Face au chantage nucléaire nord-coréen, Pékin et Washington serrent les coudes. Sans sceller un pacte définitif, le président Hu Jintao et la secrétaire d’État Condoleezza Rice ont posé hier les règles d’un effort partagé. Les États-Unis joueront la carte diplomatique aussi longtemps que les Chinois exercent une pression efficace sur Pyongyang. Et la République populaire portera sa part du fardeau tant que les Américains renoncent à jouer l’escalade.

Réponse imprévisible

Le numéro un chinois a fixé le marché, en recevant hier le chef de la diplomatie américaine : « Nous sommes prêts à faire des efforts en commun (...) afin d’éviter que la situation ne dégénère ou que l’on en perde le contrôle ». Condoleezza Rice a confirmé les termes de l’échange, avant de s’envoler pour Moscou. Elle s’est félicitée du « message fort » que Hu Jintao a fait passer à Kim Jong-il. Elle s’est dit également « assurée des contrôles scrupuleux » que les Chinois imposent à la frontière nord-coréenne, en application de la résolution 1718 du Conseil de sécurité.

Face à ce front de circonstances, l’inconnue reste bien sûr la réponse de l’imprévisible Kim Jong-il. L’ambition commune de Pékin et de Washington est de le convaincre de stopper tout de suite son programme d’essais, et de renoncer plus tard à son arsenal nucléaire. Sur ce point, la seule note d’optimisme officiel est venue hier de l’émissaire chinois Tang Jiaxuan. Il estime ne pas s’être rendu « en vain » jeudi à Pyongyang. Plus prudente, Condoleezza Rice juge que « rien de particulièrement surprenant » n’est sorti de cette rencontre avec le Cher Dirigeant.

La presse sud-coréenne, nourrie de fuites chinoises visiblement intéressées, se montrait hier plus positive. D’après l’agence de presse Yonhap, l’émissaire de Pékin aurait obtenu de Kim Jong-il qu’il renonce à un essai nucléaire programmé. Le Chosun Ilbo, quotidien conservateur, allait jusqu’à préciser que le dictateur a manifesté « des regrets » pour le trouble causé le 9 octobre à ses alliés chinois.

Navire suspect

Douze jours après que Pyongyang a fait exploser son premier engin, le suspense nucléaire continue, avec toute l’incertitude qu’il fait peser sur le jeu commun sino-américain. Un second test nord-coréen pourrait conduire Pékin à infliger un nouveau tour de vis à Kim Jong-il : la République populaire est prête à réduire ses livraisons de pétrole, une arme économique dévastatrice pour la Corée du Nord, avançait hier le New York Times, en citant des conseillers de la direction chinoise.

Pour autant, l’administration Bush n’a pas renoncé à un scénario musclé qui donne des sueurs froides aux stratèges chinois. Depuis 48 heures, les services de renseignements américains surveillent à la trace un navire « suspect » qui, selon la chaîne CBS, pourrait transporter des équipements militaires interdits par l’ONU. Pékin redoute qu’un arraisonnement ne provoque l’étincelle. La Corée du Nord menace d’infliger des « coups implacables » à quiconque violerait sa souveraineté.