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L’Iran dément l’existence de la journaliste violée et suicidée
25.02.2006

Elham Foroutan ou Afroutan est une Iranienne de 21 ans. Elle a écrit un article dans un petit journal de la ville Portuaire de Bandar Abbas. Elle a écrit que la venue de Khomeiny en Iran était comparable à l’apparition du Sida.



Les miliciens ont brûlé le siège du journal, arrêté les employés. Elham et six autres journalistes hommes ont été mis au cachot. Il est une règle d’or établie au début de la révolution islamique. Il faut violer les jeunes filles vierges afin que leurs corps soient souillés par le péché et qu’elles n’accèdent pas au paradis. L’islam ne reconnaît pas le viol comme un délit, la femme étant consentante « par définition ». C’est la personne violée qui va en enfer et non le violeur. Elham s’est donné la mort après ces petites séances de tournantes qui ont fini par la démolir.

Cette affaire n’a pas ému notre Shirin Ebadi (Prix Nobel), ni l’affriolante Delphine Minoui (du Figaro), ainsi que les journaux et les sites Internet des réformateurs (comme Rooz) ou encore nos vaillants web bloggeurs : ils n’en ont pas parlé ou essayé de prévenir les défenseurs des droits de l’homme. Il était peut-être possible de la sauver. Heureusement, RSF s’en est mêlé et l’info a circulé sur le net : les oreilles des mollahs ont sifflé. Ils viennent de réagir.

Il y a eu tout d’abord le démenti du père de la victime ou d’un homme qui prétendait être le père d’Elham. Ce dernier a démenti l’ensemble de l’affaire. Cette version n’a pas convaincu les Iraniens et à présent, c’est l’IRNA, la très officielle agence de presse de la république islamique, qui nous apporte une version abracadabrante avec sa prose habituelle. L’IRNA nous apprend que Elham est détenue, mais que sa détention est provisoire. L’IRNA veut rétablir la vérité et nous informe que « la jeune journaliste » n’aurait pas « prétendument insulté le défunt fondateur de la République islamique de l'Iran, l’imam Khomeiny ». Alors pourquoi l’avoir emprisonnée ?

De plus, l’IRNA nous rapporte les propos d’Elham car elle n’est pas morte loin de là, et elle est en colère contre RSF et les journalistes qui se sont inquiétés pour sa vie : « elle a dénoncé les nouvelles d’une quelconque tentative de suicide » ainsi que « le ton et les allégations relayés dans les médias occidentaux sur son arrestation ».

La suite frise le non-sens à l’état pur, nous retranscrivons mot pur mot ce qu’on peut lire sur la section française du site de l’IRNA : « Elham Afroutan a également nié toute tentative d'emprisonnement à la suite de son arrestation et dans un premier temps de son emprisonnement à Bandar Abbas pendant neuf jours puis son transfert à Téhéran à la prison d'Evin pendant 24 heures ».

Traduction en français de ce texte : La victime déclare qu’elle a été arrêtée mais pas emprisonnée, elle conteste donc avoir été en détention pendant 9 jours à Bandar Abbas avant d’avoir été transférée à la Prison d’Evine à Téhéran pour y demeurer 24 heures.

Donc en clair, elle n’avait pas été enfermée, mais actuellement elle serait en détention provisoire. Quand elle n’était pas enfermée, on ne l’entendait guère, mais aujourd’hui, on l’entend beaucoup alors qu’elle est en prison.

Selon l’agence IRNA, la journaliste détenue aurait déclaré : « je suis étudiante en anglais et, en raison de problèmes financiers, en plus de travailler en tant que journaliste à temps partiel pour l’hebdomadaire Tamaddon-e Hormozgan, je travaille dans un cabinet de dentiste à Bandar Abbas. Le jour de l’Eid-el-Kebir, les fonctionnaires de notre journal étant tous absents, nous (?) avons eu besoin d'un article pour remplir un espace vide dans une page, j’ai surfé sur Internet et j’ai choisi un article sur les méthodes de lutte contre le Sida écrit par M.F. Sokhan, et j'ai envoyé cet article sans lire soigneusement son contenu. » (version purgée des fautes de français).

Décodages : Les Iraniens n’utilisent pas les termes « Eid-el-Kebir », il s’agit d’une appellation utilisée en France : la dépêche est destinée à RSF. Revenons à Elham et ses déclarations, il est d’abord question de « nous » puis de « je », on voit que le texte a été écrit rapidement sans même être relu !

Décidemment la rédaction de l’IRNA online est encore plus farfelue que l’image qu’elle veut donner à cette morte ressuscitée et bien trop bavarde pour une prisonnière.

On lui fait dire en substance : « je suis une idiote, je n’ai pas vérifié l’article que j’ai copié sur le net ». Elle a donc jugé l’article intéressant sans l’avoir lu, alors qu’on était un jour férié et qu’il n’y avait aucune urgence. Admettons qu’elle ait effectivement copié cet article un jour férié, il n’est pas concevable que la maquette ait été imprimée le lendemain sans être relue. Admettons que l’article « non-offensant » ait été imprimé, pourquoi avoir arrêté cette fille et non l’auteur initial du texte ?

Et si l’article était déjà online, pourquoi l’interdire maintenant ? Les justifications apportées par l’IRNA manquent de précision et sont invraisemblables. La malheureuse Elham a écrit un texte qui ne convenait pas aux mollahs, elle a été arrêtée et violée et elle en est morte, se suicidant ou suicidée pour ne jamais plus parler.

Selon l’IRNA, elle a déclaré « qu’il n'y avait aucune mauvaise intention dans la publication de cet article ». L’IRNA n’a pas reproduit l’article pour que chacun juge s’il y avait lieu d’arrêter celui qui l’a recopié. Par ailleurs, personne ne semble concerné chez l’IRNA ou au niveau des juges pour s’intéresser au véritable auteur du texte, le fameux M. Sokhan (littéralement M. Parole) !

De plus nous avons là des « journalistes » et une agence de presse qui ne voient aucune objection à enfermer une journaliste au motif d’avoir publié un article qui aurait été mal interprété. C’est un non-sens. En cherchant à expliquer les péripéties de l’affaire, l’IRNA s’embourbe dans son propre raisonnement : l’IRNA fait dire à son « Elham » que son arrestation est le résultat d’une erreur… La suite ne manque pas de sel.

Que devient Elham ? Selon l’IRNA, Elham serait maintenue désormais dans « une salle avec de nombreuses autres femmes de la prison d'Evin ». Selon « nos confrères barbus », elle aurait d’ailleurs, déclaré « qu'elle était tout à fait heureuse dans ses conditions actuelles de détention »  ?!!

Cette histoire a une fin heureuse : Elham aurait déclaré, à ses geôliers, que « son rêve était d’écrire pour les enfants une fois libérée dans son cher pays l’Iran », dixit l’IRNA.

Nous conseillons à celui qui rédige les news sur l’IRNA de s’acheter un dictionnaire et nous trouvons qu’il a de la chance de ne pas se raser car il n’a pas à se dévisager tous les matins dans un miroir.

Honte à toi, prétentieux illettré de l’IRNA, gagne-petit, complice des criminels violeurs !

Honte à toi Shirin Ebadi, Honte au site Rooz !

Et Honte à toi, Delphine Minoui !


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