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Iran : La semaine en images n°110
28.03.2010

Il ne s’est presque rien passé en Iran cette semaine car tout le monde est en vacances. C’est la tradition de prendre la route après avoir assisté au changement de l’année autour de la nappe de Haft Sin (7 S) selon la tradition zoroastrienne qui déplait tant aux mollahs. Le malaise est bien visible dans les médias du régime : on parle par exemple peu ou mal des traditions zoroastriennes et l’on reporte ses efforts –nous le verrons en images- sur l’aspect vacancier de la période. Depuis deux ans, Obama dont le pays rêve d’une entente stratégique avec les mollahs, s’invite à la table des Iraniens en leur souhaitant la bonne année avec la phrase « Ayd i Shooma Moobaroak » où comme vous pouvez le constater le mot Norouz est absent. C’est normal, la formule est la version arabo-islamique des vœux que chacun utilisait sans arrière-pensée avant la révolution. Aujourd’hui, grâce à la république islamique qui a dévalorisé l’Islam, les Iraniens préfèrent prononcer leurs voeux avec des formules non arabisées comme « Norouz etan Pirouz » (que votre nouvelle année soit victorieuse). Il existe donc plusieurs Norouz : le vrai que les Iraniens vénèrent, celui dénigré par les médias du régime et désormais le Nowrouz politique. Lancé par Obama, tout récemment reconnu par l’ONU pour aider les desseins d’Obama, il s’est imposé aux mollahs qui ont dû le fêter en grande pompe à Téhéran. Nous profitons de l’accalmie des news pour vous proposer un album photos des trois Norouz.



Le vrai Norouz | Avant de regarder les images des transgressions imposées par les mollahs, il convient de connaître Norouz. Cette fête est indissociable de l’Iran ancien des Achéménides, mais a subi l’influence des pays conquis par ces faiseurs d’empire : on peut notamment évoquer des influences indiennes, égyptienne ou encore phénicienne. Norouz a capté des traditions, mais il a aussi voyagé avec les conquêtes des Achéménides. C’est pourquoi on le fête dans de nombreux pays qui ne font plus partie de l’Iran depuis des centaines voire des dizaines d’années comme les pays de l’Asie Centrale et le Caucase, tout le Kurdistan, l’Afghanistan, le Pakistan et la partie occidentale de l’Inde ou encore l’Albanie.
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Ce qui a fait sans doute le succès de cette fête est qu’il célèbre le retour du printemps, un bienfait apprécié par les gens de la terre quelle que soit leur religion. Une autre qualité qui a fait le succès de Nowrouz est qu’il s’étale sur trois semaines jalonnées de rites festifs et sociaux comme la fête du Feu ou la villégiature du 13e jours de l’année.

Rites métissés de renaissance et de fertilité | Selon les zoroastriens, l’année était divisée en 12 mois de 30 jours plus une période de 5 jours et quelques heures hors temps appelés Pandjeh (ou quintette) qui servait de transition vers le Nouvel an. Pendant ces 5 jours, les esprits des morts rendaient visite aux vivants. Le premier rituel était de faire un grand nettoyage du logis pour les accueillir dignement. Le second rituel était la fête du Feu, d’origine indienne, où il fallait allumer des feux pour sauter par-dessus les flammes afin de purifier son âme des maladies accumulées pendant l’hiver.

Le troisième rituel était de dresser une nappe agrémentée de 7 grandes assiettes de graines de base (comme le riz, le blé…) personnifiées par Sept Sepahntas (ou anges zoroastriens). En dehors du riz, les 6 autres graines pouvaient changer d’une année à l’autre. On retrouvait sur cette nappe un miroir, des bougeoirs, certaines fleurs ou certains fruits comme la pomme et la grenade qui symbolisaient certaines vertus et un poisson en fer qui symbolisait la nature sauvage.

Et enfin, issus de la tradition égyptienne du culte d’Isis ou phénicienne du culte d’Adonis, on faisait germer du blé dans une assiette. Chez les Egyptiens ou les Phéniciens, le blé était germé sur une poupée de jute pour représenter la divinité naissante qui était jetée à l’eau pour fertiliser la nature. Les Iraniens anciens qui célébraient la renaissance de la nature ont adopté ce rite de fertilité dans une version moins religieuse. Mais avant de clore ainsi Norouz par ce rite, on devait évidemment le célébrer.
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Célébration | Cela avait lieu au moment précis de l’équinoxe du printemps selon les calculs des astronomes. On devait se réunir en famille vêtus d’habits neufs autour de la nappe des aliments et objets symboliques en mangeant des pâtisseries. Le lendemain, on était dans un nouveau jour ou Norouz. En ce beau jour en, on devait mettre ses plus beaux habits neufs pour rendre visite aux amis ou aux aînés en leur offrant des présents comme par exemple des habits, des pièces d’or (billets neufs de nos jours) ou encore des pâtisseries. Les enfants faisaient le tour des maisons pour récolter des bonbons ou des fruits secs. Ils recevaient aussi des œufs pour un jeu appelé « jeu d’œufs » où le vainqueur était celui qui avait échappé aux œufs. Et enfin les festivités se terminaient par le rituel de la fête de la fertilité.

Métissages forcés | Quand l’Iran est tombé sous la coupe des envahisseurs arabes et musulmans, ces derniers ont interdit ces rituels. Pour les sauver, nos ancêtres ont métissé leurs rituels. Ainsi, la fête du feu a été programmée la veille du dernier mercredi de l’année car la journée de mercredi était mal vue dans les superstitions des envahisseurs. De même pour continuer à célébrer les 7 Sepahntas, on a remplacé les graines par 7 aliments dont le nom commence par l’équivalent d’un S en persan, ce qui les a conduits à mettre sur leur table un aliment malodorant comme l’ail ou le très peu appétissant vinaigre qui ne sont ni l’un ni l’autre des graines. De même, on a dû transformer le rituel de la fertilité en une nécessité de sortir pour conjurer la poisse pendant la journée de Sizdeh Bedar qui signifie chasser le treize.

Métissages récents | Ainsi les métissages positifs des temps anciens ont été suivis de métissage de survie dont dans une tradition plus récente on cherche à s’en défaire. Comme toutes les fêtes populaires, il a continué aussi à se transformer ainsi sous les Qadjar avec la naissance du clergé chiite : on a posé un Coran sur la nappe et en réaction, d’autres ont posé des livres de poésies d’auteurs hostiles à l’Islam comme Hafez ou Ferdowsi. À la même époque, on a aussi introduit sur la nappe des 7 S le petit poisson rouge, qui est d’origine chinoise, en rappel au poisson de fer des temps anciens. Ce petit être coloré qui amuse les enfants pendant toute la durée de Norouz retrouve traditionnellement la liberté quand on jette le blé germé dans un cours d’eau.

En 1979, après la révolution islamique, les mollahs ont tenté d’interdire Nowrouz et ses rituels pour les remplacer par l’Aïd el Ghadir et les rituels chiites célébrant la mort des martyrs comme Achoura. Pour aligner le peuple sur son image de Djihadiste défenseur du Hezbollah. Il en allait de son image islamiste.

Les Iraniens n’ont pas accepté. Mais le régime a aussi abandonné ce projet notamment parce qu’il y avait beaucoup d’argent à se faire sur la vente des habits neufs, des cadeaux et des produits destinés à orner la nappe des 7 S. Il l’a en revanche rendu plus discret en gommant par exemple son nom : il est devenu la fête de la fin de l’année (c’est-à-dire l’inverse de ce qu’il est). Dans ce contexte de discrétion politique nécessaire pour son image, il s’est montré plus hostile à la Fête du Feu, qui en plus n’avait rien de commercial, elle est devenue le « dernier mercredi de l’année », idem pour la sortie champêtre du Sizdeh Bedar qui est devenue un jour férié sans nom.

Images de Norouz commerciales tolérées | Comme toutes les années, on n’a pas manqué d’images de gens en train de faire des courses pour Norouz. En dehors du fait commercial, le régime diffuse ces images pour nier l’absence des difficultés économiques alors que depuis plus d’une vingtaine d’années 85% des Iraniens sont sous le seuil de pauvreté. Cela relève donc de Mollah Way of Life ou le bonheur de vivre en Iran. Sur ces images, on ne voit jamais de mollahs, jamais des miliciens, mais en revanche des enfants plantés devant les poissons rouges pour cet achat plein de rêveries.
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Bonheur gâché par le feu | On voit ce genre d’images sur les télés du régime, mais aussi à la une des quotidiens. Ce tableau du bonheur sous le soleil des mollahs est gâché par la Fête du Feu, dont le feu rappelle le culte zoroastrien si pacifique, si tolérant, si différent de l’Islam. Son interdiction en a fait depuis une dizaine d’années un rituel du rejet du régime. Pour ne pas se laisser déborder, le régime la tolère, mais évite d’en faire la promo en publiant à la veille et le lendemain des images de jeunes brûlés vifs victimes du feu, images accompagnées de témoignages déchirants et des articles dénonçant le fait qu’une pratique idiote gâche ainsi la vie des jeunes de notre pays.
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Anti fête du feu etc… | Depuis quelques années, le régime a inventé un rituel inexistant chez les Zoroastriens : le dernier jeudi de l’année de visite aux habitants des tombes ! Avant et après la fête du feu, les médias du régime bombardent les Iraniens pour la nécessité de célébrer cette vieille tradition de Norouz en allant passer leur temps à pleurer dans les cimetières.

Le problème est que les zoroastriens n’enterrent pas leurs morts : le corps vu comme impur ne doit pas souiller la terre nourricière. Les corps des défunts sont placés dans des tours du silence, où ils sont déchiquetés par les oiseaux de proie. Le sol de la tour est couvert d’un dallage de pierre, afin de protéger la terre de toute souillure. Seuls les os (ou ce qu’il en reste) pourront être ensevelis dans le trou circulaire situé au milieu de la tour.

Ce rituel inexistant de jeudi macabre a du mal à envoyer les Iraniens dans les cimetières pour Norouz (1ere photo), c’est pourquoi le régime organise des séances photos pour prouver le contraire, d’où des photos identiques signées par des photographes de différentes agences du régime.
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Au pays des mollahs, ce rituel bidon est suivi d’un Norouz bidon qui a aussi lieu dans les cimetières ! C’est un drôle de Norouz, sans lampion, sans friandise, sans habits neufs. Il est vraiment à l’image du régime.
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Génocide rouge | Comme si cela ne suffisait pas, le régime a ajouté un volet de plus à ses efforts anti Norouz avec des séries d’articles sur le massacre des poissons rouges par les enfants, illustrés comme il se doit par une nouvelle recrue de l’agence Mehr qui s’est distinguée par une production très critique envers le régime. Cette agence a d’ailleurs publié une annonce pour recruter de nouveaux photographes du même genre sans doute car l’agence donne encore des signes de rébellion comme on peut le voir plus loin.
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Norouz discret | Dans quelles conditions les Iraniens ont-ils fêté Norouz chez eux ? on ne sait rien puisqu’il n’existe aucune image sur le sujet. C’est tabou : on ne peut pas montrer ce qu’il se passe derrière des portes des logements. Un photographe de l’agence Mehr a eu l’idée de nous donner une idée de cette autocensure en montrant ces fameux logements (ici à Robât Karim près de Téhéran, dernier site abordable pour les jeunes ménages iraniens).
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Norouz mis en scène | Pour cacher cette détresse, le régime a diffusé des images d’Iraniens heureux fêtant Norouz dans de jolis endroits comme le tombeau de Saadi (ci-dessous), le tombeau de Hafez ou encore de Cyrus le Grand. Dans lce dernier cas, le régime a fait une bourde en plaçant au premier rang un faux opposant (à barbichette) qui est censé être un zoroastrien en prison pour son soutien au Mouvement Vert pro-Khomeiny !
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On the road | Dans la même veine de je m’éclate en Iran, le régime a montré les Iraniens sur la route. D’autres photographes ont joué l’impertinence en montrant où allaient ces flots de vacanciers heureux.
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Certains ont eu moins de chance comme ceux de Yazd à qui le régime a vendu de l’essence diluée !
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Ceux-là ont sans doute été les plus chanceux car l’Iran a battu son record de morts sur les routes avec 880 tués en 5 jours, 176 tués par jour soit trois fois le nombre quotidien en jour normal. Les images manquent.
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Les 3 Norouz | En début de ce numéro, nous avons parlé du vrai Norouz et le Norouz des médias du régime, les images ci-dessus nous ont montré que le faux Norouz commercial ou propagandiste a tendance à écraser le vrai Norouz ou à démoraliser ceux qui souhaitent le célébrer. Norouz est en danger là où il est né.

Ce danger est accru par l’intrusion de la politique et l’instrumentalisation par les Américains de Norouz pour adresser des messages d’amitié aux mollahs. Nous l’avons évoqué en début de ce texte et à l’occasion des 1ers vœux adressés par Obama aux dirigeants iraniens, c’est-à-dire ceux qui cherchent depuis 30 ans à gommer Norouz.

Sous l’influence de cette instrumentalisation, l’ONU a adopté un texte reconnaissant Norouz, mais l’objet de l’opération étant le dialogue et l’entente avec les mollahs islamistes et non les Iraniens anti-islamistes, le texte omet de citer l’Iran comme le Berceau de cette fête. Malgré cela, cette politisation de grande envergure à forcer les mollahs à célébrer Norouz avec 7 jours de retard en grande pompe en compagnie des chefs des Etats où cette fête est célébrée. Le régime s’est retrouvé en porte-à-faux par rapport à ses propres slogans. Silence radio pour les mollahs que l’on entend tout le temps.
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Qu’en pensent des Iraniens ? ce que l’on penserait en France si on fêtait Noël le 7 janvier. De toutes les façons, le sujet de discussion au sujet de Norouz n’est pas cette célébration décalée, mais la campagne médiatique lancée par le régime il y a trois jours pour dénoncer la sortie champêtre de Sizdeh Bedar, souvenir lointain de la fête de la fertilité, comme la principale source de destruction de l’écosystème en Iran. Le régime des mollahs va sans doute verbaliser comme au début de la révolution. Déprimant comme un Norouz sans les poissons rouges.