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Washington parie sur le Conseil de sécurité
09.08.2005

Une excellente analyse de Guillemette Faure (Le Figaro).



Les Etats-Unis traitent le dossier iranien dans la discrétion. Seul le Département d’Etat a réagi hier à la décision de Téhéran de reprendre l’enrichissement d’uranium : une décision « malheureuse », qui renforce les Américains dans leur conviction que la saisine du Conseil de sécurité de l’ONU est inévitable.

Le non iranien n’a pas eu le même retentissement dramatique aux Etats-Unis qu’en Europe. Washington ne s’était pas publiquement investi dans la dernière crise. « La position officielle était de dire que les Américains n’étaient pas partie prenante dans les négociations. Ces négociations étaient une initiative européenne que nous soutenions parce que les Européens sont nos alliés », résume George Perkovich, expert des questions nucléaires au Carnegie Endowment for International Peace.

Le gouvernement américain s’était d’abord montré sceptique à l’idée que les Européens puissent croire qu’il était possible de négocier avec un pays placé sur l’« Axe du mal » par le président Bush en 2002, entre la Corée du Nord et l’Irak. Un « avant-poste de la tyrannie », avait même dit la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice. Mais en début d’année, après les tournées respectives de Condoleezza Rice et George W. Bush en Europe, les Américains s’étaient laissé convaincre que les Européens montent au front des négociations. « Nous soutenons les efforts des Européens et leur proposition pour trouver une solution diplomatique à ce problème », avait déclaré Tom Casey, porte-parole au Département d’Etat.

Geste de bonne volonté vis-à-vis des efforts européens, l’aval tacite des Etats-Unis au projet de la troïka avait supposé qu’ils lèvent leurs objections à l’idée que l’Iran puisse s’engager dans un programme de nucléaire civil. Vendredi, le secrétaire d’Etat adjoint pour les Affaires politiques, Nicholas Burns, avait espéré « que le processus diplomatique continue », et enjoint l’Iran à accepter la proposition européenne.

Mais s’il y a eu si peu de bruit fait autour de la réponse iranienne, c’est que Washington n’attendait pas vraiment grand-chose des négociations. La semaine dernière, un représentant du Département d’Etat, sous couvert d’anonymat, avait prédit un refus iranien. « Il existe un consensus au sein de l’Administration Bush : le dossier iranien finira devant les Nations unies », fait valoir Reuel Gerecht, de l’American Enterprise Institute, un think-tank conservateur.

Le nouvel ambassadeur américain aux Nations unies, John Bolton, est l’ancien responsable de la non-prolifération au Département d’Etat. Il planche sur la question iranienne depuis des années et attend de pouvoir s’y attaquer. « Les seules divergences au sein de l’Administration Bush tournent autour du temps que devait prendre le dossier avant d’arriver au Conseil de sécurité. Ceux du Département d’Etat défendaient une approche lente. John Bolton voulait une action rapide. »

Le siège des Nations unies risque d’être le prochain lieu clé dans la résolution de la crise. D’autant que le président Mahmoud Ahmadinejad a dit son intention de se rendre à l’ONU en septembre, où il a l’intention d’expliquer sa politique internationale dans un discours devant l’assemblée générale.

Restent des interrogations sur ce qu’il adviendra de la collaboration américano-européenne, une fois le moment venu d’examiner des sanctions possibles. « Jusque-là, ils ont bien réussi à travailler ensemble. Il n’y a pas eu de dissension entre l’Europe et les Etats-Unis sur ce sujet », note Jeremy Shapiro à la Brookings Institution. « Le but des Iraniens est de provoquer des différends entre Européens et Américains et de s’engouffrer dans la brèche. »