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Libération | Margerie paie pour les pots-de-vin cassés
25.03.2007

L’affaire instruite par les juges Philippe Courroye et Xavière Simeoni pourrait également se politiser...

Par Renaud LECADRE



Christophe de Margerie, directeur général de Total, a été mis en exame hier soir pour abus de biens sociaux et corruption. Déjà poursuivi pour de versements occultes en Irak, il s’agit cette fois d’une affaire en Iran. En 1997 le pétrolier français décrochait, en compagnie du russe Gazprom et d malaisien Petronas, l’exploitation du champ gazier off-shore de Pars-Sud, a large des côtes iraniennes. Le contrat était alors accompagné d’un commission occulte de 60 millions d’euros destinée au fils du présiden iranien, Hachémi Rafsandjani. Total n’est ni la première ni la dernièr compagnie à procéder ainsi dans les grands contrats internationaux. Sauf qu cette contrepartie occulte a été étalée dans le temps, avec des versement fractionnés au-delà de l’année 2003, date à laquelle la France a ratifié ­ ave retard ­ la convention OCDE qui proscrit toute commission à un agent publi (fonctionnaire ou politique) étranger. Dès lors, le reliquat dû au cla Rafsandjani, dont une partie a été saisie par la justice suisse, tombe sous l coup de la loi

Secret | Aujourd’hui, Margerie n’est pas poursuivi en tant que patron de Total, mais comme ancien directeur en charge du Moyen-Orient et à ce titre seul signataire (côté français) du contrat iranien. Il pourra toujours arguer qu’il l’a signé dans l’intérêt de son entreprise et de son président, Thierry Desmarest, qui a jusqu’ici échappé aux poursuites pénales une « curiosité du dossier », selon une source judiciaire. Mais on voit mal Margerie mettre en cause celui qui l’a désigné comme successeur. Deux autres dirigeants ainsi que deux anciens cadres de Total ont aussi été placés en garde à vue, sans être mis en examen à ce jour. Mais leur tour pourrait venir et les ex-salariés se lâcher.

L’affaire instruite par les juges Philippe Courroye et Xavière Simeoni pourrait également se politiser : le contrat iranien avait initialement été négocié par et pour des compagnies pétrolières américaines, avant que la Maison Blanche (Administration Clinton - ndlr) ne mette son veto en raison du contentieux américano-iranien (Sous Clinton, les députés américains ont voté la loi Amato pour contraindre le régime des mollahs à respecter ses engagements, cependant Clinton a également assoupli la loi Amato pour permettre aux compagnies pétrolières européennes de se réinstaller en Iran. - ndlr). Total et ses partenaires se sont engouffrés dans la brèche, forcément « avec l’aval des plus hautes autorités de l’Etat », selon un proche du dossier. A savoir Matignon, alors occupé par Lionel Jospin. Les enquêteurs pourraient cependant se voir opposer le secret défense, comme dans le cas des frégates de Taiwan. Il y a un an, lors d’une première enquête ébauchée en France par la justice suisse, les dirigeants du groupe pétrolier s’étaient opposés à une perquisition au siège, prétextant déjà la « protection des intérêts fondamentaux de la nation »...

A la différence des vieilles affaires Elf, les responsables de Total soulignent que les commissions occultes, inévitables dans les contrats internationaux, n’auraient donné lieu à aucune rétrocommission. Peut-être, mais, quoi qu’il en soit, ces affaires de caisse noire commencent singulièrement à polluer l’atmosphère.

Suspect | Tout a commencé avec l’enquête sur une cagnotte suisse, baptisée Telliac (palindrome de son gestionnaire, Caillet). Elle a surtout servi en Irak, permettant à Total de verser clandestinement 4 millions d’euros à un intermédiaire libanais proche du parti Baas. Margerie est déjà mis en examen dans cette affaire, un de ces cadres en a expliqué le fonctionnement : « La structure a été constituée pour dissimuler les véritables bénéficiaires, elle servait à arroser un certain nombre d’officiels. » Outre l’Irak, la caisse noire a occasionnellement servi en Tanzanie « pour rémunérer des décideurs qui ne pouvaient être que politiques », admet un dirigeant de Total. Une autre information judiciaire a été ouverte concernant le Cameroun, les enquêteurs ayant relevé un flux financier suspect sur les comptes d’un officiel camerounais à Paris.

Ironie du calendrier, les avocats de Total réclamaient hier après-midi, devant le tribunal correctionnel de Paris, des dommages et intérêts contre d’anciens dirigeants d’Elf (racheté entre-temps) poursuivis pour l’emploi fictif et en Suisse de compagnons de route de François Mitterrand et de Charles Pasqua. En se drapant dans la dignité outragée par un passé supposé révolu.

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Pour en savoir + sur le même sujet :
- Iran - Total : Rafsandjani éclaboussé dans la guerre de succession de la direction du principal groupe pétrolier français
- (24.03.2007 )

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