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Iran / Etats-Unis : Otages contre otages
18.09.2010

Nous ne cessons de vous rappeler que pour étendre son hégémonie, Washington a besoin des mollahs qui ont l’autorité nécessaire pour agiter les musulmans dans le sens des intérêts américains au Moyen-Orient et surtout en Asie Centrale [1]. Mais ces derniers ne peuvent pas accepter une alliance car cette évolution vers une république islamique au service des intérêts américains passerait nécessairement par un transfert de tous leurs pouvoirs entre les mains des pions islamistes de Washington. C’est pourquoi Washington fait pression sur les mollahs : il veut les forcer à accepter le dialogue qui mène à leur capitulation. Ces pressions se composent de sanctions sélectives, de projets d’investissements annulés à la dernière minute, mais aussi de frappes contre les Pasdaran basés à proximité des frontières irakiennes ou pakistanaises via des groupes armés baloutche ou kurde. Hier, le composant baloutche de ce dispositif a attaqué un convoi des Pasdaran pour prendre 6 otages qu’il menace d’exécuter.



Il y a deux jours, les médias iraniens ont fait état de l’attaque d’un bus dans la région de Zahedan : des inconnus avaient attaqué un bus et pris en otage 6 personnes : un employé de banque et 5 pilotes de la grande base militaire de Konarak, port situé sur la bordure de la mer d’Oman. Le nom de Jundallah n’avait pas été cité, mais il était légitime d’y penser.

A la suite de la publication de cette nouvelle, le groupe armé financé par Washington a fait savoir qu’il était l’auteur de cette prise d’otage qui a eu lieu, selon ses dires, très tôt jeudi matin suite à une embuscade d’un transport de troupes et une fusillade qui a provoqué la mort de plusieurs de plusieurs soldats et permis l’arrestation de 6 hauts officiers des Pasdaran. C’est tout à fait plausible. Le groupe a déjà mené ce genre d’opération avec l’appui des systèmes de surveillance américains.

Dans son communiqué, le Jundallah a promis de publier les images de cet exploit. Il a aussi menacé le régime de fusiller les 6 officiers devant des caméras pour que leurs familles assistent à leur exécution si on ne libérait pas plusieurs dizaines de combattants détenus arrêtés par le régime. Mais, le Jundallah n’a pas évoqué l’identité des personnes dont il réclame la liberté.

C’est le point qui nous fait douter des vraies intentions de cette prise d’otage. Il y a trois raisons. La première est que toutes les fois que le Jundallah a agi, il l’a fait selon les besoins de Washington quelques heures après à un refus des mollahs de prendre en considération sa demande de négociations pour parvenir à une entente. Par ailleurs, à chaque fois que le coup du Jundallah a été une prise d’otages, Téhéran a commencé à exécuter les prisonniers du groupe sans que ce dernier ne mette à exécution ses menaces aux dates limites qu’il avait annoncées. On a même assisté à des libérations de ses otages alors que le régime s’était montré impitoyable. La troisième raison est qu’actuellement tous les médias d’opposition évoquent la pendaison imminente de trois jeunes baloutches qui se nomment Nasser, La’al Mohammad et Khaled Shah-bakhsh, qui ne sont pas des frères et ont été arrêtés justement à cause du nom de famille qu’ils partagent avec un des chefs du Jundallah. L’absence de référence à ces trois prisonniers montre que le groupe ne veut pas mettre ses menaces à exécution si le régime pendait ses trois-là. Le groupe veut garder ces otages pour autre chose.

Cette prise d’otage pour un but inconnu au service des intérêts de Washington intervient alors qu’il n’y a pas eu de demande récente de dialogue avec Téhéran. En revanche, il y a eu une très grosse offensive en deux temps contraire à l’entente souhaitée par Washington.

Cela a commencé, en début de la semaine, avec la libération sous caution de Sarah Shoord, subterfuge utilisé par le régime pour rappeler aux Américains qu’il détenait 3 de leurs citoyens et pouvait à tout moment aggraver leur cas en les condamnant pour espionnage, un délit passible de la peine de mort en Iran. La détention de citoyens américains est un moyen émotionnel utilisé par le régime depuis 2008 pour forcer Washington à s’engager dans l’escalade qu’il veut éviter. Le premier cas avait été celui de Roxana Saberi. Pour la libérer sans s’engager officiellement, Washington avait arrêté plusieurs hommes d’affaires liés aux mollahs et les avait condamnés à de lourdes peines de prison, certains sont même encore en prison. Cette fois-ci, Washington a pu éviter l’orage en gardant ses distances, en payant la caution par un tiers avant de féliciter Téhéran pour son geste. Il avait en fait inversé les vapeurs.

Dépité par cette réponse inattendue, le régime s’était vengé mercredi via Ahmadinejad lors d’une interview accordée à la chaîne américaine NBC. Le représentant du régime avait, d’une part, rejeté avec force toute entente avec les Etats-Unis, mais encore il avait récidivé à propos des 2 américains retenus en Iran en rappelant qu’ils seraient jugés selon les lois de la république islamique d’Iran.

Normalement, dans tous les autres cas de réponses négatives de la part des mollahs à une demande de dialogue, le Jundallah avait frappé les Pasdaran dans un intervalle de quelques heures par un attentat à la bombe. Dans le cas présent, le délai a été respecté, mais le groupe financé par Washington a choisi la prise d’otages, ce qui laisse supposer que Washington voulait répondre au refus d’entente, mais son intention a également a été conçue pour se donner les moyens indirects pour forcer Téhéran à mettre un terme à une prise d’otage qui le met mal à l’aise.

Washington a bien choisi car depuis un an, les mollahs ont de grandes difficultés avec leurs miliciens qui donnent des signes de soutenir les partisans d’un changement de régime. Les mollahs n’auraient pas intérêts à mécontenter d’avantages les miliciens en les sacrifiant comme cela avait déjà été fait.

Cette hypothèse d’un lien entre la prise d’otage de Konarak et les 2 Américains détenus en Iran a été confirmée par Ahmadinejad lui-même à l’heure où nous écrivions cette conclusion. Lors d’une interview accordée à la télévision iranienne, ce dernier a déclaré que le régime avait libéré Sarah Shoord pour obtenir la libération des Iraniens détenus aux Etats-Unis (ceux de l’affaire Saberi) alors que le régime n’avait jamais évoqué cela auparavant. Le régime parle d’échange… après la prise d’otages du Jundallah. Visiblement, Washington a fait mouche. Cela confirme les difficultés du régime avec ses miliciens.

Mais l’enjeu est la survie du régime. C’est pourquoi ce dernier peut malgré tout refuser de céder. De fait, Washington vient-il peut-être de s’engager dans une escalade qu’il doit éviter.


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| Mots Clefs | Terrorismes : Jundallah |
| Mots Clefs | Terrorismes : Prise d’otages |

| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement (contrarié) |

[1Washington a besoin d’un allié islamiste pour contrôler les musulmans intégristes en particulier les chiites. Cela lui permettrait d’une part d’agiter le Cashmire afin d’agiter les musulmans chinois de la riche région pétrolière et minière de Xinjiang, et d’autre part, d’inciter les chiites saoudiens à déclarer leur indépendance afin de détacher la région de Shargieh (où se trouve tout le pétrole saoudien) pour punir les Wahhabites qui depuis 1996 refusent de reconduire l’exclusivité pétrolière jadis accordée aux Etats-Unis.