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La dissidence instrumentalisée par les mollahs et par l'AEI (Michael Ledeen | American Enterprise Institute)
26.06.2006

Depuis un certain temps, les occidentaux se trouvent face à face avec une vague de dissidents iraniens, religieux, journalistes, miliciens reconvertis en journalistes qui tiennent un discours qui séduit leurs interlocuteurs en Europe et aux Etats-Unis [1].



Nous nous sommes penchés sur ces discours et avons constaté qu’il s’agissait des variantes d’un même discours. Ces individus sont apparus dans les medias en Iran durant l’année 2000, c’est-à-dire un an après les tragiques évènements de l’université de Téhéran et les manifestations durement réprimées de la révolte estudiantine.

Petit Flash Back nécessaire. L’origine de l’ouverture de la société iranienne est liée à l’arrivée au pouvoir de Khatami : Arrivée rendue nécessaire après le mandat d’arrêt international à l’encontre de Rafsandjani, mandat qui a dégradé encore plus l’image du régime des mollahs.

La première réaction du régime a été de redresser la barre et donner une nouvelle image du régime. Nous avons déjà expliqué la genèse de la presse réformatrice dans un article consacré à la société des avocats d’affaires Atieh Bahar. La presse réformatrice est une idée qui a pris corps sous Rafsandjani, avant l’arrivée de Khatami, et d’importants journaux sont apparus spontanément avec des capitaux d’origine inconnue, journaux ou groupes de presse souvent dirigés par le très discret Cabinet Atieh Bahar. Un cabinet d’avocats, d’experts et d’hommes d’affaires qui représentent les intérêts des plus grands groupes étrangers présents sur le marché iranien.

La révolte estudiantine a pris corps à la fermeture d’un de ces titres faussement réformateurs : une « fermeture provoquée » intentionnellement pour susciter une réaction.

On ne peut réellement comprendre la motivation du régime, peut-être cherchait-il à montrer que ces journaux ont une certaine liberté d’expression qui effraie le pouvoir. De nombreux titres sont fermés et puis à nouveaux autorisés pour donner l’impression qu’ils sont totalement indépendants alors qu’ils appartiennent à des intermédiaires comme Atieh Bahar.

C’est dans ce contexte qu’ont eu lieu les tragiques évènements de l’université. La révolte estudiantine contre la fermeture d’un journal réformateur aurait du être une opération contrôlée pour donner un nouveau souffle à une protestation convenue, car trois ans après son élection, Khatami n’avait rien accompli. Mais cette opération dérapa et échappa durant quelques jours à tout contrôle, révélant ainsi l’horreur du régime des mollahs.

Dès la fin des agitations, les services de renseignements du régime entreprirent de reprendre le contrôle : à l’université, le BCU a redéployé son réseau. Nous avons traité cet épisode dans un récent article après un scandaleux article de Delphine Minoui sur le BCU. Mais le plus gros des efforts a été concentré sur la presse dite réformatrice et les intellectuels dissidents. Et depuis cette date, le régime utilise inlassablement les mêmes ficelles pour embobiner son public.

Ce public est composé d’iraniens hostiles au régime, en quête d’une véritable brèche dans le système mais aussi de journalistes et intellectuels Européens et Américains qui font l’opinion internationale.

Le nœud de cette opération est le discours de ces dissidents. Ils ont les mêmes références, les mêmes revendications et la même amnésie sur certains évènements qui n’avaient pas été « programmés » : la révolte estudiantine réprimée de la manière la plus sanglante en fait partie. Les enlèvements d’opposants avec des sévices corporels en sont un autre exemple, le viol et meurtre de Zahra Kazemi est l’exemple le plus médiatique de ces évènements « incontrôlés » dus à la nature violente et totalitaire du régime des mollahs.

Le discours de séduction intellectuelle des dissidents iraniens fait l’impasse sur ces cas, mais aussi sur les spectacles ignobles des pendaisons publiques comme celle de Payam Amini, des jeunes homosexuels, d’enlèvements et de torture des opposants, sur les lapidations ou les amputations et les cas d’énucléation.

Le discours est commun à Ramin Jahanbegloo (universitaire), Akbar Ganji (milicien recyclé en journaliste [2]) ou même le petit-fils du fondateur du régime Hossein Khomeiny : tous se réfèrent à Karl Popper, se perdent dans de longs développements philosophiques sur l’Individu, parlent d’Alliance et recommandent la non violence pour un changement de nature du régime et non un changement de régime.

Tous soulignent le danger d’un soulèvement (et on les comprend quand on se souvient de la panique générée par la petite révolte estudiantine du juillet 99 ou les manifestations nocturnes de l’été 2003) . A ce titre, nous publions un entretien avec Hossein Khomeiny (document joint en PDF [3]). L’entretien est réalisé en septembre 2003 à Washington. A cette époque Hossein Khomeiny était expédié aux Etats-Unis pour démentir la portée du mouvement de contestation de l’été 2003. Nous vous recommandons une lecture critique de cet entretien à la lumière des informations que nous vous exposons ici même.

Le texte de l’entretien très « philosophique » voir abscons. Hossein Khomeiny est interviewé par un certain Ramin Parham [4], un des éléments du régime des mollahs en Europe et aux Etats-Unis. Ramin est le fils d’un des « intellectuels de gauche » qui ont induit de nombreux iraniens en erreur en façonnant l’image publique de Khomeiny en 1979. Le père et le fils ont aujourd’hui rejoint l’opposition et servent d’intermédiaire entre les « dissidents du régime » et les milieux intellectuels de l’Europe et des Etats-Unis. En Europe, ils sont proches des intellectuels de gauche comme Glusksmann et aux Etats-Unis, ils squattent les allées d’American Enterprise Institute!

L’individu et l’ethnie

Le discours commun à ces dissidents est ponctué par les mêmes mots-clefs: Popper, l’individu, la non violence. Ces mots ont des significations différentes selon que l’on se trouve en Europe où aux Etats-Unis et ils sont malheureusement porteurs des germes du démantèlement et de la balkanisation de l’Iran. Nous étudierons très prochainement les conséquences politiques de la référence à Popper et à la non-violence.

La référence à l’«Individu» est certainement la plus puissante d’entre toutes. Ce thème agit pour combattre le concept d’une identité iranienne. Les néo-conservateurs américains sont les apôtres du néo-libéralisme, une doctrine économique érigée en une nouvelle religion. Ce n’est guère étonnant car il s’agit d’anciens marxistes déçus par le système soviétique. Le néo-libéralisme est très hostile à l’«identité nationale» car cette dernière implique un certain nombre d’obstacles au libéralisme comme la défense de la fonction publique, d’un système étatique de sécurité sociale ou la nationalisation des richesses naturelles comme le pétrole. Toute personne se référant à l’«Individu» et non à l’«identité nationale» trouve une audience auprès des néo-libéraux.

Ce discours aux conséquences graves pour l’économie iranienne trouve une audience très particulière à l’American Enterprise Institute, un think tank très actif au sujet de l’Iran mais qui s’emploie à trouver des bases de la négation de l’«identité iranienne» : l’American Enterprise Institute et tout particulièrement un de ses chercheurs, Micheal Ledeen, ont été mêlés à des conférences pour la promotion d’identités ethniques (Kurde, Azéri, Baloutch..) ou d’identités religieuses.

L’AIE boycotte les opposants laïques iraniens et soutient activement les forces centripètes qui sont hostiles à l’unité nationale iranienne. Très étrangement, le mot «Individu», neutre par essence, devient un puissant vecteur de promotion de faits ethniques ou religieux, sources de querelles, de pogroms, et terreaux de guerres civiles, du terrorisme et des alliances contradictoires qui renforcement le terrorisme islamique et l’hégémonie de la Nouvelle Russie (de Vladimir Poutine).

C’est le cœur du discours proféré par ces faux opposants. L’impact de ce mot discours faussement humaniste fondé sur l’individu est très important sur les interlocuteurs faiseurs d’opinions. En utilisant des mots clefs comme «Individu», des dissidents comme Ganji touchent à des points sensibles chez leurs interlocuteurs. Leur objectif est de diaboliser le discours opposé, celui de l’identité iranienne, même si ce discours prône la neutralité de l’état face à des dérives ethnico-racistes et qu’elle revendique une totale laïcité de l’état en opposition aux projets de république mono-ethnique ou mono-religieuse.

Le mot Individu, qui est aussi un puissant vecteur de la promotion de la démocratie, se transforme dans ces discours biaisés en une arme pour la promotion des querelles ethnico-religieuses entre les individus d’une même nation qui n’a connu aucun pogrom depuis des millénaires.

En Europe où le mot «Individu», est synonyme de liberté et droits de la personne, il existe de fortes réticences dans les milieux intellectuels vis-à-vis d’un thème comme l’identité nationale car d’emblée elle est assimilée à une forme d’extrémisme chauvin.

Le mot Individu utilisé par les faux dissidents crée un consensus trans-atlantique entre les intellectuels européens de gauche et les néo-conservateurs faiseurs d’opinions aux Etats-Unis.

Il s’agit d’un terrible appareil de désinformation. Et afin que les idées pénètrent en profondeur et s’installent dans les esprits, différentes personnes les répètent inlassablement : d’où cette uniformité du discours des dissidents du régime. Les mêmes dissidents sont moins prolixes sur les pendaisons publiques ou le cas de Zahra Kazemi.

Nous vous prions de diffuser le texte, car nous voulons mettre en garde contre cet appareil de désinformation dont le défaut réside dans sa répétitivité et le silence gêné de ses acteurs sur les répressions en Iran. Les dissidents iraniens se contentent de dire des généralités plaisantes.

Cependant, les concepts politiques ethnico-religieux qui découlent du mot individu sont réellement inquiétants : l’exemple irakien montre les dangers d’un fédéralisme imposé et source de pogroms ethniques ou religieux.

Le projet de balkanisation de l’Iran au nom des intérêts de l’Individu déplait au peuple iranien. Les iraniens ne sont pas dupes et ne s’engageront pas dans ce faux-semblant. Ces menaces de la désintégration de l‘Iran et le début d’un nouveau chaos (ethnique) sont palpables parmi les individus du peuple iranien, qui ne désirent pas s’embarquer dans un avenir aux accents yougoslaves marqués par des guerres fratricides qui vont plus encore remettre en cause l’amélioration de l’individu (iranien).

Les iraniens (non-expatriés) sont hostiles à tout projet qui sous-entend la négation de l’identité nationale iranienne, ou qui prônerait le démantèlement du territoire iranien en républiques ethniques ou religieuses pour satisfaire des intérêts supranationaux.

Nos compatriotes ne suivront aucune personnalité qui soit porteuse de tels projets. L’objectif utile de ces discours est de démobiliser la contestation en Iran et créer la peur qu’un soulèvement profiterait aux partisans de la séparation du Kurdistan, de l’Azerbaïdjan ou du Baloutchistan, ce dont les Iraniens n’en veulent y compris dans les régions concernées !
Nous avons vu récemment le peu d’enthousiasme qu’ont soulevé les mouvements financés par l’American Enterprise Institute en Azerbaïdjan.

L’autre objectif de ces discours sur l’«Individu» est de mettre les vrais opposants dans l’embarras afin qu’ils s’autocensurent et qu’ils réadaptent leurs discours en abandonnant les revendications d’un Iran libre et indépendant qui privilégierait ses « intérêts nationaux » et non les intérêts des grandes compagnies supranationales.

Chers lecteurs, nous avons besoin de vous car nous croyons que c’est possible de neutraliser ce faux discours humaniste et qu’un Iran libre et indépendant sera l’allié de l’occident et non son ennemi. Aidez-nous à neutraliser ce faux discours démocratique source de troubles et de nouveaux génocides.

WWW.IRAN-RESIST.ORG

Pour en savoir + sur le Discours :
- Dans le Monde, Akbar Ganji révèle une vérité enfouie
- (25.06.2006)

[1[ American Enterprise Institute Micheal Ledeen |

[2Akbar Ganji : (tous les liens) |

[3Entretien avec Hossein Khomeiny :

PDF - 396.8 ko

[4Ramin Parham est un homme sans passé, tantôt chimiste, tantôt poète et parfois économiste. En France, il fréquente avec assiduité les intellectuels français de préférence juifs pour dissiper tout soupçon. Parham est un rabatteur d’intellectuels juifs de gauche et a déjà réussi à engager Glucksman et BHL dans plusieurs opérations médiatiques en faveur des «réformateurs» emprisonnés. A chaque fois que ce Parham a eu l’opportunité d’écrire pour toucher un large public français (par ex. pour BHL dans Esprit), il a méthodiquement évité de parler des sujets qui fâchent en jouant la carte de l’anti-violence du poète, en évitant de dénoncer les crimes commis sous Khatami. Il a ainsi convaincu BHL de donner une tribune à Ebadi et à d’autres représentants des réformes.