FRANCE-SOIR. Vous qui êtes en lien permanent avec la jeunesse et l’opposition iranienne, comment analysez-vous le discours du guide Ali Khamenei qui a soutenu Ahmadinejad ?

KAVEH MOHSENI. Il a dit que l’on ne peut pas contester les résultats car cela menace la légitimité des élections futures. J’en ai d’ailleurs parlé dans mon site (Manipulations hasardeuses d’un régime déboussolé).

Dix responsables du clergé chiite n’ont pas félicité Ahmadinejad et 4 déplorent les fraudes (Ali Montazeri, Nasser Shirazi, Asadollah Zanjani) et le critiquent ? Qu’en pensez-vous ?

Ce sont des débris du régime : ils ne peuvent revendiquer cette foule tout en condamnant ses excès ! Ils suivent le mouvement pour feindre de l’organiser, mais on entend le slogan « mort à la République islamique » ! En réalité, mollahs et Pasdarans se partagent le pouvoir entre clans familiaux et masquent leurs divisions par un simulacre démocratique de « pluralisme politique ». Croyant pouvoir mieux refuser la main tendue par Barack Obama en laissant exprimer ce refus par un candidat « modéré » légitimé par la contestation populaire, les mollahs ont laissé faire une pseudo-contestation. Mais la rue en a profité. En semant du vent, le régime a récolté une tempête.

Ahmadinejad est-il en danger ? Etes-vous optimiste ?

Il y a danger surtout pour ceux qui feignent être du côté du peuple : les masques tombent. Cela m’inspire espoir. Moussavi et Khatami ont demandé d’exécuter les contestataires hors système. La rébellion échappe aux réformateurs, 3 millions de personnes dans les rues ! On a même essayé de faire exploser le tombeau de Khomeiny !

Le pays peut-il basculer dans la guerre civile ?

Selon nos infos (émanant d’anciens militaires iraniens), la contestation est nationale, des affrontements ont lieu dans 18 villes. On dénombre 251 morts, 322 blessés (qui ne trouvent pas d’hôpitaux pour se soigner car surveillés par la milice) et 122 prisonniers. Des images filmées par des cellulaires montrent pléthore de morts, l’attaque d’une des casernes de la milice bassidji à Téhéran (qui dura deux jours et conduisit à sa prise). Mais on encourage les jeunes à éviter de s’exposer car le mouvement n’en est qu’à ses débuts. C’est la répétition générale de la fin du régime.

Les jeunes manifestants se battront-ils jusqu’au bout ?

Ils n’ont rien à perdre : près de 80 % de chômage sur la base des statistiques recoupées, 40 % de travailleurs (sans compter les femmes) sans couverture sociale et des salaires équivalents au tiers du seuil de pauvreté ! Les plus malchanceux finissent en prison ou pendus. L’Iran a 600.000 prisonniers et une augmentation de 140 % par an !

Sur quoi vous appuyez-vous pour dire que les manifestants veulent renverser le régime et que les partisans de Moussavi munis de drapeaux verts sont de faux opposants ?

Sur les slogans hostiles au régime et les gens qui chantent l’hymne national antérieur à la révolution ! Depuis six jours, le peuple choisit des lieux de manifestation en désobéissant à Moussavi, qui vient du système. Le peuple ne le suit pas, mais Moussavi et ses 30.000 partisans (issus du régime) suivent le cortège ! Sur les vidéos diffusées sur mon site, on voit peu de personnes vêtues de vert, couleur de l’Islam.

Que dites-vous à vos jeunes compatriotes en Iran et à l’étranger ?

Ceux qui arborent la couleur verte sans parler des affrontements et des nombreux morts ne sont pas fiables. Ce sont des étudiants boursiers du régime qui dépendent de lui pour leur visa et l’argent de poche ou encore des hommes d’affaires liés au régime.

Ce mouvement est-il aidé par les révoltes ethno-séparatistes kurdes ou azéries ?

Les groupes séparatistes longtemps financés par les USA sans succès affaiblissent le régime, attaqué sur tous les fronts intérieurs.

Comment analysez-vous la faible réaction d’Obama ?

Washington a soutenu médiatiquement Moussavi car les EU ont besoin de l’allié iranien pour accéder à l’Asie centrale. Mais si les Iraniens continuent de contester le régime, les Etats-Unis devront en vertu de leur conviction démocratique les soutenir.

Etes-vous en lien avec le prince héritier Reza Pahlavi ?

Pahlavi est très actif. Il a réussi à unir les Iraniens de tous bords autour de l’idée d’Unité, pour arriver ensemble à un référendum où chacun voterait pour le régime démocratique (république ou monarchie) de son choix. Je le soutiens comme nombre d’amis de gauche ou de droite. Les Iraniens apprécient Reza Pahlavi car c’est un démocrate qui leur a appris à se battre de manière solidaire et autonome. Son message fédérateur explique l’efficacité des manifestations et anime nombre de manifestants et même de coordonnateurs.

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