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La diplomatie européenne relance les Iraniens
28.11.2005 [Le Figaro - Maurin Picard]

Les ministres français, allemand et britannique des Affaires étrangères ont envoyé une lettre à Téhéran pour proposer une reprise du dialogue sur le nucléaire, a indiqué hier le haut représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère, Javier Solana. Un test de crédibilité pour l’Europe, critiquée pour son absence apparente de stratégie dans la crise iranienne, gérée par les trois pays depuis trois ans.



Le 24 septembre dernier, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a voté une résolution sévère à l’encontre de Téhéran. La huitième en trois ans. Les manquements au régime de non-prolifération justifieraient d’ores et déjà amplement une saisine du Conseil de sécurité des Nations unies

Si les inspecteurs onusiens ont pu visiter le site de Parchine et interroger deux hauts responsables du programme nucléaire iranien, ils ne peuvent toujours pas accéder au site de Lavizan, objet des plus folles rumeurs quant à la présence des introuvables centrifugeuses P2, dont l’Iran avait obtenu les plans détaillés en 1994 par le « réseau Khan », responsable d’un véritable « marché noir mondial du nucléaire ». Plusieurs milliers de ces machines assemblées permettraient d’enrichir suffisamment d’uranium pour produire une dizaine d’armes nucléaires.

Plus inquiétant encore : les limiers de l’AIEA se sont procuré un document iranien révélateur. Ce plan de dix pages avait été remis à l’Iran en 1987 par un émissaire du réseau Khan. Il décrit la fabrication de « sphères d'uranium métal ». C’est la première fois que les limiers de l’AIEA mettent la main sur un document ne relevant pas de « technologies duales », aux applications aussi bien civiles que militaires. Le document « n’a pas d’autre objet que la production d’armes nucléaires », assure l’ambassadeur britannique auprès des Nations unies à Vienne, Peter Jenkins.

Face à ces révélations, l’Europe donne l’impression de patiner. Pis, d’avoir été dupée par le régime des mollahs.

Elle n’a pourtant pas ménagé ses efforts pour étouffer une crise internationale qui, dès l’automne 2002, menaçait de dégénérer en confrontation ouverte entre Washington et Téhéran. Les accords signés à Téhéran en octobre, puis à Paris en novembre 2004 prévoyaient un gel des activités nucléaires de l’Iran et des compensations.

« Approche multilatérale »

Ils ont fait long feu. L’Iran n’a toujours pas ratifié le Protocole Additionnel [1] du Traité de non-prolifération (TNP), qu’il avait pourtant signé le 18 décembre 2003 et aux termes duquel il acceptait « des inspections renforcées et inopinées ». Le régime des mollahs a relancé la conversion de l’uranium le 5 août dernier à Ispahan, et des rumeurs font état d’une reprise imminente de la phase d’enrichissement à Natanz.

Chacune de ces mesures constitue une violation flagrante par l’Iran de ses engagements internationaux. A l’issue du Conseil des gouverneurs de l’AIEA du 24 novembre, la diplomatie européenne estime cependant qu’il existe une « fenêtre d'opportunité » pour la reprise des négociations. Selon une proposition russe, l’Iran pourrait convertir l’uranium sur son sol, mais dépendrait de Moscou pour l’enrichissement.

« Nous privilégions une approche multilatérale », explique l’ambassadeur de France auprès des Nations unies à Vienne, François-Xavier Deniau. Le diplomate dit avoir observé un rapprochement entre grandes puissances au sein du Conseil.

Notamment de la part des alliés traditionnels de l’Iran : l’Inde, la Russie et la Chine. Le « compromis russe » serait, lui, la dernière offre faite à l’Iran. Des négociations officielles devraient se tenir au plus tard le 6 décembre. Le haut représentant de l’UE pour la politique étrangère, Javier Solana, a d’ailleurs annoncé hier à Barcelone, en marge du sommet euroméditerranéen, avoir proposé un nouveau dialogue à Téhéran en échange « d'un signe concret » de bonne volonté.

Ni les Européens ni les Américains ne veulent se résoudre à couper les ponts avec l’Iran. Dos au mur, Téhéran n’hésiterait pas une seconde à expulser les inspecteurs et sortir du TNP, compromettant un régime de non-prolifération déjà vacillant. Téhéran pourrait aussi propager le chaos dans l’Irak voisin.

Cependant « la fenêtre de dialogue ne restera pas ouverte en toutes circonstances », avertit Peter Jenkins.

« La saisine du Conseil de Sécurité viendra au moment où nous le déciderons, renchérit son homologue américain, Greg Schulte. Et ce moment est proche. »


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