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Le rapport sur l’assassinat Hariri épingle Lahoud et les Syriens !
21.10.2005

Juste avant l’attentat, un suspect-clé a téléphoné à Emile Lahoud (président pro-hezbollah du Liban).



« Tout porte à croire raisonnablement que la décision d’assassiner Rafic Hariri n’a pas pu être prise sans l’approbation de hauts responsables sécuritaires syriens, que le crime n’aurait pas pu être organisé sans la complicité de leurs homologues libanais. »

C’est la première des très nombreuses conclusions que Detlev Mehlis a tirées dans son rapport de 54 pages, divisé en 210 paragraphes, et qu’il a remis hier à Kofi Annan, lequel l’a diffusé auprès des membres du Conseil de Sécurité. Le rapport attendu par tous les Libanais est une véritable bombe politique, qui touche le régime syrien en plein cœur.

Établissant sans ambages « des motifs politiques » et des « preuves convergentes » de la double implication des appareils sécuritaires libano-syriens, le juge allemand écrit que « vu l’infiltration des institutions et de la société libanaises par les services de renseignements syriens et libanais œuvrant en tandem, il serait difficile d’imaginer qu’un scénario où un complot en vue d’un assassinat aussi complexe aurait pu être mené à leur insu ».

Ainsi, après avoir rappelé les menaces faites directement par Bachar el-Assad à Rafic Hariri, rapportées par plusieurs témoins (Joumblatt (leader des musulmans druzes), Aridi (ministre de l’Information), Saad Hariri (fils du défunt), Tuéni (patron de presse et directeur d’An-Nahar), etc.), le rapport commence par indiquer que les SR (Services de Renseignements) libano-syriens étaient informés jour après jour de chaque déplacement du président Hariri des mois avant son assassinat.

Il précise que les investigations autour des cartes téléphoniques prépayées ont été un des moteurs principaux de l’enquête, « pour définir qui était réellement sur le terrain pour exécuter le crime ».

Detlev Mehlis écrit ensuite qu’une antenne de télécommunications qui couvrait la scène de l’explosion a été mise hors service durant le crime ; l’investigation autour de ces deux points « doit être poursuivie minutieusement », dit-il. Tout cela, sachant que le rapport fait état d’un « témoin syrien » qui dit que l’assassinat a été décidé sur le papier quelques jours après la résolution 1559.

Detlev Mehlis donne une importante part à un suspect « qui sera clé dans les investigations à venir » : Ahmed Abdel-Aal, responsable au sein des Ahbache (islamistes radicaux) et frère de Walid, membre de la garde républicaine. Il justifie cela par les liens d’Ahmed avec le Général Moustapha Hamdane (chef de la Garde présidentielle), ses appels téléphoniques, notamment « à Émile Lahoud (Président libanais) sur son portable le 14 février à 12h47, quelques minutes avant l’explosion, et à Raymond Azar (resp. de la Sécurité intérieure) à 12h49 ».

Concernant le fameux Abou Adass, le juge allemand assure qu’il n’existe « aucune preuve » de l’appartenance de ce dernier au groupuscule al-Nasr wal jihad fi bilad el-Cham, et qu’il a conduit le van qui transportait la bombe qui a tué Rafic Hariri. « À l’évidence, Abou Adass a quitté sa maison le 16 janvier 2005 et a été emmené, volontairement ou pas, en Syrie, où il a disparu depuis. »

Detlev Mehlis cite un témoin qui a affirmé que Abou Adass « a été obligé par le général Assef Chawkat (le beau-frère de Bachar el-Assad) d’enregistrer à Damas ses aveux sur vidéo 15 jours avant la date de l’explosion ».Les allusions directes incriminant de grosses pointures syriennes et confirmant la responsabilité des quatre généraux libanais arrêtés (sans compter de nouveaux noms, dont Adnane Addoum, (procureur général libanais) sont nombreuses.

Detlev Mehlis affirme ainsi que certaines de ces personnes, y compris Farouk el-Chareh (ministre syrien des Affaires étrangères de la Syrie), ont « tenté d’égarer les recherches. La lettre adressée par ce dernier s’est révélée contenir des informations fausses », accuse-t-il. Il écrit en outre que « Jamil Sayyed (directeur général Syrien de la Sûreté) a coopéré étroitement avec Moustapha Hamdane (le rapport est accablant à l’encontre du resp. de la Garde présidentielle) et Raymond Azar (Sûreté Lib.) dans la préparation de l’assassinat.

Il a également coopéré avec Rustom Ghazalé (le successeur du suicidé Ghazi Kanaan) et, entre autres, avec des gens d’Ahmed Jibril, chef du FPLP-CG. Hamdane (garde présidentielle) et Azar (Sûreté Lib.) ont assuré le soutien logistique, l’argent, les téléphones, les voitures, les talkies-walkies, les pagers, les armes, les cartes d’identité ....

En conclusion, le juge allemand Detlev Mehlis affirme, entre autres, qu’« il incombe à la Syrie de clarifier une part considérable de tout ce qui reste encore irrésolu ». Il est clair que dans le cas contraire, si Damas décidait de ne pas coopérer – d’ici au 15 décembre – ou de ne pas livrer, le cas échéant, les suspects syriens, elle s’exposerait à un isolement dont les conséquences risquent d’être extrêmement négatives pour le peuple syrien. Surtout que Washington, qui attend de lire le rapport pour se prononcer, a jugé bon de rendre un hommage appuyé à Detlev Mehlis, à « la précision », et « au sérieux » de son travail et de sa « méthodologie ».