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Le Canada expulse un réfugié iranien
27.03.2006

Les autorités canadiennes ont décidé de renvoyer en Iran un réfugié politique iranien. Mostafa Dadar, tente d’éviter son expulsion du Canada, prévue dimanche. Le Ministère Fédéral de l’Immigration et de la Citoyenneté considère ce dernier comme une menace pour la sécurité des citoyens canadiens !



Mostafa Dadar avait entrepris une grève de la faim dans l’espoir que le gouvernement fédéral revienne sur sa décision de l’expulser en Iran, son pays d’origine.

Ottawa évoque le passé « criminel » de M. Dadar au Canada pour justifier sa décision. Mostafa Dadar a été accusé d’agression physique contre son ex-épouse et sa fillette au début des années 1990. Il aurait reçu six mois de probation pour ces gestes. Dadar aurait également battu sévèrement sa plus récente conjointe, en 1996 (faits qu’il renie).

Dadar avait été condamné à huit ans de prison pour ces faits. Les autorités canadiennes ont décidé en 2002 que Dadar devrait être expulsé en Iran au terme de sa peine de huit ans de prison parce qu’il a été estimé qu’il représentait un danger pour la population. Cet homme a payé pour les faits qui lui sont reprochés. On ne peut condamner deux fois une personne : Son expulsion a un aspect politique.

Cet ancien officier de l’armée iranienne a connu la torture dans les prisons du régime des mollahs dans les années 80, pour avoir participé à une tentative de coup d’État contre la république islamique.

Nicolas Lambert, professeur à l’Université de Moncton spécialiste du droit de l’immigration, croit que le Canada ternira son blason s’il déporte cet homme. « Je ne pense pas qu’il soit juste de le renvoyer dans son pays s’il risque la torture », a affirmé Lambert.

Le Comité des Nations unies contre la torture a également décrété en décembre dernier que l’expulsion de Mostafa Dadar contreviendrait à la Convention sur la torture. Mais dans un arrêté rendu tard vendredi soir, une juge de la Cour fédérale indique que le gouvernement n’a pas à se plier à la décision onusienne.

Par ailleurs, le Canada, qui entretient d’excellentes relations commerciales avec les mollahs, a décrété par l’intermédiaire du ministère fédéral de l’Immigration et de la Citoyenneté que les monarchistes ne représentaient aucun danger pour le régime des mollahs, c’est pourquoi, le ministre avait décidé d’expulser Dadar.

En ce qui concerne le risque de torture, le Ministre déclare: «Toutefois, je ne peux pas ignorer la situation qui règne en ce moment en Iran pour déterminer si une personne qui a été considérée comme devant bénéficier du statut de réfugié peut être refoulée. Je ne peux pas ignorer non plus le dossier préparé par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié au sujet du manque de vigueur du mouvement monarchiste en Iran actuellement ! ...

... Je ne doute pas que la situation des droits de l'homme en Iran soit précaire mais je suis d'avis que l'appartenance passée de M. D. à cette organisation présenterait peu d'intérêt pour les autorités iraniennes !...

.... Je note toutefois qu'il déclare être toujours partisan de ce mouvement. M. D. a quitté l'Iran, il y a environ 17 ans et son incarcération remonte à 21 ans. Au cas où je ferais erreur et où M. D. serait effectivement soumis à la torture ou à des traitements ou à des peines cruelles et inusitées ou serait exécuté, je me fonde sur les principes dégagés par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Suresh . Dans cette affaire, la Cour suprême avait relevé: Nous n'excluons pas la possibilité que, dans des circonstances exceptionnelles, l'expulsion de quelqu'un qui risque la torture puisse être justifiée».

Le 4 avril 2005, le secrétariat de S.A.R. Reza Pahlavi avait prié les autorités canadiennes de ne pas expulser Mostafa Dadar : « Étant donné les états de service de M. Mostafa Dadar et ses activités politiques étendues et remarquées, son retour en Iran dans les circonstances présentes l’exposerait assurément aux méthodes utilisées fréquemment par les religieux intolérants d’Iran, c’est-à-dire l’emprisonnement immédiat, la torture et même l’exécution. »

Il faut reconnaître que les Canadiens n’ont pas été francs dans cette affaire car ils reprochent à Dadar son absence d’activité politique en exil alors qu’ils ont fait appel à ses services pour glaner des informations au sujet du meurtre de Zahra Kazemi.

Quand Dadar était récemment détenu au Canada, on lui avait proposé de rencontrer un représentant du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS). Il avait alors donné au SCRS des renseignements précis sur l'endroit où Zahra Kazemi avait été arrêtée et détenue, la nature des tortures qu’elle avait subies, l’hôpital où elle avait été transportée, etc.

Il avait obtenu ces renseignements en téléphonant à ses sources en Iran. Dadar a donné ce détail pour prouver qu’il est encore en contact avec les forces de l’opposition en Iran.

Son expulsion est peut-être en liaison avec l’épineuse affaire Kazemi qui crée d’innombrables problèmes aux Canadiens et les empêche d’entretenir leurs bonnes relations avec les mollahs. Les associations pressent le gouvernement canadien d’élucider cette affaire ou de rompre les relations avec les mollahs et c’est là la dernière volonté du Gouvernement Canadien.

Mostafa Dadar affirme que son expulsion constituerait une violation de l’article 3 de la Convention contre la torture. La Convention est entrée en vigueur pour le Canada le 24 juillet 1987.

Né en 1950, De 1968 à 1982, Mostafa Dadar était membre de l’armée de l’air iranienne avec le grade de capitaine. En décembre 1978, au plus fort des émeutes et des manifestations généralisées dans tout le pays, et avant la prise de pouvoir par Khomeiny, Mostafa Dadar a été chargé de commander les opérations d’application de la loi martiale et affecté à la base aérienne « Jask ».

Le 13 février 1979, Khomeiny étant devenu maître de l’Iran, Mostafa Dadar a été arrêté et incarcéré à la prison de Qasr à Téhéran pendant près de trois mois. Il était fréquemment soumis à des interrogatoires et roué de coups. Le 2 mai 1979 il a été remis en liberté, et peu de temps après, affecté à la base aérienne de Mehrabad à Téhéran.

En décembre 1980, Mostafa Dadar a été renvoyé de l’armée de l’air en raison de sa loyauté envers le régime monarchiste, mais après le début de la guerre Iran-Irak, il a été rappelé en février 81. En juillet 1981, il a été renvoyé une deuxième fois de l’armée de l’air pour avoir exprimé des sentiments d’allégeance à l’égard du Chah. Il a ensuite rejoint l’Association Nationale du Mouvement Iranien (« NIMA »), qui a organisé une tentative de coup d’État contre le régime Khomeiny en 1982. En mars 1982, à la suite du coup d’État, de nombreux membres de cette association ont été exécutés. Mostafa Dadar a été arrêté, conduit à la prison d’Evin à Téhéran et gravement torturé. Il a également été maintenu au secret. Le 9 juillet 1982, il a subi un simulacre d’exécution. Par trois fois, les autorités ont appelé son frère pour lui annoncer son exécution. Le requérant joint la copie d’un article de presse faisant état de son incarcération et de son procès.

En décembre 1984, il a été reconnu coupable de tentative d’atteinte à la sûreté de l’État et a été transféré à la prison de Mehr-Shar, près de la ville de Karaj. D’après Mostafa Dadar, cette prison est en partie enterrée et il ne voyait pas la lumière du jour la plupart du temps. En mai 1985, il a été transféré à la prison de Ghezel Hessar et là, son état de santé s’est considérablement dégradé et il est devenu paralysé du tronc.

En juillet 1987, il a obtenu une autorisation médicale lui permettant de quitter la prison pendant deux jours pour se faire soigner. À ce moment-là, des membres de sa famille étaient en contact avec une organisation pro-monarchiste connue sous le nom d’Organisation monarchiste Sepah, basée à Londres. Des dispositions ont été prises par l’intermédiaire de cette organisation pour lui faire quitter l’Iran. Mostafa Dadar a mis à profit son permis de sortie de deux jours pour s’enfuir au Pakistan avec sa femme.

Le Bureau à Karachi du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a délivré au requérant une carte d’identité et l’a envoyé au Canada. C’est ainsi qu’il est entré au Canada avec sa femme en tant que résident permanent, le 2 décembre 1988.

Au Canada, Mostafa Dadar a suivi un traitement pour dépression grave, angoisse et tendances suicidaires. Les médecins ont diagnostiqué des troubles post-traumatiques chroniques, consécutifs au traitement qu’il avait subi en prison. Le requérant est aujourd’hui divorcé de sa femme, dont il a deux enfants nés au Canada.

Le 31 décembre 1996, Mostafa Dadar a été reconnu coupable de voies de fait graves et condamné à un emprisonnement de huit ans. Il nie pourtant avoir agressé son amie : cette femme a été hospitalisée en soins intensifs ainsi que dans le service de psychiatrie pendant plusieurs semaines, sans pouvoir parler ni marcher. Elle souffre aujourd’hui d’invalidité permanente.

Au procès, Mostafa Dadar a plaidé non coupable : Il avait relevé les irrégularités qui, d’après lui, ont été commises au procès. Par exemple, il dit que le juge n’a pas tenu compte du fait qu’on l’avait retrouvé sur les lieux de l’agression dans un état de somnolence et de stupeur dû à une drogue. Il venait de se réveiller d’un sommeil artificiel, ayant en effet absorbé une grande quantité de sédatifs avant le moment de l’agression. La Cour d’appel du Nouveau-Brunswick l’a débouté de son recours. Il a présenté une demande d’autorisation de former recours auprès de la Cour suprême du Canada, qui a été rejetée en 1999.

Le 30 octobre 2000, le Ministre de la citoyenneté et de l’immigration a rendu un avis de danger en application de la loi sur l’immigration, déclarant Mostafa Dadar représentait un danger public ! Suite à cette décision, son expulsion a été ordonnée le 18 juin 2001.

Le 20 août 2001, Mostafa Dadar a déposé une demande de révision judiciaire de l’avis de danger du Ministre en faisant valoir un manquement au droit à une procédure équitable, entre autres motifs. Le 5 novembre 2001, le Ministre a accédé à sa demande et l’avis de danger a été annulé. Le 11 avril 2002, la Commission nationale des libérations conditionnelles a accordé sa libération conditionnelle, le ministère a révisé plusieurs fois ses positions, en 21 novembre 2002, en 8 juillet 2003 et finalement le 8 mars 2004, le Ministre a rendu un troisième avis de danger qui reconnaît la culpabilité de Mostafa Dadar.

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| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : Canada |

| Mots Clefs | Violence : Violations des Droits de l’Homme |

Les détails de l’affaire Zahra Kazemi :
- Zahra Kazemi : Le témoignage médical de Shahram Azam
- (24 Juin 2006)

| Mots Clefs | Violence : Zahra Kazemi (et cas similaires) |