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Iran : La semaine en images n°169
15.05.2011

Il y a un mois, les Iraniens ont investi les rues pour chanter et danser toute la nuit à l’occasion d’un événement formellement interdit par le régime, la Fête du Feu qui coïncidait avec l’anniversaire de la naissance de Reza Shah, le fondateur de l’Iran laïque. Les Pasdaran ne sont pas intervenus pour disperser ces rassemblements doublement anti-régime. Deux mois auparavant, ces mêmes miliciens avaient boycotté l’anniversaire de la révolution islamique et la commémoration du retour de Khomeiny en Iran en 1979. Il était clair qu’ils affichaient silencieusement leur soutien aux adversaires du régime.

Cette union non déclarée des Pasdaran avec le peuple permettait d’espérer un changement. L’opposition officielle, le Mouvement Vert, conçue pour promouvoir des réformes au lieu d’un changement était dépassée. Le régime n’avait plus de joker. Les derniers partisans du régime ont paniqué. Ils ont aussi pris leurs distances en cessant de participer aux manifestations officielles et ils se sont également mis à vendre leurs biens pour acheter de l’or afin de préparer leur fuite.

Le régime était désorganisé. Pour rétablir l’ordre, il devait montrer qu’il avait le soutien des Pasdaran, mais il n’a pas réussi à organiser des manifestations en sa faveur (quel que soit le prétexte, la menace ou la récompense invoqués). Chaque effort raté mettait davantage en évidence la rupture des Pasdaran donc sa vulnérabilité. Le régime était en train d’encourager le peuple à voir les Pasdaran comme des alliés et d’envisager un soulèvement couronné de succès.

Pour éviter ce scénario, la semaine dernière, le régime a changé d’approche. Il a renoncé à soumettre les Pasdaran, à la place, il s’est mis à dénoncer l’unité des Pasdaran avec l’horrible Ahmadinejad contre le Guide pour insinuer une lutte interne pour le pouvoir (et non contre le régime islamique) afin que le peuple ne pas voie pas les Pasdaran comme des alliés et qu’en conséquence, il renonce à tout soulèvement.

Mais par chance pour nous, au moment du lancement du plan dissuasif, le régime devait organiser une grande manifestation officielle en hommage à un champion de la révolution islamique et les Pasdaran ont boycotté l’événement. La thèse qu’ils étaient contre le Guide mais pour le régime était fausse. Pour faire revivre son super plan anti-soulèvement, le régime annoncé que les Pasdaran allaient défier le Guide dans les rues en début de cette semaine, ce samedi.

Ce samedi, la manifestation en question n’a pas eu lieu faute de participants, une preuve que les derniers partisans du régime ne voulaient y prendre part (donc être vu dans les mises en scène du régime agonisant). Le régime a renoncé à son plan en faisant valoir une réconciliation entre Ahmadinejad et le Guide. Il a même diffusé la photo de leurs retrouvailles le dimanche. Mais quelques heures plus tard, le prince Reza Pahlavi publiait comme chaque mois le compte-rendu de ses échanges par courriels avec les Iraniens : il y était question de l’opportunité de commencer des grèves dans les industries et les services pour paralyser le régime.

Re-panique à bord ! Le régime devait trouver un moyen pour annuler discrètement la réconciliation afin de relancer la peur des Pasdaran pour immobiliser le peuple ou il devait trouver autre chose car il n’est pas aisé de se montrer discret et dans le même temps simuler une querelle. Le résultat est une semaine avec beaucoup de tergiversations et quelques cafouillages (même dans les photos), une nouvelle semaine de crise et d’erreurs pour le régime.



Il y a une semaine, nous avions terminé notre revue hebdomadaire des images par la photo de la réconciliation entre le Guide et Ahmadinejad, photo où les deux hommes assis côte à côte se souriaient lors d’une commémoration religieuse.
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A la publication de cette photo, nous avions tablé sur une mise en scène pour sortir momentanément du scénario tout en soulignant que ce plan de diabolisation des Pasdaran étant le nouveau joker du régime, ce dernier devait y revenir par un nouvel artifice.

Lundi, après la publication des points de vue du Prince Reza Pahlavi, le régime était dans l’obligation de relancer immédiatement la peur des Pasdaran pour immobiliser le peuple.

Mais il convient de rappeler que le premier joker du régime était le Mouvement Vert qui devait s’agiter pour s’incruster dans la contestation afin d’imposer ses revendications pour diluer la demande principale. Mais quand le peuple a bougé massivement en 2009, cette opposition parasite s’est effacée car elle ne faisait pas le poids. Elle est réapparue quand le peuple a été chassé de la rue par les agents en civils qui restent les derniers partisans régime en raison de leur passé.

Plus récemment, l’opposition verte s’est encore mise en œuvre pour faire partie du mouvement contestataire afin d’en usurper sa direction, mais elle s’est retirée quand le foule s’est rassemblée à l’occasion de la Fête du Feu et de l’anniversaire de Reza Shah car il était trop minoritaire pour diluer les revendications et allait au contraire être contraint de cautionner le changement qu’il veut empêcher. Le régime ne pouvait pas accompagner la contestation pour la contrôler, il a décidé d’immobiliser le peuple avec la peur des Pasdaran. Son nouveau joker doit faire peur pour figer toute action, il ne peut pas agir : c’est un épouvantail. Mais avec un défaut majeur ; les Verts étaient des partisans du régime, les Pasdaran ne veulent pas être l’épouvantail du régime, ils ne sont donc pas un épouvantail fiable, ce joker n’est donc pas un joker fiable. Il suffirait d’ailleurs qu’ils se montrent passifs une nouvelle fois pour que la peur du gendarme s’effondre et le régime se retrouve sans recours face à la contestation.

C’est pourquoi le régime ne s’est pas lancé dans une relance puissante de ce second joker. Il a donné la priorité à ses Verts qui sont fiables pour appeler à une grève dès ce dimanche uniquement dans les universités afin d’avoir un pied dans l’aventure sans pénaliser l’économie. Il a cependant préparé les bases d’une relance de la peur d’un coup d’Etat des Pasdaran au cas où les Verts échoueraient.

La première étape était de nier la réconciliation entre le Guide et Ahmadinejad. Puisqu’il fallait aller mollo, on n’a as eu droit à des démentis et des gros mots : certains médias ont affirmé que la photo avait été retouchée : en fait, le Guide ne souriait pas à Ahmadinejad, mais à l’ayatollah Hachtroudi qui était assis à gauche d’Ahmadinejad ! Selon ces médias, l’agence IRNA, l’AFP iranienne, avait triché en supprimant l’ayatollah Hachtroudi sur l’image ! On a alors eu droit à l’image complète.
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L’argument est irrecevable pour trois raisons. Tout d’abord, l’IRNA est la voix du régime. Par ailleurs, si le régime ne voulait pas simuler une réconciliation, il n’aurait pas placé Ahmadinejad à côté du Guide sur une place normalement réservée aux membres du Conseil de Discernement.
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Et enfin, il existe cette autre photo où on les voit en train de se parler.
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Mais au merveilleux pays des mollahs, chacun a admis « la tricherie de l’IRNA » pour relancer discrètement la peur des Pasdaran afin d’immobiliser le peuple. Une fois la réconciliation supprimée, Ahmadinejad a annoncé la décision anti-constitutionelle de fusionner certains ministères. Mais la feuille de route étant d’aller mollo, personne n’a critiqué son geste.

Ce lundi, on se retrouvait ainsi avec les Verts presque grévistes, puis avec des Pasdaran presque putschistes, sans aucune réaction dans la presse !

Les Verts presque grévistes et les Pasdaran presque putschistes qui sont par ailleurs officiellement des ennemis ne se sont pas critiqués car en raison du nombre limité de leurs animateurs, ils ne peuvent pas mettre en scène des affrontements utiles pour le régime. Les agitateurs étant réduits au silence, les dirigeants ne pouvaient pas parler !

Les dirigeants étaient au chômage technique alors que leurs derniers partisans s’attendaient à des actions fortes. Le régime a tenté de les satisfaire sans agitation.

1 | Il a d’abord organisé une conférence présidée par Ali Larijani, l’actuel homme fort du Conseil de Discernement, donc le patron politique du régime, sur la nécessité d’un Islam iranien, un des sujets de conflit entre Ahmadinejad et le Guide afin de clore une polémique dangereuse. Le visage fermé de Larijani fait état de l’abandon non désiré d’une polémique forte.
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2 | Le même jour, le régime a également organisé un enterrement des restes de deux soldats morts pendant la guerre Iran-Irak car ce genre de manifestations attire ceux qui y ont perdu quelqu’un. C’est un moyen pour réunir le peuple qui boycotte les manifestations officielles. Mais la mobilisation a été très faible : moins de 50 personnes.
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La situation n’était pas rassurante. Le régime devait lancer la peur d’un pustch des Pasdaran pour immobiliser le peuple. Mais cet épouvantail étant un pistolet à un coup ou presque, on devait trouver autre chose. Le régime devait être paniqué, mais dans l’après-midi, Larijani a retrouvé le sourire.
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La réponse à ce sourire a été révélée le lendemain (le mardi 9) : le régime avait décidé de proposer une reprise de dialogue avec l’Occident pour obtenir une pause dans les sanctions afin de rassurer ses partisans, reprendre des forces, restaurer ses finances et ainsi récupérer une partie des miliciens dissidents. L’annonce de cette proposition a été faite par le porte-parole de ministère des affaires étrangères tout aussi souriant que Larijani !
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Ce mardi, Téhéran pensait à un coup de maître car l’Europe qui est un de ses plus importants partenaires économiques a toujours plaidé en faveur du dialogue pour éviter plus de sanctions car celles-ci visent ses propres intérêts et par ailleurs elles pousseraient les mollahs à pactiser avec les Américains aux détriments des intérêts européens.

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En attendant la réponse de l’Europe, il fallait rester discret. Le régime devait occuper les attentions. La semaine dernière, un incendie a tué 7 ouvriers, ce qui a attristé, le régime a décidé de mettre l’accent sur ses moyens de secours.

Mais le régime a joué de malchance : alors qu’il organisait des jeux sur le thème du secourisme dans une école huppée de Téhéran. Cinq individus ont été coincés dans leur automobile made in Iran qui a le défaut de bloquer les portières en cas de choc et sont morts brûlés vifs en raison de l’absence d’une intervention des secours et surtout en raison de l’absence de borne incendie équipée d’un simple extincteur sur les routes du pays.
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Le soir même, le régime avait déjà zappé ces morts, puisque qu’il cherchait à divertir ou occuper les attentions avec des sujets positifs. Très opportuniste, il a organisé une nuit du cinéma pour surfer sur le buzz du moment : le Festival qui devait débuter le lendemain. Là aussi, le régime a joué de malchance car Jafar Panahi qui fait pleurer le Festival alors qu’il n’a jamais dénoncé une seule exécution d’opposant, a oublié qu’il devait jouer le rôle du cinéaste martyr « assigné à résidence » : il est aussi allé à la sauterie où il a bien ri de la bêtise de ses fans. Ce n’est même pas une sortie exceptionnelle, Panahi participe à toutes les sauteries du régime. Cette gueule bouffonne et heureuse est une atteinte à notre santé mentale quand on voit les images de l’Iran. Nous dédions la photo à Frédéric Mitterrand qui « considère que le traitement dont (Panahi) est l’objet est une atteinte inacceptable à la liberté de pensée et à la liberté de création ».
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Asghar Farhadi, l’Ours d’or inexplicable en 2011 au Festival de Berlin !


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Jafar Panahi (au centre), visiblement traumatisé par sa détention !


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Le lendemain (le mercredi 11 mai), le régime a oublié cette fête et les morts sur la route car l’Europe a refusé de jouer le jeu en estimant qu’une nouvelle rupture du régime l’obligerait à adopter les sanctions qui sont doublement contraires à ses intérêts. En refusant le dialogue, l’Europe a pensé à ses intérêts sans tenir compte des attentes des mollahs.

Le régime a tout oublié car il n’avait rien gagné, il avait seulement réussi à convaincre ses derniers partisans notamment ses hommes d’affaires qu’il était bien seul au monde, une raison suffisante pour qu’ils le quittent et se rangent du côté de ses adversaires.

Avec 48 heures de retard, le père Larijani s’est indigné de la décision anti-constitutionnelle d’Ahmadinejad de fusionner les ministères ! On pouvait à nouveau dénoncer la soif de pouvoir des Pasdaran pour évoquer la menace latente des Pasdaran afin de convaincre le peuple que ces miliciens ne sont pas des alliés fiables. Tous les médias du régime se sont focalisés sur le sujet.

Il lui fallait alors montrer les Pasdaran sous un jour menaçant pour accréditer le récit. Il a annoncé qu’ils tenaient une manœuvre gigantesque à Téhéran. Mais la manœuvre devait avoir lieu sur une base militaire loin des regards et en plus un vendredi, jour férié, quand tout le monde déserte la ville pour limiter les témoignages des riverains.

Le régime devait cependant diffuser des images. La règle d’or a été les angles de prises de vue bizarres et le flou car il y avait là tout au plus 15 commandos, 20 ados et même quelques enfants.
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C’est pitoyable. En agitant les Pasdaran, le régime a dû entrer dans le flou comme pour les Verts. Le régime est condamné au flou. La menace artificielle s’estompe en action. Le régime tiendra tant qu’il fera illusion en restant immobile.