan.

Toutefois, durant les deux dernières semaines d’avril, le groupe aéronaval, baptisé Task Force 473, naviguera dans les golfes Persique et d’Oman, c’est-à-dire à portée d’ailes de l’Iran. Outre le porte-avions, trois frégates ­ dont une britannique ­ et un sous-marin nucléaire d’attaque seront de la partie. Le message envoyé à l’Iran ne souffre guère d’ambiguïté.

«Intérêts vitaux». D’autant que le président Chirac a mis les points sur les « i » lors de son discours du 19 janvier sur la dissuasion nucléaire (voir le second article de Merchet) à la base de l’Ile-Longue.

Constatant « la tentation de certains Etats de se doter de la puissance nucléaire », il affirmait alors que « la prolifération [constituait] une menace réelle pour la sécurité internationale ». « Contre une puissance régionale, notre choix n’est pas entre l’inaction et l’anéantissement.

La flexibilité de nos forces stratégiques nous permettrait d’exercer notre réponse directement contre ses centres de pouvoir, sa capacité à agir », menaçait-il. À condition, bien sûr, que les « intérêts vitaux » de la France soient en jeu. Parmi ceux-ci, figurent désormais explicitement « la garantie des approvisionnements stratégiques [français] », c’est-à-dire le pétrole et « la défense de pays alliés ».

Ces pays alliés « ne se limitent pas nécessairement aux seuls Etats membres de l’Union européenne », a précisé le 25 janvier la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, devant les députés de la commission de la défense.

En dehors de l’UE ? On voit mal la France brandir sa force de dissuasion nucléaire pour la défense des Etats-Unis ou d’Etats africains. Mais Paris a des alliés très proches dans le Golfe, en premier lieu les Emirats arabes unis et le Qatar. L’Arabie Saoudite et, dans une moindre mesure, le Koweït et Oman ont également des liens importants avec la France sur le plan militaire. Exportateurs de pétrole et de gaz naturel, ces pays sont également de forts bons clients pour les fabricants d’armes français.

Avant de se rendre dans le Golfe, le groupe aéronaval français ira jusqu’en Inde. Pas vers le chantier de démolition d’Alang, mais pour un grand exercice naval avec la marine indienne, baptisé Varuna. Les Indiens devraient engager leur porte-avions Vikramaditya, de fabrication russe. Un bateau sans doute très amianté.

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L'armée a explicité la doctrine française

Désormais fondée sur l'Ultime Avertissement !

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Dans le plus grand secret, la France a modifié ses armes nucléaires pour rendre la dissuasion plus crédible. Et s’autoriser à infliger ... un ultime avertissement.

Il s’agit de rechercher une « amélioration dans le domaine des frappes », indique-t-on de source militaire. De deux façons :

des bombes pourraient être tirées à haute altitude pour créer une impulsion électromagnétique [1] et détruire les systèmes de communication et les ordinateurs de l’adversaire ;

et le nombre des têtes nucléaires à bord des missiles a été réduit pour augmenter leur portée et leur précision. Au total, ces «évolutions» visent à «mieux prendre en compte la psychologie de l'adversaire», vient de préciser la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, à la suite du discours du président de la République, le 19 janvier, à l'Ile-Longue.

Détermination. Jacques Chirac avait alors brièvement évoqué la notion d’Ultime Avertissement, quelque peu tombée en désuétude depuis la fin de la guerre froide. Selon la doctrine française, il s’agit de marquer la détermination des autorités, en tirant une « petite » arme nucléaire avant de recourir à une frappe massive. « L’ultime avertissement restaure le principe de la dissuasion, indique-t-on de source militaire. On ne peut pas offrir le choix au chef de l’Etat entre l’apocalypse et rien du tout. »

Selon nos informations, l’Ultime Avertissement pourrait prendre deux formes nouvelles.

Le plus démonstratif serait le tir d’une bombe d’assez faible puissance dans une zone désertique (et l'Iran en possède-ndlr), loin des centres de pouvoir et des zones habitées. Plus radical, le tir d’une bombe à très haute altitude visant à créer une « impulsion électromagnétique » (IEM). Il s’agit d’une émission brève et de très forte amplitude qui brouille ou détruit tous les systèmes électroniques non protégés. Sans éviter toutefois les effets de la radioactivité... À l’époque de la guerre froide, l’« ultime avertissement » aurait consisté à tirer des bombes nucléaires sur les divisions soviétiques, avant de s’en prendre aux grandes villes d’URSS.

À l’Ile-Longue, le président de la République avait précisé que « le nombre des têtes nucléaires a été réduit sur certains missiles de nos sous-marins ». Cette évolution ne vise pas au désarmement, mais au contraire à rendre les armes plus performantes. Chaque sous-marin embarque seize missiles M45, avec, sous la coiffe de chacun d’eux, six bombes nucléaires. Lors de la rentrée dans l’atmosphère, chaque « tête » se sépare et va frapper sa cible. Au total, un sous-marin transportait ainsi 96 armes nucléaires. En réduisant le nombre de têtes, parfois jusqu’à une seule par missile, l’engin s’en trouve allégé et sa portée s’accroît. Celle-ci est secrète, mais il est clair que les cibles potentielles peuvent se trouver au Moyen-Orient ou en Asie.

Autre évolution notable, les cibles des missiles peuvent être modifiées plus facilement : les marins parlent d’une « capacité de reciblage à la mer ».

Cibles. Ces « inflexions » visent toutes à permettre plus de « souplesse ». Devant les députés de la Commission de la défense, Michèle Alliot-Marie expliquait, le 25 janvier, qu’« un adversaire potentiel pourrait penser que la France, compte tenu de ses principes, hésiterait à utiliser l’entière puissance de son arsenal nucléaire contre des populations civiles. Notre pays a assoupli ses capacités d’action et a désormais la possibilité de cibler les centres de décision d’un éventuel agresseur ».

C'est-à-dire de «décapiter» un régime et son armée, plutôt que de vitrifier des millions d’innocents. La France ne s’engage pourtant pas dans les armes miniaturisées (mininukes), utilisables par les militaires sur le champ de bataille. Le chef de l’Etat a ainsi fixé un seuil minimal en dessous duquel la production de telles armes par le CEA est interdite. Mais ce seuil reste strictement confidentiel.

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