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Axe Téhéran-Moscou-Pékin
12.07.2005

Un axe Téhéran-Moscou-Pékin se dessine afin de contrer la menace des sanctions du Conseil de Sécurité en cas d’un échec des négociations entre l’UE et la République Islamique



Pékin et Moscou veulent un retrait américain

La Chine et la Russie avancent ensemble leurs pions sur l’échiquier le plus disputé de la planète. Hu Jintao et Vladimir Poutine ont convaincu hier quatre États d’Asie centrale de donner un coup d’arrêt aux ambitions militaires et aux ingérences politiques de l’Administration de George W. Bush dans la région. Le souci des régimes à poigne face à la contagion démocratique explique le ralliement de l’Asie centrale aux objectifs de Pékin et Moscou. Les hommes forts du Kazakhstan, du Tadjikistan et bien sûr de l’Ouzbékistan craignent de finir balayés par les foules, à l’image du Kirghize Askar Akaïev en mars. La dictature chinoise, ou la démocratie autoritaire russe paraissent à ces potentats plus rassurantes que l’ouverture politique prônée par l’Occident.

La déclaration finale du sommet qui a réuni hier tous ces pays, membres de l’Organisation de coopération de Shanghaï (OCS), à Astana, capitale du Kazakhstan, reflète l’ascendant stratégique, politique et économique de la Chine dans une région du monde où les États-Unis tentent de s’implanter durablement. Les six pays ont demandé que soit fixée la date d’un retrait des forces militaires américaines et internationales installées en Asie centrale depuis l’attaque contre l’Afghanistan en 2001.

Les bases américaines d’Ouzbékistan et du Kirghizstan n’en sont pas encore à fermer leurs portes. Mais le scénario de retrait n’est peut-être plus si éloigné. « Comme la phase militaire active de l’opération antiterroriste en Afghanistan est terminée, les pays membres de l’OCS jugent essentiel que les participants à la coalition antiterroriste fixent une date finale » pour leur départ, affirme la déclaration finale.

Depuis 2001, la Russie s’inquiète de l’influence américaine dans sa sphère naturelle, les ex-Républiques soviétiques d’Asie centrale. Depuis 2003, la Chine a tout fait pour renforcer ses liens avec Moscou et empêcher la répétition d’un coup de force américain contre l’Iran et la Corée du Nord, sur le modèle irakien.

Le sommet d’Astana pourrait ouvrir un troisième chapitre : celui où les deux grandes puissances asiatiques se sentent assez sûres d’elles-mêmes pour s’épauler et demander ensemble à l’Administration Bush d’engager la marche arrière au coeur de l’Asie. La question sera évoquée dès la fin de la semaine, lors de la visite à Pékin du secrétaire d’État américain Condoleezza Rice.

La Chine est l’élément moteur du groupe réuni au sommet à Astana. Lancée en 1999 comme un simple forum de discussion des conflits frontaliers, l’OCS s’impose peu à peu comme une organisation continentale de sécurité mutuelle, dont les États-Unis et leurs alliés se trouvent exclus.

La présence de l’Iran en tant qu’observateur à Astana ne peut qu’accroître les inquiétudes américaines. Dans les think tanks (instituts de réflexion) de Washington, certains vont jusqu’à évoquer l’apparition d’un axe Pékin-Moscou-Téhéran, contraire aux intérêts américains.

Le président chinois, invité de Vladimir Poutine le week-end dernier, évoquait « une coordination croissante (avec la Russie), sur la stabilité en Asie, sur la réforme des Nations unies et sur la question nucléaire dans la péninsule coréenne ».

L’OCS, elle, s’impose comme le vecteur des intérêts chinois, à commencer par la stabilité aux frontières occidentales de la République populaire. L’ouverture politique et le respect des droits de l’homme ne sont pas son souci. L’organisation de Shanghaï souscrit au principe de « non-ingérence » et soutient les vues chinoises sur Taïwan, le Tibet et le Xinjiang musulman. Au-delà de la convergence politique, la réussite économique du capitalisme d’État chinois semble plus séduisante en Asie centrale que les recettes libérales du FMI. Chacun y trouve son compte : des investissements chinois massifs, notamment dans le secteur de l’énergie, éclipsent déjà l’assistance économique de l’Occident.

http://www.lefigaro.fr/international/20050706.FIG0071.html?115204
Figaro, Jean-Jacques Mével [06 juillet 2005]