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L’Orient Le Jour : Les mollahs seront les artisans de leur propre chute, estime Kavéh Mohséni
04.04.2007

L’Iran est aujourd’hui le centre d’intérêt principal dans le monde : nucléaire, Irak, Liban, Israël, conflit sunnito-chiite, sources énergétiques, terrorisme, etc. La menace de la République islamique plane sur tous ces dossiers. Kavéh Mohséni, opposant iranien exilé à Paris, ancien porte-parole du Comité de coordination du mouvement estudiantin pour la démocratie en Iran et fondateur du journal on-line Iran-Resist, explique à L’Orient-Le Jour la véritable stratégie du régime actuel.



La pérennité du régime iranien fondée sur un « jeu de rôle »

« Tout d’abord, l’Iran a une situation géostratégique particulière. Situé au carrefour de l’Asie centrale et du Moyen-Orient, il donne sur l’océan Indien et sur le golfe Persique. L’Iran est par ailleurs le voisin de l’Irak et de l’Afghanistan, et était auparavant l’un des plus grands voisins asiatiques de l’ex-URSS. Donc, quel que soit le régime en place, l’Iran sera un centre, soit de déstabilisation, soit de stabilité régionale », affirme d’emblée Kavéh Mohséni.

« Il s’avère que les gens qui sont actuellement au pouvoir en Iran ont besoin de crises pour se faire valoir sur la scène internationale », explique-t-il. La création du Hezbollah au début des années 80 s’inscrit précisément dans ce contexte, puisque le parti de Dieu va permettre à Téhéran de « peser sur le conflit le plus médiatique de la planète, c’est-à-dire le conflit israélo-palestinien, et essayer de détourner ce conflit pour en faire un centre de crise permanent ».

L’opposant iranien précise que chaque fois que le régime des mollahs a un problème sur la scène internationale, il se lance dans des manœuvres visant à pousser le monde à composer avec lui.

« Leur premier acte dans ce domaine était les deux attentats, contre les marines et les soldats français de la Force multinationale, qui ont marqué la naissance du Hezbollah. À ce moment-là, les Américains et la Force multinationale ont quitté le Liban, livrant le pays à cette nouvelle force sans toutefois reconnaître sa présence. Aujourd’hui, les mollahs veulent toujours obtenir cette reconnaissance, qui représenterait une garantie en terme de sécurité pour le Hezbollah. »

Selon lui, les Iraniens « utilisent toutes les crises qu’ils ont entre les mains pour arriver à faire capituler l’Amérique. Toutes les provocations nucléaires, toutes les provocations antisémites, antisionistes, antishoah, l’aide aux insurgés en Irak, le soutien au Hezbollah, visent à pérenniser leur mainmise sur la région ».

M. Mohséni considère justement que son rôle en tant que chroniqueur politique ou à travers le site www.iran-resist.org consiste à informer les gens, à leur expliquer « l’action des mollahs ».

« Quand ils disent par exemple qu’ils veulent des garanties de sécurité, quand ils organisent des expositions avec des caricatures anti-Israël, sont-ils vraiment antisémites ou bien veulent-ils provoquer les États-Unis ? »

Clarifier les tenants et aboutissants de la stratégie iranienne est essentiel, selon lui, pour empêcher « les pseudo-chercheurs occidentaux d’intervenir sans arrêt et de faire du lobbying en faveur du régime des mollahs en expliquant qu’il faut attendre que les modérés arrivent au pouvoir, qu’il faut plus de temps pour que la situation s’arrange… ». Pour M. Mohséni, « il n’y a pas de modérés et il ne faut pas attendre car on risque d’avoir toujours la même chose ».

Revenant sur les dernières élections iraniennes durant lesquelles trois forces sont sorties victorieuses – les réformateurs, les conservateurs modérés et les ultraconservateurs –, M. Mohséni explique qu’il s’agit « d’un jeu de rôle ».

« Au début, quand il a pris le pouvoir, Rafsandjani était considéré comme un ultra. Le 5 mai 1989, il avait fait défiler 10.000 hommes en armes du Hezbollah à Baalbeck lors du Jour de Jérusalem, et appelé les Palestiniens à tuer les Américains, les Britanniques ou les Français… Mais aujourd’hui, tout le monde est atteint d’amnésie et on le considère comme un pragmatique, alors qu’il s’est retiré de la vie publique suite à son inculpation pour terrorisme dans l’affaire du restaurant Mykonos à Berlin. Parallèlement, il a propulsé sur le devant de la scène politique son ancien conseiller culturel, Khatami, qui n’était pas assez connu en Occident », aime rappeler l’opposant iranien.

« Ils ont d’abord lancé des journaux réformateurs, puis ont mis en avant des étudiants réformateurs, promu des manifestations de réformateurs et ensuite des candidats réformateurs. Mais il n’y a jamais de réformes », s’indigne M. Mohséni. « Il ne s’agit que d’un jeu de rôle », insiste-t-il.

En fait, précise-t-il, « Rafsandjani s’est fait créer le Conseil du discernement dont il est le chef et qui définit l’ensemble de la politique du pays quel que soit le gouvernement. Il a par la suite nommé son meilleur allié, Khamenei, comme dauphin de Khomeiny ». Alors que des rumeurs circulent selon lesquelles il pourrait le remplacer et devenir lui-même le guide suprême, M. Mohséni estime, quant à lui, que Rafsandjani préférerait garder sa liberté d’action et choisirait un inconnu pour ce poste.

« La force de ce régime tient en ce qu’il joue sur la multiplicité. On ne sait pas qui décide », précise-t-il, avant d’expliquer qu’il s’agit là d’une politique extrêmement intelligente qu’il faut dénoncer en ce qu’elle vise uniquement à la sauvegarde du régime en place. « C’est un travail harassant parce qu’ils sont très nombreux et nous sommes une poignée » en face d’eux.

Il revient par ailleurs sur les Moujahidine du peuple, « qui sont devenus pour Téhéran l’interface officielle de l’opposition ». En mettant en évidence ce mouvement « détesté par tous les Iraniens », le régime mise sur le fait que personne ne bougera par peur que ces gens-là arrivent au pouvoir. « C’est une sorte d’airbag antisoulèvement », explique-t-il, affirmant que les Moujahidine « ont un bilan trop lourd » pour pouvoir représenter une alternative au pouvoir actuel.

M. Mohséni conclut toutefois que « la chute des mollahs ne viendra pas de nos efforts… C’est eux-mêmes qui seront les artisans de leur propre chute, et non pas l’opposition ». En cas de soulèvement contre le pouvoir, l’Iran sera confronté à un vide « car on ne sait pas qui pourrait représenter une alternative au pouvoir. Les Iraniens ont conscience de ce problème et c’est pour cette raison qu’ils ne bougent pas. Le peuple ne veut pas devenir de lui-même l’artisan d’un plus grand malheur pour son pays ».

Propos recueillis par Antoine AJOURY

Décodages | En cas de soulèvement contre le pouvoir, l’Iran sera confronté à un vide car on ne sait pas qui pourrait représenter une alternative au pouvoir... parce que les Etats démocratiques ne soutiennent pas les opposants laïques, certains comme les Etats-Unis sont même devenus les alliés des faux-opposants et faux dissidents du régime des mollahs.

WWW.IRAN-RESIST.ORG

| Mots Clefs | Enjeux : Changement de régime |

| Mots Clefs | Resistance : FAUSSE(s) OPPOSITION(s) |

| Mots Clefs | Textes & Entretiens : Kaveh Mohseni |

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PDF de L’Orient Le Jour du Lundi 2 Avril