LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE de l’Inde est en pleine mutation. Le dossier du nucléaire iranien n’échappe pas à cette réalité. Loin d’être le traditionnel porte-parole des pays non alignés, Delhi est avant tout, aujourd’hui, l’allié de Washington. Au risque de voir son non moins traditionnel partenariat avec Téhéran s’effriter. Le pari est osé.
L’Inde, puissance économique en plein essor, a d’énormes besoins en énergie. L’Iran doit lui fournir du gaz naturel. Mais cela ne plaît pas aux États-Unis, qui ont offert à l’Inde un partenariat stratégique, avec, entre autres, la possibilité d’acquérir les moyens de développer de l’énergie nucléaire civile. A condition que Delhi ne flirte pas trop avec Téhéran. Le choix est cornélien. Les responsables indiens en sont conscients, tout a un prix. Le problème étant de savoir quel est le moins élevé. Les promesses américaines ou la fourniture de gaz par l’Iran en 2009 ? La solution serait de n’en payer aucun... A tort ou à raison, l’Inde espère encore y parvenir.
« L’Inde et les États-Unis dansent un tango orchestré au plus haut niveau par le gouvernement de Manmohan Singh et cela a fini par sérieusement affecter les relations indo-iraniennes », notait en décembre le quotidien The Hindu. La plupart des analystes en sont convaincus : Washington cherche à semer la zizanie entre Delhi et Téhéran. Il y a quelques jours, le sous-secrétaire d’Etat américain aux Affaires politiques, Nicholas Burns, a d’ailleurs affirmé que l’accord énergétique indo-iranien « avait fait long feu ».
« Pas du tout, affirme un expert. L’Inde et l’Iran ont déjà signé un accord portant sur 21 milliards de dollars. Il concerne la fourniture par l’Iran de 5 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié par an, à partir de 2009. » Le contrat a été mis à mal, il est vrai, par le vote contre l’Iran de la délégation indienne à Vienne, le 24 septembre dernier, lors de la réunion de l’AIEA. Dans la foulée, Téhéran avait menacé Delhi de représailles. Un feu de paille, estiment les observateurs.
Relations en dents de scie
Delhi et Téhéran ont en effet un autre projet : la construction d’un gazoduc entre les deux pays via le Pakistan, visant à fournir à l’Inde encore plus de gaz naturel iranien. Longtemps réticente en raison de ses relations en dents de scie avec Islamabad, l’Inde a fini par donner son accord le 14 février 2005. Jusqu’à nouvel ordre, les discussions sur la mise en oeuvre du chantier se poursuivent.
Certes, l’affaire iranienne tombe mal. George W. Bush doit se rendre en Inde en mars. A la veille de cette visite cruciale, pas question pour les Indiens de compromettre le partenariat stratégique signé le 18 juillet dernier avec les États-Unis. Car, de son côté, Washington a parié lourd sur le potentiel indien, promettant à Delhi monts et merveilles. Les Américains ont notamment juré d’affranchir l’Inde de son statut de « paria » auprès du club fermé des autres puissances nucléaires. Ils se sont dits prêts à intercéder en faveur de l’Inde pour l’aider à acquérir les moyens de développer du nucléaire civil, alors même que Delhi n’a jamais signé le traité de non-prolifération. Reste que l’Inde n’a aucun désir de voir se développer une autre puissance nucléaire dans la région. En ce sens, les nouvelles de Téhéran sont mauvaises.
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Marie-France Calle
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