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Iran : La méthode Parmentier
07.12.2006

Finalement, le groupe d’étude indépendant Baker-Hamilton a publié son rapport (80 recommandations consensuelles). Nous avons précédemment analysé les recommandations de ce rapport boiteux qui a lui-même fait couler les chances d’un dialogue avec les mollahs et ce parce que le rapport Baker ne considère pas l’ingérence des mollahs en Irak comme une stratégie délibérée pour obtenir des Garanties de son rôle régional. Pour le rapport Baker, l’Irak et le Liban sont deux crises indépendantes, conséquence de cette vision simpliste, il propose des solutions simples et fausses.



Nous avions également dans cette analyse souligné l’intérêt démesuré porté au rapport par le Quai d’Orsay, le président français, ses conseillers et les experts français du Moyen-Orient. Malheureusement, malgré un déploiement digne du lancement de la dernière console Play Station, le rapport demeure boiteux et ne sera sans doute qu’un feu de paille. Néanmoins, les journaux français y ont consacré de nombreux articles en faisant intervenir quelques pointures sur les questions iraniennes. Afin de livrer un avis objectif, « Le Monde » a eu la lumineuse idée de questionner le très anti-Bush Guillaume Parmentier. Dans cette dernière intervention Parmentier recycle des idées dangereuses sous des formulations qui ressemblent étrangement à celles des mollahs, ce sont des idées qu’il a toujours eu.

Nous avons donc décidé de publier de larges extraits de son interview suivi de quelques citations de Parmentier qui aurait dû réduire les archives du même quotidien en hachis pour échapper à nos sarcasmes.

interview…

Le Monde | Comment interprétez-vous les déclarations des rapporteurs Baker et Hamilton, mercredi 6 décembre, après qu’ils ont remis au président George W. Bush leurs conclusions sur la situation en Irak ?

Guillaume Parmentier | Il s’agit, clairement, de placer le débat sur des bases bipartisanes (…) Le risque dans cette affaire, c’est que les démocrates et les républicains ou, si l’on veut, le Congrès et l’administration, jouent à « qui perd gagne » (…) il est clair que les Etats-Unis ne pourront pas se sortir de ce problème d’une façon qui permette de maintenir leur honneur et une influence suffisante dans le Moyen-Orient dans son ensemble.

Le Monde | Est-ce que les conclusions du rapport Baker-Hamilton vont avoir des incidences sur la politique étrangère américaine en Irak ?

Guillaume Parmentier | Il propose donc une conférence régionale dans laquelle seraient impliquées toutes les parties : les pays qui seraient prêts à aider à la stabilisation de l’Irak et les pays de la région, ce qui implicitement veut dire la Syrie et l’Iran. Le problème qui se pose, c’est qu’à ce stade, l’Iran comme la Syrie risquent de faire payer extrêmement cher un éventuel soutien. L’Iran, avec des demandes difficiles acceptées par le reste du monde en ce qui concerne son armement nucléaire. Et la Syrie, avec une levée de l’interdiction qui lui est faite d’interférer dans les affaires intérieures libanaises.

Le Monde | Préconiser l’implication de l’Iran dans la stabilisation de la région, est-ce que cela implique une normalisation des relations entre les Etats-Unis et l’Iran ?

Guillaume Parmentier | Une normalisation des relations avec l’Iran est souhaitable, mais elle ne peut pas être décidée d’une façon qui contraigne excessivement les Etats-Unis, d’une part, parce que les conséquences internationales risqueraient d’être graves – armement nucléaire, domination d’une partie de l’Irak. D’autre part, il ne faut pas oublier que tout gouvernement américain est déjà très contraint, en ce qui concerne l’Iran, par des considérations de politique intérieure puissantes – l’Amérique n’ayant pas oublié l’humiliation que l’Iran lui a infligée en prenant des otages à la fin de l’administration Carter.

Décodages | Précisons que le terme d’humiliation fait partie du jargon du régime des mollahs. Cela reviendrait à dire qu’une victime de viol, d’enlèvement ou de torture est elle-même coupable et doit oublier l’humiliation pour tourner la page. Ce sont des idées abjectes qui n’honorent pas leur auteur. Préserver son honneur est aussi un produit du jargon machiste et islamiste, passons donc et allons au cœur de l’affaire (qui oublie l’Irak et les irakiens) et qui traite de l’Iran et à ce sujet, la désinformation est légion chez Parmentier.

« L’Iran, avec des demandes difficiles acceptées par le reste du monde en ce qui concerne son armement nucléaire. Et la Syrie, avec une levée de l’interdiction qui lui est faite d’interférer dans les affaires intérieures libanaises. »

En effet Parmentier laisse entendre que le régime des mollahs n’a aucun intérêt au Liban. Le nom qui est absent de son analyse est le Hezbollah. Parmentier attribue la crise libanaise à la Syrie et efface le rôle des mollahs dans ce pays. Ce tour de passe-passe permet à Parmentier de gommer les aspects négatifs de l’ingérence régionale des mollahs tant au Liban qu’en Irak par le truchement de groupe terroristes comme le Hezbollah, le Hamas, l’armée du Mahdi ou la milice Badr.

En fait sous le dehors d’une analyse brève et précise, il s’agit de faire un lifting du régime des mollahs et faire du lobbying pour ce régime. A ce titre nous rappelons des propos tenus par Guillaume Parmentier et rapportés par le quotidien Le Monde, le 22.02.2005 :

Changement de ton ou changement de fond ? Venus évaluer les intentions de la seconde administration de George Bush, les spécialistes de relations internationales français qui ont discuté avec Condoleezza Rice à l’occasion de sa visite à Paris, les 8 et 9 février, ne font pas tous le même diagnostic. Mais ils sont d’accord sur un point : le dossier iranien sera sans doute, dans les mois à venir, celui qui mettra le plus à l’épreuve les relations euro-américaines. Plusieurs ont été frappés d’entendre la nouvelle secrétaire d’Etat parler de l’Iran comme d’un « Etat totalitaire » au cours d’un petit déjeuner auquel ils avaient été conviés. « Je l’ai trouvée très idéologique sur le fond, et parfois mal informée. Dire de l’Iran que c’est un pays totalitaire, c’est absurde », observe Guillaume Parmentier, directeur du Centre français sur les Etats-Unis.

Parmentier est un fervent partisan du renforcement des liens avec le régime des mollahs et d’aide au maintien du régime. Il milite pour la normalisation des relations, un des éléments qui nécessite un accord de garanties régionales pour le régime dans sa totalité : c’est-à-dire avec son islamisme et son Hezbollah (que Parmentier a savamment fait disparaître par des formules diplomatiques). Ce thème de la normalisation a d’ailleurs suscité un papier hallucinant dans lequel il déclare que le peuple iranien est anti-américain et qu’il aime ce régime. Il fait d’ailleurs dans cet article un raccourci à la manière de Khomeiny qui avait déclaré : « cela fait 2500 ans que l’Amérique nous colonise ! »

Parmentier qui apparemment ne connaît pas l’Iran et sa région, écrit que tous les régimes avant celui du Shah étaient à la botte des Etats-Unis. Il utilise encore l’argument du coup d’état de la CIA contre Mossadegh, ignorant que Mossadegh était initialement l’allié des USA [1] contre le jeune Roi qui à l’époque n’intervenait pas dans les affaires de l’Etat.

Pour un lecteur iranien, ces références prouvent son allégeance aux mollahs, mais pour un lecteur non averti, Parmentier fait illusion. La normalisation des relations Iran-USA lui fait dire un peu n’importe quoi et tout au long de l’article paru dans les Echos le 28 avril 2006 [2], on ressent cette ferveur : « Dire de l’Iran que c’est un pays totalitaire, c’est absurde » !

A chaque fois que Guillaume Parmentier pense que cette normalisation pour laquelle il milite est proche, il s’emporte et laisse parler son cœur. Ainsi, le 1er Juin 2006, il était interrogé par le Monde.

Le Monde | Comment interprétez-vous la décision de l’administration Bush se disant prête à discuter sous condition avec l’Iran à la veille de la réunion ministérielle à Vienne sur le dossier nucléaire iranien ?

Guillaume Parmentier | Je pense que c’est la meilleure nouvelle depuis fort longtemps. Cela va donner aux Européens ce dont ils manquaient : plus d’incitation pour les Iraniens à adopter une attitude de compromis. Les Etats-Unis ont en effet deux possibilités : la première, c’est la reconnaissance de l’Etat iranien en fin de processus. La deuxième, c’est la possibilité, au final aussi, d’assurer l’Iran de garanties négatives de sécurité, à savoir l’engagement de ne pas attaquer l’Iran si celui-ci n’attaque personne.

En réalité, les attaques du Hezbollah contre la souveraineté du Liban importent peu à Monsieur Parmentier qui n’a guère changé d’avis depuis. D’ailleurs, il a d’ores et déjà oublié l’épisode de cet été mais aussi tous les crimes du Hezbollah comme les enlèvements des otages français, l’assassinat de Michel Seurat, l’attentat du Drakkar, l’Attentat d’Amia... Il sera le premier à vouloir oublier les crimes de Rafsandjani pour recommander qu’il faut négocier avec lui.

Tous nos lauréats du Bonnet d’âne !

[1L’argument du coup d’état de la CIA contre Mossadegh | En 1951, les Etats-Unis n’avaient pas d’intérêts pétroliers en Iran et la nationalisation du pétrole n’a fait que détruire les intérêts Britanniques en Iran.


Les Américains au contraire y étaient favorables et soutenaient Mossadegh pour mettre fin au monopole énergétique des Britanniques en Iran. Fort de ce soutien, l’Iran aurait pu se libérer de la main mise britannique sur son pétrole et renégocier un accord intermédiaire mais par son obstination à vouloir marquer l’histoire, Mossadegh entraîna l’Iran et le monde au bord d’un gouffre économique et géopolitique.


D’un point de vue économique, l’Iran était étouffé par un embargo décrété par les britanniques qu’aucune compagnie n’osait briser. D’un point vue géopolitique, le Parti communiste iranien de Toudeh était prêt à renverser son allié Mossadegh et demander l’intervention militaire des Soviétiques. Ces derniers avaient amassé leurs chars à la frontière iranienne, laissant entrevoir la possibilité que l’Union Soviétique s’approprie le Golfe Persique et ses richesses pétrolières et ainsi modifie l’issue de la guerre froide…


Quand un pays (l’Iran) a 3000 Km de frontières avec les Soviétiques, son Premier ministre ne peut pas se permettre de s’allier à un parti communiste aux ordres de Moscou et de jouer au populiste pour sauver sa propre carrière.


Durant cette période, les salaires n’étaient plus payés et le peuple était excédé par Mossadegh. L’épisode Mossadegh est souvent utilisé par les Français pour expliquer l’anti-américanisme apparente des mollahs.


Or, d’un point de vue historique, cet argument est faux : en 1951, les américains étaient du côté de Mossadegh (lui-même allié des mollahs) et malgré ses facéties et ses alliances, ils le soutenaient et empêchaient ses adversaires de le renverser. En 1953, ils l’ont lâché et les forces nationalistes, effrayées par le spectre d’une invasion Russe, ont réagi à temps pour sauver l’Iran du soviétisme (le 20 Août 1953) et ils ont sauvé le monde de la main mise des soviétiques sur le golfe Persique et ses pays producteurs du pétrole. Les iraniens de cette époque connaissaient bien les russes qui avaient occupé l’Iran à plusieurs reprises.


L’argument du Mossadegh est un faux historique et un argument passéiste car il recycle un slogan des communistes résiduels post-Mossadegh et ne tient aucun compte de l’actuelle popularité des Etats-Unis parmi les iraniens. Cet argument serait risible à Téhéran, mais il est plausible à Paris, l’article de Parmentier s’adresse évidemment aux Français pour maquiller la vérité et minimiser la nostalgie ressentie par la troisième génération des enfants de la révolution à l’égard de la période bénie des Pahlavi dont ils voient les images furtives sur Youtube. Iran : Il était une fois un homme |

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Guillaume Parmentier | L’Iran, le nucléaire et l’Occident