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Un point de vue intéressant sur les relations Iran-Syrie-Hezbollah
05.01.2006

Ziyad MAKHOUL (auteur du texte qui suit) se trompe sur Khatami, mais peu importe. Rien ne vaut le point de vue d’un sunnite (anti-shiite) pour clore le bec aux mollahs qui se veulent les chefs de fil de l’Islam unifié ! Selon ce journaliste libanais, le comportement de Ahmadinejad est un catalyseur qui provoquera de grands changements au Liban et en Syrie. Le propos est audacieux et nous avons décidé de le reproduire (Nous avions évoqué ces possibilités presque similaires dans une précédente note le 23.10.2005) [1].



Si l’on prend un rectangle de papier, que l’on colle les largeurs entre elles après avoir fait tourner d’un tour le rectangle (ou fait effectuer un demi-tour à l’une des extrémités), on obtient ce qui reste sans doute la plus fascinante des surfaces mathématiques : le ruban de Möbius.

Une surface totalement mystérieuse, puisqu’elle n’est pas orientable ; on ne peut pas la parcourir et dire si l’on est à l’intérieur ou à l’extérieur, à l’envers ou à l’endroit, vers le haut ou vers le bas, parce que l’on passe d’un extrême à l’autre de façon continue. Le ruban de Möbius n’a qu’une seule face, ce qui veut dire qu’en partant d’un point quelconque du ruban, si on trace une ligne sans jamais lâcher le stylo en suivant le ruban, on se retrouve à mi-chemin au point de départ, mais de l’autre côté de ce ruban. Et on est pourtant toujours sur la même face…

Depuis l’arrivée au pouvoir du très illuminé (et très fanatique) Mahmoud Ahmadinejad en Iran, il y a un peu moins d’un an, a commencé à se dessiner, de Téhéran à la banlieue sud de Beyrouth en passant par Damas (mais aussi quelques crochets par Bagdad et Tel-Aviv), un saisissant ruban de Möbius, une figure politico-géométrique obsédante, traduisant une sorte de mouvement infini : celui de l’axe chiito-alaouite, en quête d’une éternelle régénérescence, d’une autosuffisance dans un Proche-Orient à dominante sunnite. Du cœur de cette région officiait, jusqu’avant le 14 février 2005, un certain Rafic Hariri.

Ce mouvement infini, c’est Ahmadinejad qui lui imprime son rythme. Seul interlocuteur désormais d’un Hezbollah pourtant pas exempt, comme tous les grands partis, de luttes de courants, l’ex-maire de Téhéran, aujourd’hui au cœur du réseau, pense avoir trouvé dans le parti de Hassan Nasrallah l’outil premier de sa stratégie antiaméricaine et anti-israélienne.

« C’est comme si nous défendions les installations nucléaires iraniennes à partir de la frontière du Liban », a dit Walid Joumblatt.

L’image est peut-être un tantinet too much, mais elle éclaire parfaitement bien la drôle de mission à laquelle le Hezb, auquel le Liban doit en très grande partie la libération du tiers de son territoire, semble s’être dévolu.

Surtout que l’Iran, surtout celui d’Ahmadinejad, surtout depuis l’assassinat de Rafic Hariri, est devenu la seule amie au monde d’un régime syrien aujourd’hui en pleine guerre contre un seul homme : Abdel Halim Khaddam. Et que seul le Hezbollah (aidé certes par Émile Lahoud, le Baas, le PSNS, etc.) permet encore à la Syrie d’exercer une tutelle, même bancale, même à distance, sur le Liban.

Plus que jamais depuis sa décision de boycotter le Conseil des ministres, de se placer en marge de la vie politique libanaise, de se poser donc en victime de ce qu’il appelle les diktats de la majorité au pouvoir et d’emmener avec lui, bon gré mal gré, toute une communauté, le Hezb (se) doit de quitter le mouvement, de se dégager du ruban de Möbius. De regarder de nouveau vers le seul intérieur, repenser uniquement en termes et en intérêts libanais. De redevenir ce Hezb que tous les Libanais appuyaient lorsqu’il s’employait à débarrasser le Liban de l’occupation israélienne.

Personne n’est en mesure d’obliger Hassan Nasrallah de prendre ses distances avec Mahmoud Ahmadinejad, de s’inspirer de l’inestimable « à la tête de mon pays, il y a désormais les talibans », déclaré récemment au monde par le prédécesseur de ce même Ahmadinejad, Mohammed Khatami. Personne n’est en mesure de le convaincre qu’un des rarissimes bienfaits collatéraux de l’occupation américaine de l’Irak est d’avoir donné le pouvoir aux chiites. Hassan Nasrallah est seul maître de ses décisions, le seul à même de décider, d’enclencher cet urgent recentrage. Tout porte à croire qu’il n’y voit aucun intérêt. C’est son droit : il ne veut rien entendre ou faire. La seule solution ? D’aucuns assurent que c’est de Damas qu’elle viendrait. Par un changement de régime : un cauchemar pour le sayyed.

C’est effectivement à ce moment-là seulement que le ruban de Möbius, en se décollant, perdrait tout son pouvoir de nuisance. Le comble, c’est qu’Israël verrait d’un très mauvais œil, aussi, un tel chambardement chez sa voisine, sa meilleure ennemie. Abdel Halim Khaddam l’a rappelé, omettant certes de conseiller à une Administration Bush déjà tétanisée par les élections US de mi-mandat de rappeler Ariel Sharon très sérieusement à l’ordre.

En fait, ce par quoi brille Washington depuis la déposition télévisée de l’ancien vice-président syrien, c’est par sa discrétion. En revanche, Paris, Londres, Ryad et Le Caire font la différence. Ils ont fait comprendre à Bachar el-Assad, via Bandar ben Sultan ou Saoud el-Fayçal, qu’il est temps qu’il suive l’exemple de son père, qui n’avait pas hésité à écarter Rifaat el-Assad lorsqu’il avait senti que ce dernier représentait un danger pour son régime, en évinçant Maher el-Assad et Assef Chawkat. « S’il se sépare d’un seul officier, c’est tout son régime qui s’écroule », a pourtant souligné un fin observateur de la Syrie.

Ce n’est pas Mahmoud Ahmadinejad, loin de là, qui convaincra Bachar el-Assad de décoller les deux extrémités du ruban. Encore moins Vladimir Poutine, Abdel-Aziz Bouteflika, ou Hu Jintao. Mais peut-être le très déterminé et très sunnite Abdel Halim Khaddam. Il vaut sans doute mieux scier la branche sur laquelle on est vautré que de regarder, impuissant, l’autre le faire. À moins qu’Assad II ne privilégie la politique du pire, qu’il continue à suivre la directive Ahmadinejad, et qu’il fasse entrer tout le monde, à commencer par lui-même, dans tous les murs. Il est des rubans pires que des poisons.

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Ziyad MAKHOUL


Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah est un ami du nouveau président de la République Islamique, Ahmadinejad. Ils se connaissent depuis 1987. Ils se sont rencontrés pour la première fois en Corée du Nord, alors qu'ils suivaient tous les deux une formation auprès des Services de Renseignement de KIM IL SUNG. Dix ans plus tard, alors que Hassan Nasrallah était à la tête du Hezbollah depuis 1992, Mahmoud Ahmadinejad a été le représentant au Liban de la Fondation des Martyrs, l'un des principaux bailleurs de fonds du mouvement chiite.

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