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Taslima Nasreen versus Shirin Ebadi
01.10.2005

Shirin Ebadi récidive. Jeudi soir, à l’Uni Dufour (Genève), elle déclarait : « l'islam est compatible avec la démocratie. » [1].



« En islam, la relation entre démocratie et religion reste confuse, a-t-elle commencé. Beaucoup pensent que les lois divines sont seules légitimes et que l’islam n’est pas compatible avec les droits fondamentaux. »

« Islam et raison ne font qu'un ! » L’exemple semble marginal et s’éloigner des questions épineuses des droits humains, mais le parallèle est implicite. À entendre Shirin Ebadi, la Charte des droits de l’homme serait pour ainsi dire inscrite entre les lignes du Coran. « L’islam est juste, a-t-elle insisté. Si un point dans le Coran ne s'accorde pas avec la raison ou les connaissances actuelles, c'est que son interprétation est erronée et son sens profond mal compris. »

« C'est une erreur de demander la négation de la religion, cela ne mène nulle part. Essayons d’amener les gens à la démocratie en respectant la religion. » Pluie d’applaudissements.


À cette pluie d’applaudissements pour des paroles que nous jugeons indignes d’une lauréate d’une Prix Nobel reçue pour défendre les droits des femmes des pays musulmans, nous opposons le langage clair et dénué de toute complaisance de Taslima Nasreen [2].

Ebadi délaisse la femme pour expliquer la loi qui l’opprime. Son attachement à la Révolution Islamique de Khomeiny est en contradiction avec sa mission. Elle jouit d’une grande notoriété en occident, mais cette notoriété se fonde sur peu de faits avérés. L’unanimité dont elle jouit n’a d’égale que son impopularité parmi les masses iraniennes qui sont lasses de son double langage.

Ebadi est née avec le Prix Nobel, elle surgit d’un néant : on ne trouve pas le moindre texte, pas la plus petite déclaration publique ou lettres ouvertes de sa part au sujet de la maltraitance des femmes et des enfants des pays soumis à la charia. Nul ne l’a entendue prendre fait et cause pour les femmes afghanes durant la prise de pouvoir des talibans, personne ne lui connaît une sortie médiatique au moment de la révolution islamique de khomeiny et des viols de jeunes filles en prison (les filles vierges se font violer en prison par les Gardiens de la Révolution pour être « impures » et ainsi aller en enfer.)

Plus proche de nous, Ebadi cite inlassablement les mêmes statistiques afin de louer les performances du système éducatif des mollahs. Selon elle, les femmes iraniennes sont éduquées et ouvertes d’esprit et actuellement en Iran 63 % des étudiants sont des femmes. Sans préciser, bien entendu, que les droits d’inscription pour chaque semestre dans les universités iraniennes sont équivalents à 4 mois de salaire d’un Instituteur. Le salaire en question, de 100$, doit subvenir aux besoins d’une famille de 4 personnes en moyenne. Le loyer d’un logement de deux pièces est de 250 $ mois et par conséquent, on estime le niveau du seuil de pauvreté à 350 $ par famille en Iran. On se demande alors comment les universités peuvent regorger d’étudiants et surtout d’étudiantes ? Ce n’est plus un secret qu’avant chaque inscription, le nombre des prostitués des deux sexes monte en flèche dans les grandes villes.

L’Iran est le pays des records honteux, il a le taux de suicide le plus élevé au classement mondial idem pour le nombre d’accros à l’héro. Le discours de Shirin Ebadi est celui de Ladane Nasseri : il est plat et sans compassion.

Il y a beaucoup à dire sur Ebadi. Elle évite la rencontre avec les opposants car son discours plat et sans compassion ne tiendra pas longtemps, alors elle se cantonne à un débat de fond. Laissons faire Taslima qui lui répondra sur le fond et sur la forme.

Taslima Nasreen: « L'islam est incompatible avec les droits de l'homme ! »


Menacée de mort par une fatwa lancée par des fanatiques, Taslima Nasreen vit en exil depuis plus de dix ans. Symbole de la lutte pour la libération de la femme, l’écrivain bangladaise a reçu le 16 novembre dernier le prix Unesco-Singh 2004, doté de 100 000 dollars, pour la promotion de la tolérance et de la non-violence. Elle a fait du combat contre l’obscurantisme religieux et l’oppression des femmes sa raison de vivre. Entretien avec une femme rebelle. Depuis 1993, la tête de l’écrivain est mise à prix par les fanatiques religieux. Depuis 1994, elle vit en exil, mais se rend parfois clandestinement au Bangladesh.

- Le Figaro Magazine [3] - Vous ne cessez de dénoncer la condition des femmes musulmanes partout dans le monde. En quoi l’islam serait une religion nuisible pour les femmes ?
- Taslima Nasreen - Les femmes sont oppressées par toutes les religions, y compris l'islam. Les traditions culturelles et les coutumes les asservissent aussi. Je m'attaque à l'islam en particulier, parce que je suis née dans une famille musulmane et que j'ai vécu dans un pays qui applique la charia. J’ai donc personnellement vécu cette oppression et j’ai compris très jeune que l’islam était un outil pour faire perdurer un système patriarcal. Dans le Coran, les femmes ne sont pas traitées comme des êtres humains mais comme des êtres inférieurs et des objets sexuels, condamnés à la servilité. Elles sont réduites à l'esclavage dans un texte qui est vieux de 1 400 ans ! Elles n'ont pas les mêmes droits que les hommes : elles doivent porter le voile, peuvent être battues, n'ont aucun droit sur l'héritage ou encore subissent la polygamie et la répudiation. Si les femmes ne suivent pas les ordres de leurs maris, de leurs frères ou de leurs fils, elles peuvent être battues, lapidées ou rejetées par la société. Le Coran est un livre sacré, mais uniquement pour les hommes ! Il est dit, par exemple, que Dieu donne l’autorité aux hommes sur les femmes. Si les femmes n’obéissent pas à leurs maris, ils sont autorisés à les frapper ! Ce texte est une source d’injustice et de discrimination pour toutes les femmes.

- Pensez-vous qu’il faille moderniser le Coran afin de donner plus de droits aux femmes ?
- Vous ne pouvez pas réécrire un livre établi en l’an 651 de notre ère ! Les versets du Coran ne peuvent être reformulés, c’est ainsi... Par contre, ce livre doit être considéré comme un simple document historique, écrit il y a mille quatre cents ans. Je pense que le Coran, comme toutes les écritures sacrées, est complètement dépassé aujourd’hui. Nous n’en avons plus besoin pour vivre. À l’époque, ce texte servait de guide pour l’organisation de la société. Mais, aujourd’hui, dans une société moderne, c’est à l’Etat et non à l’Eglise de définir l’organisation de la vie en société. Le Coran doit rester du domaine privé et personnel. C’est pourquoi je me bats pour la sécularisation de la société et la séparation entre l’Eglise et l’Etat dans les pays où le Coran régit encore la vie quotidienne et les affaires personnelles. Le Coran est inutile dans le monde moderne.

- Ne pensez-vous pas que la majorité des musulmans sont modérés et tolérants alors que les extrémistes ne représentent qu’une minorité ? Et que l’Islam peut être un mode de vie comme un autre ?
- Je ne crois pas que les extrémistes soient une minorité. Au contraire, le fondamentalisme est en plein essor dans les pays islamistes. Les guerres menées en Afghanistan et en Irak sont en train de produire de nouveaux intégristes. Des musulmans qui étaient modérés hier basculent aujourd’hui dans le fondamentalisme en réaction à ce qui est perçu comme une guerre entre l’Occident et l’Orient. L’Ouest doit faire très attention dans sa manière de lutter contre le fondamentalisme. Les guerres ne font qu’amplifier les haines et les fondamentalismes. Pour sortir de l’obscurantisme, c’est de civilisation et d’éducation dont nous avons besoin. Le conflit aujourd’hui n’est pas un conflit entre l’Occident et l’Orient, mais entre le laïcisme et le fondamentalisme, entre l’innovation et la tradition, entre un monde moderne et rationnel et un monde de foi aveugle et irrationnel.

- L’avocate iranienne Shirin Ebadi a reçu le prix Nobel de la paix 2003 pour son action en faveur des droits de l’homme. Selon elle, l’islam est compatible avec les droits de l’homme. Que pensez-vous de sa position ?
- Je respecte son opinion et son engagement humaniste. Notre objectif est le même : obtenir l’égalité et la justice pour les femmes. Simplement, nos moyens d’y parvenir sont différents. Pour moi, l’islam est incompatible avec les droits de l’homme et de la femme. Ce n’est pas de l’islam dont nous avons besoin pour lutter contre l’ignorance, mais d’un code civil basé sur l’égalité des sexes et d’une éducation laïque pour tous.

- Vous prônez la sécularisation et la séparation de l’Eglise et de l’Etat pour sortir les femmes de la servitude. Seriez-vous favorable à une révolution laïque dans les pays musulmans ?
- La grande tragédie de l’humanité, c’est le fait que la moralité ait été récupérée par la religion. Avant la création des religions, la moralité existait déjà. Nous n’avons pas besoin des religions pour être moral. Ma conscience est suffisante pour faire de moi une bonne personne. C’est pourquoi je milite pour une révolution laïque dans mon pays. Je me bats aussi pour toutes les femmes qui sont oppressées partout dans le monde.