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Le Monde | Poutine : L’Iran ne veut pas la bombe !
31.05.2008

En visite en France, Vladimir Poutine a accordé un entretien à trois journalistes du Monde [1]. Nous vous publions ici, les extraits mentionnant l’Iran.



Estimez-vous que l’Iran essaie d’acquérir la bombe nucléaire ?

Je ne le crois pas. Rien ne l’indique. Les Iraniens sont un peuple fier et indépendant. Ils veulent jouir de leur indépendance et utiliser leur droit légitime au nucléaire civil. Je suis formel : sur un plan juridique, l’Iran n’a rien enfreint pour l’instant. Il a même le droit d’enrichir [de l’uranium]. Les documents le disent.

On reproche à l’Iran ne pas avoir montré tous ses programmes à l’AIEA. Ce point reste à régler. Dans l’ensemble l’Iran, semble-t-il, a dévoilé ses programmes nucléaires.

J’ai toujours dit ouvertement à nos partenaires iraniens que leur pays ne se trouvait pas dans une zone aseptisée, mais dans un environnement compliqué, dans une région du monde explosive. Nous leur demandons d’en tenir compte et de ne pas irriter leurs voisins ou la communauté internationale, de prouver que le gouvernement iranien n’a pas d’arrière-pensées.

Nous avons travaillé en étroite collaboration avec la partie iranienne et avec nos partenaires du « Groupe des 6 » et nous continuerons à le faire.

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Si vous appreniez que l’Iran confectionne vraiment une bombe nucléaire, serait-ce un problème pour la Russie ?

La politique ne supporte pas le subjonctif. Quand nous disposerons de telles informations, nous réfléchirons à la marche à suivre.

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Sur le plan des principes, l’Iran en tant que grande puissance peut-elle prétendre à l’arme nucléaire ?

Nous sommes contre. C’est notre position de principe. Cette voie est extrêmement dangereuse. Elle n’est bonne ni pour la région, ni pour l’Iran. Utiliser l’arme nucléaire dans une région aussi petite que le Proche-Orient serait synonyme de suicide. Quels intérêts cela servirait-il ? Ceux de la Palestine ? Alors les Palestiniens cesseront d’exister. Nous connaissons la tragédie de Tchernobyl. Ce serait contre-productif. Nous avons toujours été sur cette position et j’espère que le président Medvedev la partagera toujours.

Nous allons, par tous les moyens, empêcher la prolifération de l’arme nucléaire. Pour cette raison, nos avons proposé un programme international d’enrichissement de l’uranium, car l’Iran n’est qu’une pièce du problème. Beaucoup de pays émergents se trouvent face au choix de l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins civiles. Ils vont avoir besoin d’enrichir de l’uranium et pour cela de créer leur propre circuit fermé. Il y aura toujours des doutes sur l’obtention de l’uranium à des fins militaires. C’est très difficile à contrôler.

C’est pour cela que nous proposons que l’enrichissement se fasse dans des pays au-dessus de tout soupçon, car ils ont déjà l’arme nucléaire. Pour engager ce processus, les participants devront être certains de recevoir les quantités nécessaires et qu’on leur reprendra le combustible usagé. On peut créer ce système. Il sera suffisamment fiable et sans danger.

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Vous vous êtes opposés à Washington sur de nombreux dossiers : le Kosovo, l’Irak, le bouclier antimissile, le nucléaire iranien. Comment jugez-vous le bilan de George Bush en politique étrangère ?

Je ne porterai pas de jugement car je ne me sens pas en droit de le faire. C’est au peuple américain de juger. J’ai mon avis. Je pense que le président des Etats-Unis porte une énorme responsabilité puisque son pays a une lourde charge dans les affaires internationales et dans l’économie mondiale. Il est toujours facile de critiquer de l’extérieur. Nous avons toujours eu notre propre position sur de nombreux dossiers, et donc des divergences dans la résolution des problèmes. Nous n’étions pas les seuls. La France, sur l’Irak, partageait nos vues. Plus encore, l’Allemagne et la France ont pris position sur l’Irak avant que nous ne les rejoignons, et non le contraire. On a dit que notre point de vue n’était pas juste. La vie a démontré que rien ne peut être résolu par la force. Impossible. Il ne peut y avoir de monopole dans les affaires internationales. Il ne peut y avoir de structure monolithe dans le monde, ni d’empire ou de maître unique. De telles questions peuvent se résoudre uniquement de façon multilatérale, sur la base du droit international. La loi du coup de poing ne mène à rien. Si on continue sur cette voie, il y aura tant de conflits qu’aucun Etat n’aura assez de ressources pour les éteindre.

Dans nos relations avec les Etats-Unis, il y a plus d’aspects positifs que de divergences. Par exemple, les échanges commerciaux s’accroissent d’année en année. Nous avons beaucoup d’intérêts communs sur les grands dossiers internationaux, en particulier face à la prolifération. Là-dessus, nous sommes totalement en accord. La lutte contre le terrorisme a souvent un aspect confidentiel, mais elle devient de plus en plus efficace. Nous nous sommes vus récemment avec George Bush à Sotchi. J’ai eu la possibilité de le remercier pour la collaboration entre nos services dans la lutte antiterroriste. Nous n’avons pas de grande divergence sur le nucléaire iranien.

La Russie est membre du Conseil de sécurité et dans le cadre du "Groupe des six", nous agissons en accord avec le Conseil et votons à l’unanimité ses résolutions. Cela dit, comme le dit l’article 41 du chapitre 7 de la charte des Nations unies, tout ce que nous avons entrepris ne suppose pas l’usage de la force. Différents points de vue s’expriment à Washington.

Dieu merci, aucune action militaire n’a été décidée. Nous espérons que cela n’arrivera pas. Nous comprenons que nous devons résoudre ce problème ensemble.

Donc oui, nous avons des divergences, mais l’atmosphère de coopération et la confiance sont telles, qu’ils nous donnent de l’espoir pour l’avenir. C’est cela d’ailleurs qui nous a permis de signer à Sotchi une déclaration sur la collaboration à long terme entre nos pays.

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Pourquoi Poutine défend la solution via le Groupe des Six :
- Iran : Poutine plaide en faveur des mollahs
- (6 AVRIL 2008)

Les enjeux de ce soutien :
- Attaquer l’Iran équivaut à attaquer la Russie
- (19 SEPTEMBRE 2007)

| Mots Clefs | Décideurs : Lavrov | Ivanov | Poutine |

| Mots Clefs : Alliance IRAN-RUSSIE |

[1Propos recueillis par Marie Jégo, Rémy Ourdan et Piotr Smolar