Il est très difficile de trouver des chiffres fiables en Iran. Sur ce site, chaque fois que nous avons un coup de blues, nous nous ruons sur les sites économiques pour lire des articles économiques car il n’y a rien de plus drôle en Iran : les articles ne contiennent généralement aucun chiffre, mais des louchées de pourcentages ou de taux d’augmentation ou de diminution qui restent vagues sans au moins un chiffre daté. Cela tient au fait qu’il y a énormément de mensonges du côté du régime sur ses revenus et ses dépenses. Les tableaux officiels comme les taux de l’inflation sont travestis à la base au moment de leur publication au coup par coup, de fait on ne peut y faire référence car les chiffres ne collent pas d’un mois à l’autre. Les journalistes préfèrent donc faire impasse sur les chiffres qu’on leur propose. Tout n’est pas fichu car il y a tout de même de temps en temps des articles économiques avec des chiffres. Cependant, dans 100% des cas, les chiffres sont jetés en vrac : il y a des chiffres, taux d’augmentation, des pourcentages, des dates, mais il manque toujours un chiffre et une date qui relierait toutes les informations ensemble. Cela tient aux risques encourus par les auteurs. Il faut dans ces cas se munir d’un crayon et d’un bout de papier pour dessiner un diagramme et alors on retrouve le chiffre et la date que l’on croyait manquants et tous les chiffres reprennent leur place et l’on peut avoir une vision juste de la situation dont on avait une idée grâce à la cueillette des infos auprès de nos contacts. Ce genre d’articles est certainement l’une des seules sources économiques fiables en Iran.

Quand on parvient à en dénicher un, on peut relire nos notes sur les infos partielles recueillies auprès de nos contacts ou sur les forums de discussion où les gens parlent de leurs revenus et de la vie chère en citant certains prix. En dehors de ce genre d’articles, il y a une autre source fiable : le niveau du seuil de la pauvreté. Ses variations donnent un taux fiable de l’inflation.

En début 2009, le niveau du seuil de pauvreté était de 750 dollars par mois à Téhéran. Un an après, il a dépassé, selon tous les médias du régime, les 1200 dollars par mois soit une augmentation d’au moins 60% ! En 2009, en trouvant par hasard une information sur l’augmentation des salaires des miliciens chargés de la sécurité des dignitaires, nous avions trouvé exactement le même chiffre ! C’est d’ailleurs ce que ressentent les Iraniens et qui a suscité de vives critiques à la présente annonce d’un taux de 10,5% !

Pour expliquer ce ressenti contradictoire avec la présente annonce, le milicien Bahmani, le directeur de la Banque Centrale Iranienne, a précisé qu’il avait obtenu ce chiffre en prenant en compte tous les taux de l’inflation et non pas uniquement de taux des produits de grandes consommations. Il a ainsi attribué ce chiffre étonnamment bas à la prise en compte de la baisse de certains produits comme les loyers alors que les loyers n’ont pas selon lui augmenté. Or, ils n’ont pas augmenté car en raison d’une hausse vertigineuse de chômage, il est devenu risqué de louer les logements. Les explications fumeuses du milicien banquier connu pour ses mensonges n’ont pas convaincu les Iraniens pour qui l’annonce relève donc du maquillage annuel des chiffres voir une cure d’amaigrissement esthétique avant la hausse de 40% de l’inflation au moment de la suppression des prix subventionnés dans les prochaines semaines. Téhéran a baissé le taux de 50% pour ne pas se retrouver avec l’aveu d’une inflation à 100% !

Il est permis de douter des explications de Bahmani car dans la version occidentale de la dépêche destinée à rassurer les investisseurs étrangers, on n’évoque plus seulement cette supposée baisse des loyers, mais en plus des variations des prix du pétrole. Le régime offre à chacun une explication conforme à ses critères.

Alors que les Iraniens ont remis en cause ce chiffre abracadabrant, les médias des Etats étrangers qui ont d’importants intérêts en Iran ont comme toujours diffusé avec précipitation le taux officiel de l’inflation iranienne qui plaide ouvertement l’inefficacité des sanctions. Dans quelques jours, nous aurons aussi droit à des interviews de lobbyistes du régime dont certains se prétendent des économistes, mais à la mode mollah c’est-à-dire sans chiffre, pour transmettre ce message aux entrepreneurs français. On ne peut que les encourager dans cette voie car après tout c’est bien leurs capitaux, s’ils ont envie de les perdre, qu’ils continuent. Ils précipiteront la chute de ce régime.

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L’économie iranienne selon les chiffres européens :
 Iran : Les comptes sont dans le rouge d’après Eurostat
 (10 septembre 2009)